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Sciences Religieuses et Philosophiques.

COURS DE PHILOSOPHIE.

CHAPITRE QUINZIÈME '.

De la Vérité.

Qu'est-ce que la vérité? La vérité est ce qui est, disent les philosophes. La vérité est la conformité de nos pensées avec les choses, répondent encore les philosophes, d'après saint Thomas d'Aquin: car cette seconde définition est la traduction de celle qu'il a donnée : Veritas est adæquatio rei et intellectús 2.

Ces deux définitions sont bonnes; elles conviennent toutes les deux à la vérité. La première considère la vérité en elle-même; et, sous ce rapport, la vérité est ce qui est, l'erreur n'est pas. L'autre s'applique à la vérité envisagée par rapport à nous relativement à nous, la vérité est la conformité de nos pensées avec les choses. La vérité est bien indépendante de la perception de notre esprit, comme la lumière du soleil est indépendante de l'organe de la vue; mais de même que la lumière n'existe pour nous que par suite de l'impression qu'elle fait sur nos organes, la vérité n'existe pour nous que par le sentiment d'elle-même éveillé dans nos âmes, autrement dit par nos pensées 3.

Les perceptions que nous avons des choses sensibles ne sont vraies qu'autant qu'elles correspondent à un objet existant hors de nous, et qu'elles sont conformes à cet objet. Les idées que nous avons des objets spirituels ne sont vraies qu'autant qu'elles correspondent à un objet immatériel existant hors de nous, et qu'autant qu'elles sont conformes à cet objet.

• Voir le ch. xiv au no 108, t. XVIII, p. 422. * Ancillon, Essai sur la Science (Organes de la Loi), t. III, n. 110. Somme théolog., p. 1, 9, 16, art. 1.

Frayssinous, Conférence sur la Vérité.

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Il en est de même des jugements que l'opposition des choses. nous portons sur la convenance ou

Ces jugements sont-ils conformes au rapport réel des objets; la convenance ou l'opposition que nous croyons voir entre les perceptions et les idées existet-elle entre les objets? Nos jugements sont vrais ils ont une valeur objective. sée des objets qui se repoussent, ou Unissons-nous, au contraire, par la penséparons-nous des choses qui se conviennent nos jugements n'ont qu'une internes; elles n'existent que dans notre valeur subjective; ce sont des vérités esprit.

Une proposition est donc vraie quand fausse quand elle déclare un rapport elle exprime un rapport réel; elle est qui n'est pas conforme au rapport réel des deux objets exprimés par le sujet et l'attribut.

La même observation s'applique aux conclusions du raisonnement.

propositions vraies et si nous raisonSi nous prenons pour prémisses des nons bien, les conclusions du raisonneformes à la réalité des choses. Elles ment seront vraies, c'est-à-dire conauront une valeur objective.

prémisses des propositions fausses, les Avons-nous pris au contraire pour

conclusions seront fausses alors même que notre raisonnement serait bon et légitime elles n'auront pas de valeur objective, elles n'existeront que dans notre esprit, elles n'auront qu'une valeur purement subjective: ce seront des vérités logiques.

que le globe de la terre étant une fois sans équilibre pourrait être soutenu par un point mille et mille fois plus petit que la pointe d'une aiguille, mais sans examiner si cet équilibre existe ou n'existe pas réellement et hors de notre esprit. La démonstration est rigoureuse, une fois la supposition admise; mais comme ce n'est qu'une hypothèse, la conséquence n'a pas de valeur objective; c'est une vérité purement logique '.

Ainsi, on démontre en mathématique | idées nous représentent les objets sous toutes leurs faces, nous en font connaître toutes les propriétés, tous les attributs? Non. Il est évident que cette connaissance excède les limites de l'esprit humain; qu'une intelligence finie ne peut avoir une idée complète, adéquate de Dieu, de l'infini. Nous voulons dire seulement que nos perceptions, nos idées nous représentent fidèlement les formes des objets qu'elles nous montrent; qu'elles nous font connaître exactement celles des propriétés qu'elles nous montrent, ceux des attributs qu'elles nous découvrent. Ainsi, les images que nous apercevons dans les miroirs ne nous représentent pas les corps sous toutes leurs faces, mais nous font connaître exactement les parties qu'elles nous représentent.

Ceci posé, il est manifeste que la valeur objective de toutes les connaissances humaines dépend de la valeur des faits et des principes premiers. Si ces éléments de toutes les connaissances ultérieures ne sont que des vérités internes, subjectives, toutes les conséquences que l'on en déduit ne seront que des vérités logiques.

Les faits et les principes premiers ont-ils une valeur objective; toutes les conséquences que l'on en extraira auront la même valeur.

Comment sommes-nous certains que les faits et les principes premiers ne sont pas des vérités purement internes, purement subjectives?

