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vous avez la bonté de m'apprendre, et j'avoue qu'après les faits que j'ai cités, la preuve de celui-là me sembloit difficile. Vous philosophez trop bien pour prononcer là-dessus aussi légèrement que nos voyageurs, qui s'exposent quelquefois, sans beaucoup de façons, à mettre leurs semblables au rang des bêtes. Vous obligerez donc sûrement le public, et vous instruirez même les Naturalistes en nous apprenant les moyens que vous avez employés pour décider cette question.

Dans mon Epitre dédicatoire, j'ai fé1.cité ma Patrie d'avoir un des meilleurs Gouvernemens qui pussent exister. J'ai prouvé dans le Discours qu'il devoit y avoir très peu de bons Gouvernemens : je ne vois pas où est la contradiction que vous remarquez en cela. Mais comment savez-vous, Monsieur, que j'irois vivre dans les bois si ma santé me le permettoit, plutôt que parmi mes Concitoyens pour lesquels vous connoissez ma

tendresse Loin de rien dire de semblable dans mon Ouvrage, vous y avez dû voir des raisons très fortes de ne point choisir ce genre de vie. Je sens trop, en mon particulier, combien peu je puis me passer de vivre avec des hommes aussi corrompus que moi, et le sage même, s'il en est, n'ira pas aujourd'hui chercher le bonheur au fond d'un désert. Il faut fixer, quand on le peut, son séjour dans sa Patrie pour l'aimer et la servir. Heureux celui qui, privé de cet avantage, peut au moins vivre au sein de l'amitié dans la Patrie commune du genre humain, dans cet asyle immense ouvert à tous les hommes; où se plaisent également l'austère sagesse et la jeunesse folâtre; où règnent l'humanité, l'hospitalité, la douceur et tous les charmes d'une société facile; où le pauvre trouve encore des amis, la vertu des exemples qui l'animent, et la raison des guides qui l'éclairent. C'est sur ce grand théâtre de la fortune, du

vice, et quelquefois des vertus, qu'on peut observer avec fruit le spectacle de la vie; mais c'est dans son pays, que chacun devroit- en paix achever la sienne.

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Il me semble, Monsieur, que vous me censurez bien gravement sur une réflexion qui me paroît très-juste, et qui, juste ou non, n'a point dans mon écrit le sens qu'il vous plaît de lui donner par l'addition d'une seule lettre. Si la nature nous a destinés à être saints me faites-vous dire, j'ose presque assurer que l'état de réflexion est un état contre nature et que l'homme qui médite est un animal dépravé. Je vous avoue que si j'avois ainsi confondu la santé avec la sainteté, et que la proposition fût vraie, je me croirois très-propre à devenir un grand saint moi-même dans l'autre monde, ou du moins à me porter toujours bien dans celui-ci.

Je finis, Monsieur, en répondant à vos trois dernières questions. Je n'abu

serai pas du tems que vous me donnez pour y réfléchir ; c'est un soin que j'avois pris d'avance.

Un homme ou tout autre être sensible qui n'auroit jamais connu la douleur, auroit-il de la pitié, et seroit-il ému à la vue d'un enfant qu'on égorgeroit? Je réponds que non.

Pourquoi la populace, à qui M. Rousseau accorde une si grande dose de pitié, se repait-elle avec tant d'activité du spectacle d'un malheureux expirant sur la roue? Par la même raison que vous allez pleurer au théâtre et voir Séïde égorger son père, ou - Thyeste boire le sang de son fils. La pitié est un sentiment si délicieux qu'il n'est pas étonnant qu'on cherche à l'éprouver. D'ailleurs, chacun a une cu riosité secrette d'étudier les mouvemens de la nature aux approches de ce moment redoutable que nul ne peut éviter. Ajoutez à cela le plaisir d'être, pendant deux mois, l'orateur du quartier,

et de raconter pathétiquement aux voi sins la belle mort du dernier roué,

le

L'affection que les femelles des animaux témoignent pour leurs petits, a-t-elle sce petits pour objet, ou la mère? D'abord la mère pour son besoin, puis les petits par habitude. Je l'avois dit dans le Discours: Si par hasard c'étoit celle-ci, bien-être des petits n'en seroit que plus assuré. Je le croirois ainsi. Cependant cette maxime demande moins à être éten→ due que resserrée; car, des que les poussins sont éclos, on ne voit pas que la poule ait autun besoin d'eux, et sa tendresse maternelle ne le cède pourtant a nulle autre.

Voilà, Monsieur, mes réponses. Remarquez au reste que, dans cette affaire comme dans celle du premier Discours, je suis toujours le monstre qui soutient que l'homme est naturellement bon, que mes adversaires sont toujours les honnêtes gens qui à l'édification pu A a

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et

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