Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

A part quelques laures et quelques stauropigies, monastères d'un ordre supérieur où ne sont admis que les sujets de quelque mérite et d'une naissance distinguée, le couvent russe Mandra, dépouillé par l'impératrice Catherine de ses propriétés territoriales, est devenu une caserne organisée militairement, où l'État entretient des hommes et des femmes par mesure de police, à raison de 50 ou 60 francs par tête; des fils et des filles de prêtres sans ressource; des prêtres même diffamés et dégradés par l'autorité civile; des marins, des soldats, des veuves de militaires. On a vu des abbés et des abbesses recevoir des prostituées et des forçats échappés des mines, afin de compléter le nombre de religieux fixé par le gouvernement, faute de quoi leur maison aurait pu être supprimée.

Qu'on se représente maintenant ces monastères pleins d'affamés, que ni la piété, ni l'étude, ni le charme et la douceur des relations fraternelles, que rien enfin ne console des horreurs de la dernière misère. Ce sont des demeures de réprobation, où retentissent les blasphèmes et les chansons de corpsde-garde à la place de la psalmodie. Souvent, après des nuits et des jours entiers passés dans l'orgie, archimandrites et caloyers, igoumènes et czernices, protopopes, diacres, chantres tombent pêle-mêle dans la crapule de l'ivresse (1).

Chez les Grecs photiens, les monastères, sans en excepter ceux du mont Athos, sont devenus des repaires d'ignorance, de fourberie et d'immoralité. Les Européens ont trouvé la plupart de ceux d'Arménie, d'Abyssinie, de Mingrélie peuplés de moines mariés, de femmes, d'enfants, de pâtres grossiers et même de détrousseurs de grands chemins, maniant le poignard et la carabine au lieu du Psautier.

(1) Lisez le récit de Mackrena Mieczylowska, abbesse de Minsk; le Tableau de l'état act. de l'Egl. schism. de Russie, par le R. P. Theiner, et l'ouvrage de M. de Custine, intitulé: La Russie en 1839, 4 vol. in-8°.

Aussitôt qu'une Eglise s'est jetée hors du sein de l'unité, les sources de la science, de la virginité et de la charité se tarissent en elle. D'abord la doctrine, au lieu d'être développée par les lumières d'un enseignement légitime, reste inerte et frappée de stérilité. Ensuite, l'erreur étant l'adultère de l'ame, il ne reste plus dans une religion fausse que la virginité du corps, qui sans l'autre est incomplète et impossible. Enfin, le foyer de charité qui va toujours se dilatant dans le catholicisme et se reproduisant chaque jour, par les mille inventions de l'esprit de sacrifice, est glacé et se retire des institutions mêmes où d'ordinaire il se manifeste avec le plus d'effusion.

Ainsi, la gloire de la vie monastique vient s'ajouter sur le front de l'Église romaine seule à toutes les autres gloires. De grandes et de terribles épreuves nous sont encore réservées; mais, quand le désordre sera arrivé parmi nous à son apogée, quand tous seront abattus, quand tous baiseront la poussière, qui restera debout sur les débris et tendra la main à l'humanité renversée ? Un moine catholique, un second S. Benoît, sortant de quelque caverne sauvage et ignorée, et apparaisant comme un ange de paix et d'espérance au milieu des ruines faites par les barbares!...

DE L'ABBAYE DE MORIMOND.

CHAPITRE PREMIER.

De l'origine, de la marche, du développement et des transformations de l'esprit monastique dans le diocèse de Langres et le nord-est de la France, jusqu'à la fondation de Cîteaux et de Morimond.

L'église de Langres, une des plus anciennes du nord-est de la France, fut fondée par saint Bénigne, disciple de saint Polycarpe, sous le règne de Marc-Aurèle (1); puis, fécondée presqu'aussitôt par le sang le plus pur de ses évêques et de ses enfants, elle grandit rapidement, et se dressa en face du paganisme, du haut de son rocher immobile (2), où la Providence semble l'avoir jetée dès le commencement comme une digue

(1) Nous nous en tenons à cette date, même après avoir lu les Origines Dijonnaises de M. de Belloguet. Voir notre note au commencement des Pièces justificatives.

(2) Lengres sur ce rocher ferme je suis assize,

Ayant tousjours gardé l'inviolable foy,

Des François très-chrestiens et de la sainte Eglise,

Et la fidélité que je dois à mon Roy.

(Gaultherot, Lengres Chrestienne, p. 484.)

sur le passage des barbares (1) et comme une avant-garde du christianisme vers les forêts de la Germanie.

Bientôt sur cette terre bénie se développèrent toutes les plus belles institutions du catholicisme à la suite de plusieurs saints pontifes, tels que saint Didier, saint Urbain, saint Grégoire, etc., une foule d'ames d'élite s'essayèrent dans les voies les plus élevées du mysticisme, et s'envolèrent, semblables à de chastes colombes, dans les vallons solitaires, dans les forêts silencieuses, afin d'y chercher le lieu de leur repos, et de continuer, pour l'exemple et le salut du monde, la vie de fraternité, d'égalité et de communauté volontaire des premiers jours du christianisme.

Ainsi l'Église est constituée : pour marcher à travers les peuples, les sanctifier et les civiliser, il faut qu'elle ait à sa droite un prêtre et à sa gauche un moine; le second appui lui est presque aussi nécessaire que le premier, et, lorsqu'elle en est privée, elle ne peut plus que se traîner péniblement : son action est entravée; c'est l'action d'un corps auquel il manque un membre. Aussi Dieu, qui voulait opérer de grandes choses par l'église de Langres, y souffla de bonne heure l'esprit monastique.

Dès l'an 440, lorsque Clodion régnait sur les Francs et Gondioc sur les Burgundes, saint Hilaire et Quiète son épouse, tous deux de l'ordre sénatorial, firent construire l'abbaye de Réome (Moutier-Saint-Jean), à peu de distance des murs croulants de la vieille Alize, ce grand tombeau du druidisme et de ses derniers défenseurs, en faveur de Jean leur fils, qui en fut le premier abbé, avec la règle de saint Macaire, et l'on vit les

(1) Ce fut sous les murs de Langres que Constance-Chlore, vers l'an 301, arrêta 60,000 Germains et les mit en déroute. - Eutrop., Hist. Rom., 1. 9; Eumen., Panégyr. ad Const., c. 21.

« ZurückWeiter »