Comment sommes-nous assurés qu'à nos perceptions répondent des objets corporels réellement constants hors de notre esprit, et que ces images sont conformes à ces objets ?

Comment sommes-nous assurés qu'aux idées que nous avons dans l'entendement répondent des objets spirituels réellement existants hors du sujet pensant, et que ces idées sont conformes à ces objets?

En un mot, comment objectivons nous le subjectif?

Cette question fera la matière du chapitre suivant.

Avant d'aller plus loin, il n'est pas inutile de préciser le sens que nous attachons à ces expressions, conformité de nos perceptions et de nos idées avec les objets extérieurs. Voulons-nous dire que cette conformité est complète, adéquate; que nos perceptions, nos

Buffier, Traité des premières Vérités, notes, p. 255.

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CHAPITRE SEIZIÈME.

De la réalité des perceptions sensibles et des idées.

Nous croyons tous que les perceptions des choses matérielles correspondent à des êtres réels existants hors de notre esprit et tout conformes à l'objet qu'elles représentent nous croyons tous que les idées que nous avons dans l'entendement correspondent également à des êtres spirituels existants réellement hors de notre âme. Une inclination de la nature moralement irrésistible nous porte à croire à cette correspondance et à cette conformité, et nous y cédons. Les perceptions et les idées ont ainsi pour nous une valeur objective : le subjectif est objectivé.

Cette conduite a paru trop simple à beaucoup de philosophes; comme ils ne veulent admettre que ce qui est démontré, ils ont entrepris de démontrer le rapport qui existe entre les perceptions, les idées et leur objet. Il n'est pas sans intérêt de connaître les différents systèmes qui ont été imaginés pour expliquer et démontrer l'existence de ce lien mystérieux, et le résultat des recherches de tant de profonds penseurs. Nous allons en offrir un résumé fidèle.

Nous commencerons par les perceptions; nous traiterons ensuite des idées.

1. Du rapport des perceptions avec
les objets matériels.

21

était-elle produite? ils ne s'entendaient plus sur la manière de l'expliquer.

Parmi les apparitions, ils en distinQuel est le rapport des sensations tiques et de non compréhensives ou guaient de compréhensives ou catalepreçues avec les objets extérieurs? Ce acataleptiques : les dernières, disaient problème n'a pas cessé d'occuper l'es- ces philosophes, sont celles qui proprit humain depuis qu'il réfléchit sur viennent de la maladie ou de quelque lui-même, et cherche à se rendre compte trouble d'esprit, comme celles qui ont de l'origine de ses connaissances. Exiger la démonstration de ce rap-rition compréhensive est celle qui est lieu dans un accès de frénésie. L'appaport, douter de la réalité des choses extérieures, parce que cette démonstration n'était pas faite, telle était la doctrine de Pyrrhon et de son école. Le pyrrhonien, dit Sextus Empiricus, ne rejette pas entièrement, comme on le suppose, le témoignage des sens en tant que la sensation est passive et qu'elle entraîne un assentiment involontaire, il y obéit comme un autre; il admet l'apparence, il conteste seulement la réalité; il accorde que le miel parait doux, parce que nous recevons par les sens la perception d'une saveur douce, mais il doute qu'il y ait en effet une qualité, une propriété semblable dans les objets', autant que la raison et l'intelligence peuvent le concevoir'. On croit aussi que telle était l'opinion, de Démocrite 2.

La solution de ce problème était une question fondamentale pour les philosophes, qui faisaient dériver des sens toutes les connaissances humaines.

Aristote le déclara insoluble; l'existence des objets réels ne se démontre pas, dit ce philosophe, elle est aperçue immédiatement par les sens ou immédiatement conçue par l'entendement. Les stoïciens furent moins francs ou moins affirmatifs.

Ils cherchèrent à dissimuler leur ignorance, à l'aide d'expressions nouvelles; ils proposèrent pour critérium de la vérité en matière de perceptions sensibles, l'apparition cataleptique. Ils s'accordaient à dire que cette apparition était une impression produite dans l'âme; mais comment cette apparition

'Histoire comparée des Systèmes de Philosophie, t. II, p. 479; t. III, p. 260.

