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colas fut appelé avec ses trois coabbés à l'élection de son successeur; mais, pour empêcher autant que possible que de semblables désordres ne pussent se renouveler, le pape manda à Pérouse, où il tenait sa cour pontificale, les quatre premiers abbés et celui de Citeaux, pour apprendre de leur propre bouche le sujet de leurs différends (1).

Après les avoir entendus, il fixa irrévocablement le sens de l'article 19 de la Charte de charité, et décida que les quatre premiers pères n'avaient que le droit d'assister simplement à l'élection de l'abbé de Cîteaux, et d'aider les religieux de leurs conseils (2). L'article 16 de la même Charte avait été également la source de beaucoup de contestations, car, quelque parfaites que soient les législations humaines, elles se trouvent toujours, mais surtout aux époques de dégénérescence, incomplètes ou impuissantes, tant les faces des choses sont diverses et éblouissantes, tant les passions sont subtiles, tant les générations se ressemblent peu, jusque dans la terre des saints!

Primitivement, tous les abbés de l'ordre avaient voix délibérative au chapitre général; dans le cas de partage des opinions, on devait s'en rapporter au jugement de l'abbé de Cîteaux et de quelques-uns des plus sages et des plus éclairés d'entre les autres abbés; mais le nombre de ces derniers n'était point arrêté; souvent ceux que l'on désignait refusaient par humilité une fonction qui les constituait juges de leurs frères. Dès l'an 1134, le chapitre s'était vu forcé de donner pouvoir à l'abbé de Cîteaux d'en contraindre quatre d'accepter cet office, et c'étaient ordinairement les quatre premiers pères. Cette manière de décider les affaires donna insensible

(1) Gall. Christ., t. 4, p. 818; - Hélyot, Hist. des ord. relig., t. 5, p. 354. (2) Bull. Clém. IV, in libro cui titulus: Nomastic. cist.; · Traité histor, du chap. gén. de Citeaux, in-4o, pp. 20, 30, 50, etc.

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ment lieu à l'érection d'un tribunal détaché auquel on renvoyait toutes les questions épineuses. Les abbés qui le composaient furent appelés les définiteurs, et leur tribunal le défini

toire.

Clément IV sanctionna cette organisation judiciaire et lui donna sa dernière forme, ordonnant que les définiteurs seraient tirés par égale portion du sein de chacune des cinq générations qui formaient l'universalité de l'ordre. L'abbé de Cîteaux nommera, le premier, quatre définiteurs de sa filiation; l'abbé de Morimond et les trois autres lui présenteront chacun cinq abbés de leur filiation, et il en choisira quatre parmi eux; ce qui donnera, y compris les cinq premiers abbés eux-mêmes, vingtcinq définiteurs. Les définitions passeront à la pluralité des voix ; mais, lorsque les voix se trouveront partagées, celle de l'abbé de Cîteaux sera prépondérante et déterminera le jugement. Les quatre premiers pères apposeront leurs sceaux et signatures à tous les actes du définitoire (1).

Le pape avait promis de retoucher cette constitution, si elle ne pouvait réunir et satisfaire les différents partis; alors, Philippe de Clairvaux et Nicolas de Morimond délibérèrent sur ce qu'ils avaient à faire. Il leur paraissait que, si l'abbé de Cîteaux avait le droit d'exclure arbitrairement l'un des cinq définiteurs qui lui étaient présentés par chacun des quatre premiers abbés, ceux-ci ne pourraient jamais s'assurer d'avoir dans le définitoire un homme de confiance qui pût leur servir de conseiller dans le besoin, l'abbé de Cîteaux pouvant faire tomber l'exclusion sur celui-là. Ils estimaient donc qu'il était nécessaire de supplier le pape de modérer la puissance abbatiale de Cîteaux,

(1) Nous avons entre les mains le sceau du définitoire de Citeaux : il représente l'assemblée des définiteurs, sur la tête desquels la sainte Vierge étend ses deux mains à droite et à gauche, avec cette légende circulaire : Sigillum definitorum capituli gener. Cisterc. ordinis.

et de permettre à chacun des quatre premiers pères de se réserver quelques-uns des cinq définiteurs que l'abbé de Cîteaux ne pourrait exclure, au moins la première fois qu'ils lui seraient soumis, afin que les cinq grandes fractions cisterciennes pussent se balancer réciproquement.

que,

Clément IV fit droit à une demande aussi légitime, et statua des cinq définiteurs choisis par chacun des premiers pères, il y en aurait deux que l'abbé de Citeaux ne pourrait rejeter. Dans le cas où un des premiers pères serait empêché d'assister au chapitre, l'abbé le plus ancien de sa génération choisirait les définiteurs et les présenterait (1).

