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en tombant sur les États, leur apprennent à rétablir la justice dans leur sein.

Aux yeux de l'Hospital, la morale est liée essentiellement au christianisme. De là sans doute la fermeté de sa doctrine. On n'y trouve pas de défaillances et d'incertitude; il est rare de rencontrer une intelligence à la fois plus modérée et moins sceptique ; il se fait l'idée la plus pure de la vertu; il ne songe nullement à l'altérer pour la rendre d'une pratique facile, mais en lui la droiture d'esprit adoucit la rigidité que produit quelquefois la droiture de cœur ; il voit trop juste pour tomber dans les excès, comme il a l'âme trop bien située pour reculer jamais devant les extrémités. Le christianisme est sa foi et lui donne sa règle; mais il possède et respecte l'antiquité, dont il parle si purement la langue. Il n'hésite pas à lui demander des exemples pour ces vertus que la piété inspire et complète. Cependant il ne paraît point l'adorer avec le fanatisme de ses doctes contemporains; il craindrait de rendre son âme païenne en même temps que son esprit.

Le siècle où l'Hospital a vécu, les affaires où il a été mêlé, l'ont forcé à répéter sans relâche le pur enseignement qu'il avait reçu du christianisme et de l'antiquité. Sa morale est, en grande partie, une œuvre de réaction contre les excès et les crimes dont il était entouré. Il avait commencé par admirer la France avec confiance. Il reprochait au cardinal Du Bellay de s'attarder à Rome, en lui disant : « La piété envers Dieu, envers les parents, est-elle moin

dre chez nous ? y a-t-on moins le sentiment de l'honnête ? Nous avons des lois, un droit, des magistrats pour veiller sur les mœurs, les entretiens de la douce amitié, des mariages fidèles, des familles vraies1. » Passage unique dans les œuvres de l'Hospital! Bientôt les mœurs de ses contemporains ne lui inspirent que de l'horreur : « Au regard des mœurs, tous les États se corrompent; la religion se perd en même temps 2. » Il se plaint de la décadence, si prompte, si complète depuis Louis XII. Le luxe a tout envahi ; la débauche règne ; il n'est plus d'épouse fidèle; les magistrats sont aussi corrompus que les courtisans, les nobles sont parjures et assassins, le clergé ignorant et dépravé. La guerre civile ajoute encore, non-seulement aux maux, mais à la corruption du pays. L'obéissance et le respect sont inconnus désormais; la franchise est perdue; le courage disparaît à mesure que la cruauté se développe. Il n'est pas un seul trait de ce tableau qu'on puisse croire emprunté par l'Hospital aux banales peintures des moralistes ou des satiriques; tout y est vrai, actuel pour lui; tout y est historique pour nous. Aussi ses plaintes éloquentes respirent-elles une indignation profonde. On y sent en même temps le désespoir d'un homme qui, au milieu des plus grands périls et des maux les plus épouvantables, regarde l'horizon sans voir d'où viendra le salut pour la patrie, pour la société elle-même. Seul dans la ville maudite, il y cherche en vain les cinq justes qui doivent détourner le courroux de

Lib. I, ad Musas Romanas. royaume. 3 Ad ducem Guisianum.

Rem. touchant l'état du

l'Éternel. Cependant il redit encore les lois révélées, sinon avec l'espoir de toucher les cœurs, du moins pour soulager sa conscience, consoler les victimes et justifier Dieu.

CHAPITRE II

LA BOETIE

La figure de la Boétie est plus intéressante à contempler que ses ouvrages à étudier. C'est Montaigne qui nous la fait connaître, c'est son amitié, ce sont ses louanges; elle a un charme doux et sévère : on y trouve l'attrait d'une vive sensibilité et cette grâce mélancolique qu'une mort prématurée répand après coup, quelquefois d'avance, sur ses victimes; on y trouve la dignité d'une vertu que la jeunesse a rendue plus difficile et fait paraître plus admirable, et, si l'on ne craint pas que chez l'auteur des Essais la vivacité de la tendresse ait altéré la sûreté du jugement, on y peut reconnaitre la trace d'un génie malheureusement perdu ponr l'humanité. Mais nous en sommes réduits à des espérances, à peine osons-nous dire à des promesses, que nous savons trompées. Nous ne connaissons par nous-mêmes que ses ouvrages, des ébauches. Si on les étudie, ce n'est pas pour ce qu'ils contiennent, c'est parce qu'ils sont de lui. Les pensées qu'il y exprime sont autant de témoignages qu'il rend sur lui-même, et dont nous

nous servons pour vérifier, compléter ou préciser les traits que nous a rendus Montaigne. Les Essais, en nous inspirant pour lui une haute estime, nous ont donné le désir de connaître ses sentiments sur les sujets importants, sur celui de tous qui nous intéresse le plus, la morale.

Personne ne semble avoir pris la vertu plus au sérieux que la Boétie. Nous pouvons croire ce que dit Montaigne de sa piété, de sa justice, desa «< haine capitale et jurée contre tout vice1. » La Boétie était un de ces hommes rares qui se croient obligés à respecter en leur vie les vérités dont ils sont convaincus. A son lit de mort, il recommandait à Montaigne « de montrer par effet que les discours que nous avions tenus ensemble pendant notre santé, nous ne les portions pas seulement en la bouche, mais engravés bien avant au cœur et en l'âme, pour les mettre en exécution aux premières occasions qui s'offriroient, ajoutant que c'étoit la vraie pratique de nos études et de la philosophie 2. »

Aussi se montrait-il exigeant en fait de verlu, même envers un ami comme Montaigne. D'un cœur trop haut pour le flatter, d'un esprit trop ferme pour se faire illusion à soi-même, il était loin de le considérer comme arrivé à la perfection; il se contentait de lui dire « Vous avez un plus grand combat à soutenir, vous que vos amis savent également propre aux grands vices et aux grandes vertus3. » Il ajou

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Lettre de Montaigne à l'Hospital,

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2 Lettre de Montaigne à son père sur la mort de la Boé3 Épitre à Montaigne.

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