* Ibidem, t. II, p. 21 et 22.

imprimée et scellée par une chose qui existe, qui est conforme à cette chose, et qui ne peut être produite par une autre chose. Elle a donc trois caractères essentiels : 1o il faut qu'elle provienne d'une chose réellement existante au dehors en cela, elle se distinguera des vains fantômes qui ne sont que les produits de l'imagination; 2° il faut non-seulement qu'elle soit l'image de cette chose, mais qu'elle en soit une copie fidèle, qu'elle en exprime les propriétés ; 3° il faut qu'elle ne puisse pas être produite par une chose différente, afin qu'elle puisse servir à discerner, à distinguer avec précision et netteté les objets divers.

mentales des stoïciens sur la réalité des Dans ce résumé des maximes fondabien qu'ils assignaient les conditions connaissances humaines, nous voyons nécessaires à une perception pour qu'elle obtienne en effet le caractère de qu'ils aient indiqué le moyen de vérila réalité, mais nous ne voyons pas fier si et comment ces conditions sont remplies: ils ont déterminé avec plus de sévérité que leurs prédécesseurs en quoi cette réalité doit consister, mais ils ont négligé comme eux de rechernaître. Car comment saura-t-on que cher à quel signe elle peut se faire conl'objet existe, qu'il est conforme à la perception, qu'un autre objet ne peut pas également la produire, puisque nous n'avons pour atteindre à cet objet que nos perceptions? Quel sera le signe intérieur propre à ces perceptions? Qui pourra nous révéler leur rapport avec les choses externes? Nous allons le voir.

Zénon admet certaines perceptions

3 Métaphysique, liv. x1, ch. vtl. Hist. comparée qni entraînent un assentiment inévitades Systèmes, etc., t. 11, p. 250.

T. XIX.

N° 109. 1845.

ble; voilà la pierre de touche, le crité2

pond à un objet extérieur et est conforme à cet objet.

Locke, qui, dans les temps modernes, défendit contre Descartes la doctrine du Lycée et du Portique, se proposa le problème du rapport des sénsations avec l'objet extérieur.

rium de la vérité. Le doute universel, | compagnée de ces conditions corresdisaient les stoïciens aux sceptiques, est impossible, l'homme n'est pas maître de refuser son assentiment d'une manière constante et absolue; il est des perceptions sensibles qui portent avec elles une clarté irrésistible; cette clarté est telle que Dieu n'eût pu nous donner une lumière plus abondante; nous devons nous y confier, si nos sens sont dans un état sain et ne sont troubles ni obstrués par aucun obstacle '.

- Quoique appartenant à la nouvelle académie, Carnéade se rapprochait beaucoup des stoïciens sur ce point. La perception, disait-il, représente à la fois deux choses: l'objet extérieur perçu et le sujet qui perçoit; elle peut donc être considérée sous deux rapports. Relativement à l'objet perçu, elle peut être vraie ou fausse; vraie, si elle lui est conforme; fausse, si elle ne l'est pas. Relativement au sujet qui perçoit, celle qui paraît être vraie diffère de celle qui paraît être fausse; celle qui porte l'apparence de la vérité est probable. Quelquefois cette apparence est faible, soit à cause de la petitesse de l'objet, soit à cause de la faiblesse des sens qui ne l'aperçoivent que d'une manière confuse; quelquefois cette apparence est très-évidente: celle-ci est le critérium de la vérité, elle se manifeste suffisamment par elle-même. De plus, Carnéade voulait qu'on examinât et le sujet qui perçoit et l'objet perçu, et ce qui sert de moyen au jugement, la distance, l'intervalle, la forme, le temps, le mode, l'affection, l'opération, et qu'on s'attachât à démêler avec une attention scrupuleuse s'il n'est aucune de ces circonstances qui contredise ou affaiblisse l'apparence de la vérité. La perception sera digne de foi, lorsque l'on aura eu assez de loisir et apporté assez de diligence pour faire, par le travail de la réflexion, une investigation complète de tout ce qui l'accompagne ".

Ce conseil est bon, mais il suppose et ne démontre pas que la perception ac

■ Histoire comparée des Systèmes, t. III, p. 14,

14 et 25.

2 Histoire comparée, ibidem, p. 80.

« Nous avons des idées qu'ont excicela tées en nous les objets extérieurs, est incontestable, dit le philosophe anglais. Nous en avons une connaissance immédiate; mais de cela seul que nous avons ces idées, pouvons-nous en inférer qu'il y qui y correspondent? C'est ce que plusieurs personnes mettent en question, parce que, disent-elles, il n'est pas impossible qu'on ait des idées de choses qui n'existèrent jamais, et qui n'affeetèrent jamais les sens.»

hors de nous des objets

Voici la réponse du philosophe :

Pour moi, je suis persuadé que, ton. chant l'existence des objets extérieurs, nous avons un degré de certitude qui s'élève au-dessus du doute: car, qui est l'homme qui ne l'homme qui ne soit invinciblement convaincu que la perception qu'il a du soleil, lorsqu'il le voit en effet, est très-différente de celle qu'il en a, lorsqu'il ne le voit qu'en songe1. ›

Dans ce passage, Locke se borne à en appeler à la conviction générale et invincible du genre humain. Plus loin, il essaie de donner une preuve.

