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position de chacun et ses relations avec ses semblables. Ainsi le jeune homme doit toujours céder la place au vieillard', le père dresse son fils au devoir, surtout par l'exemple, et le fils est vertueux pour égaler son père ou pour effacer sa honte, selon que celui-ci a été bon ou méchant. Malheur à celui qui ne se souvient de ses amis qu'en leur présence, ou qui, offensé par eux, se fâche au lieu de leur << faire sa plainte » et de « recevoir leur défense 2! >>

Magistrat, Pibrac connaît le côté faible des magistrats qu'il a vus à l'œuvre, les menace de la colère divine, s'ils jugent par intérêt, par faveur, par corruption ou au gré des courtisans 3.

Dans son court ouvrage, il aborde la morale publique. Il n'aime pas la cour, où règnent la corruption et la perfidie. Au roi il conseille de ne pas gouverner par la cruauté, de ne pas modifier les lois, malgré l'exemple de Lycurgue *.

Il se déclare contre le pouvoir absolu3. Mais c'est l'intérêt des « saints décrets, » c'est-à-dire celui de l'Église gallicane qui inspire cette vive antipathie pour l'absolu pouvoir à l'ancien ambassadeur de Charles IX près le concile de Trente. On ne voit pas trop comment il entend limiter l'au

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torité royale. Il se borne à donner les moyens d'en bien user respecter les lois antiques, éviter les promptes révolutions et les flatteurs,

Jeune conseil et nouveaux serviteurs 1,

enfin, donner beaucoup, mais suivant les mérites de chacun et sans fouler la province'.

Quant aux sujets, la constitution de l'État et le prince sont également sacrés pour eux. Le bonheur d'un pays peut sortir des moins bonnes lois 3. Est-on soumis à un tyran, il vaut mieux le supporter que de troubler la paix du pays, et tout ce qui est permis, c'est de souhaiter un bon prince*. Voilà bien la même indifférence que chez Montaigne, produisant, comme chez lui, une soumission qui finit par ressembler à de la fidélité. On est las des troubles civils; on ne veut qu'un bien, la paix ; on ne marchandera pas le pouvoir à celui de qui on peut l'espérer.

Les Quatrains de Pibrac nous donnent peut-être une juste idée de la disposition où devait se trouver ce monde de savants, de magistrats, d'hommes d'État, dévoués au roi et au pays, mais avec prudence, plus occupés de maintenir ou de rétablir la paix que de faire triompher des principes religieux ou politiques, parti sans force au début, qui compta dans

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S'il est royal, aime la royauté;

S'il ne l'est pas, s'il est communauté,

Aime-le aussi, quand Dieu t'y a fait naître (108).

les guerres civiles des victimes plutôt que des héros, et qui finit par triompher avec Henri IV. Pibrac en fut le moraliste, comme l'Hospital le ministre et de Thou l'historien. Sa morale est mise en dehors des querelles religieuses; il n'est même pas nécessaire d'être chrétien pour l'accepter. Ses préceptes suffisent pour faire un honnête homme et un fidèle sujet. On n'y trouve pas ces libertés ou ces doutes de Montaigne, si contraires aux mœurs graves de ceux dont nous parlons et à la ferme discipline de leurs esprits. La religion, qui ne l'inspire pas, peut du moins l'avouer.

CHAPITRE V

BODIN

Bodin n'est pas un moraliste : c'est un publiciste qui n'a étudié que le droit et l'histoire. Il ramène à trois les formes de gouvernement. Chacune, légitime en soi, est comme un principe dont il dégage les conséquences. Quelle est la meilleure conduite à suivre, quels sont les droits et les obligations de chacun, selon que le gouvernement est populaire, aristocratique ou royal? Bodin ne va pas au delà de ces questions; il ne recherche pas, par exemple. s'il est des droits communs à tous les hommes, quelle que soit la constitution sous laquelle ils sont placés, s'ils ont des obligations qui tiennent à leur nature, non au principe de leur gouvernement. Il se résigne sans peine à cette « monarchie seigneuriale où le prince est fait seigneur des biens et des personnes par le droit des armes et de bonne guerre, gouvernant les sujets comme le père de famille ses esclaves,» ne veut même pas la considérer comme tyrannique et, forcé de reconnaître qu'elle est contraire à la loi de nature, s'en console en démontrant

qu'elle est conforme au droit des gens1. Ce n'est pas qu'il reste complétement étranger à la morale. Sa préface peut faire croire qu'il n'a eu d'autre intention que de combattre Machiavel, de rendre à la justice la place que celui-ci lui refusait dans la politique, d'introduire dans la vie publique le spiritualisme de Platon. Mais, en général, ses théories sont inspirées par l'intérêt du gouvernement établi sous une certaine forme, fortifiées par des arguments que fournissent les lois écrites ou les principes reconnus politique et droit, voilà Bodin. Ses maîtres ne sont pas Socrate ou Sénèque, mais Papinien et Gratien. Que de fois, suivant l'exemple des jurisconsultes célèbres, ne demande-t-il pas au droit romain la solution des problèmes les plus graves et les plus intéressants, réduit à détourner un texte de son sens naturel pour l'adapter à un droit public entièrement inconnu des anciens! Les seuls philosophes qu'il semble connaître sont ceux qui ont écrit de la politique, c'est principalement Aristotę2. Bien plus, il paraît faire sur la République une théorie générale; au fond et pour la plus grande partie, son livre est comme une autre Franco-Gallia, et l'on est étonné de voir réduites en maximes universelles, presque philosophiques, des règles tout à fait propres à notre ancienne monarchie".

1 Liv. II, ch. II. 2 Cependant M. Baudrillart (Jean Bodin, p. 232) dit de lui : « Il est spiritualiste et positif; il s'attache à concilier Platon et Aristote, ou plutôt il est décidément, en morale, de l'école platonicienne, et, en politique, il s'inspire de préférence de l'esprit et de la méthode du philosophe stagyrite >>> 3 Voy. notamment liv. III, ch. iv. Ce chapitre est consacré à l'examen de la question suivante : Quelle obéissance le magistrat

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