L'esprit ne connaît pas les choses par elles-mêmes, il ne les connaît que par leurs idées; donc notre connaissance est réelle lorsque nos idées sont conformes à la réalité des choses. Mais comment s'assurer que nos idées répondent à cette réalité? Le voici : Nos idées simples y répondent, car notre esprit n'ayant pas la puissance de les créer, elles sont les effets nécessaires des choses qui agissant sur nos sens y impriment les sensations que notre Créateur a voulu qu'elles y imprimassent. Donc, nos idées simples ne sont pas des fictions en nous, mais des impressions constantes et réelles des choses hors de nous. Elles ont avec notre état présent toute la convenance requise, qui est de

Essai sur l'Entendement humain, 1. IV, ch. It.

nous représenter sous des images sen- pas dissimulé l'impossibilité où nous sibles et avec justesse et proportion les sommes de prouver le rapport de nos effets que les choses extérieures peu- perceptions avec les objets extérieurs, vent produire en nous. Or, cette repré-il a attaqué même l'hypothèse au moyen sentation si expressément proportionnée de laquelle on avait cherché jusqu'alors à notre état présent suffit pour avoir à rendre raison de ce fait, la théorie ici une connaissance réelle '. » des idées. Reid n'a pas cherché un autre système pour expliquer la perception et prouver la certitude du témoignage des sens il a invoqué simplement ce mouvement de la nature qui nous force de croire à ce témoignage.

Ces dernières réflexions sont pleines de justesse, mais peut-on voir dans ce passage une démonstratión de la correspondance de nos perceptions avec l'objet extérieur?

Tout le raisonnement de l'auteur repose sur cette assertion: Notre esprit n'a pas la puissance de créer nos idées simples.

Cette proposition est avancée sans preuve, comme une vérité évidente par elle-même, en a-t-elle les caractères? En Supposant que ce soit une vérité première, peut-on en conclure que les images qui se forment dans l'esprit viennent d'objets réellement existants hors de nous? Peut-on de ce principe faire sortir légitimement cette autre proposition: Ces images sont conformes à un objet extérieur ?

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La méthode de Reid a été vivement critiquée sous ce dernier rapport par un illustre philosophe; M. Cousin reconnaît que les reproches de Reid contre la théorie des idées sont fondés : « Il « est bien vrai qu'elle est purement hypothétique, qu'ayant été imaginée pour expliquer le fait de la perception, elle ne fait que reculer la difficulté. Mais lorsque le philosophe écossais avance que l'esprit humain s'est pré« cipité dans cette erreur sans nécessité, « sans motif, il est permis de contester l'exactitude de ces assertions. Reid ne soupçonne pas que l'acte de la perception puisse donner lieu à la moindre difficulté. Quand nous avons « perçu un corps, nous devons croire « qu'il existe ; ainsi le veut le sens com«mun: nous devons croire qu'il existe

tel que nous le percevons : c'est ce « que le sens commun nous dit encore. Voilà toute la solution de Reid.

Les observations de Locke se réduisent à une simple explication d'un fait constant et admis indépendamment de tout raisonnement; il ne leur donnait pas d'autre valeur; écoutons-le: A l'exception de notre existence dont nous sommes convaincus par une connaissance immédiate, de l'existence de Dieu par démonstration, celle des autres choses ne nous est connue que par sensation. Hors l'existence de Dieu, laquelle est démontrée nécessaire dès là que nous existons, il n'y a aucune conséquence, ni de l'existence d'aucune chose à l'existence d'une autre, ni de l'existence de nos idées à l'existence des choses qu'elles représentent. On ne démontrerait pas mieux l'existence d'une chose par son idée, que l'existence d'un homme par son portrait, ou la vérité d'une his- ‹ que je nie, et voilà pourquoi j'appelle toire par les rêveries d'un songe. » Après « cette croyance un préjugé. En ce cas, cet aveu, le philosophe finit comme il « réplique Reid, si vous doutez du téavait commencé ; il invoque la persua-moignage des sens et celui de la raision générale en faveur de la certitude

du témoignage des sens 2.

Le fondateur de l'école écossaise n'a

Essai sur l'Entendement humain, ch. IV. * Ibidem, ch. XI.

Or je ne trouve pas qu'elle lèvé la « difficulté. Il me semble que Hume aurait bien pu répondre : Pour prouvér « que l'objet de ma perception est réél « et qu'il est tel que je le perçois, vous ‹ invoquez le sens commun; mais il ne s'agit pas de savoir ce que pense le sens commun, dont la croyance n'a ja« mais été contestée par personne; il s'agit de savoir si cette croyance est raisonnable... C'est là précisément ce

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«son, vous devez douter aussi du té

moignage de la conscience qui est une faculté de l'intelligence. Vous n'avez donc pas même le droit de sauver du « naufrage universel de vos croyances

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