Nous croyons devoir ajouter, dans l'intérêt de notre histoi re, quelques mots sur la tenue du chapitre, à cause du rôle important qu'y jouaient les abbés de Morimond.

Pour qu'une association s'organise et dure, il lui faut, comme au monde, deux forces : une force d'expansion et une force d'attraction. La congrégation de Cîteaux avait eu éminemment, dès le principe, la première de ces deux puissances par l'extension prodigieuse de sa filiation; elle jouit bientôt de la seconde, par l'institution de son chapitre. L'Église catholique est l'ordre même de Dieu réalisé dans les limites du temps et de l'humanité : tout ce qui croît et se développe dans son sein se forme à son image; tout ce qui s'établit en dehors d'elle ou contre elle tend au désordre et à l'anarchie.

Ainsi, sans remonter plus haut, qu'est-ce que le socialisme de nos jours? Un amalgame de passions et de doctrines incohérentes, une cohue d'hommes réunis ou plutôt rapprochés momentanément par leur haine contre toute religion et toute société ; ouvriers de destruction, impuissants à rien fonder, auxquels il ne faudrait qu'une chose pour se perdre à jamais :

(1) Nous n'avons fait qu'analyser le Traité histor. du chap. génér. de Citeaux, et la Bulle de Clément IV, in Nomasticon cist., p. 466.

réussir. Que leur manque-t-il donc ? Cette force que nous avons signalée, qui va du centre à la circonférence et de la circonférence au centre; il leur manque ce qui fait la grandeur et la gloire de nos pauvres communautés de frères capucins de frères ignorantins et de frères gardes-fous!

D'après la Charte de charité, le chapitre général devait se tenir chaque année, et tous les abbés étaient obligés d'y aller rendre compte de leur conduite, de l'état de leur monastère, et traiter des affaires de l'ordre entier; mais, par la suite, Cîteaux s'étant dilaté jusqu'aux extrémités de l'Europe et même audelà, il eût été impossible aux abbés les plus éloignés de s'y transporter aussi souvent; ceux de Norwége, de Livonie, de Hongrie n'y venaient que de trois ans en trois ans ; ceux d'Irlande, d'Écosse, de Sicile chaque quatrième année, et ceux de Syrie et de Palestine tous les sept ans (1).

:

Les abbés capitulaires se réglaient pour leur départ sur la fête de l'Exaltation de la sainte Croix, et se rendaient avec deux serviteurs et deux ou trois chevaux, selon qu'ils étaient français ou étrangers, jusqu'aux quatre premières maisons de l'ordre La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond. Cette dernière abbaye, se trouvant au passage de l'Allemagne et de la Lorraine, était alors encombrée d'hommes et d'équipages. En 1280, on y reçut quatre-vingts abbés, deux cent quarante chevaux et plus de cent soixante serviteurs. Il n'y avait que les quatre premiers pères qui eussent le droit d'entrer à Cîteaux avec quatre chevaux.

Les abbés des quatre premières maisons, ayant réuni la plupart des abbés de leur filiation, partaient avec eux pour Dijon, lieu du rendez-vous général. La règle leur prescrivait de se conduire dans cette ville avec décence et gravité, de ne point

(1) Hélyot, Hist. des ord. relig., t. 5, p. 366.

se montrer dans les rues sans nécessité, et de ne pas s'y faire servir de poisson (1).

Ils sortaient de Dijon au point du jour, afin d'arriver à Cîteaux pour l'office de tierce, qui était suivi d'une messe solennelle du Saint-Esprit, après laquelle le bourdon sonnait l'ouverture du chapitre, où tous les abbés se rendaient en coule blanche. La place d'honneur était réservée à l'abbé de Cîteaux ; puis venaient les quatre premiers pères, selon le rang de leur filiation, et tous les autres abbés. A droite et à gauche étaient les siéges des évêques et des rois. Le chantre ayant achevé le Veni creator, le président prononçait un discours; on lisait ensuite quelques chapitres des anciens statuts; enfin, les quatre premiers pères avec l'abbé de Cîteaux se retiraient pour nommer les définiteurs. L'abbé de Cîteaux, en sa qualité de président, avait le droit d'ouvrir, de suspendre ou de clore les séances, de recueillir les voix, de prononcer les sentences; mais il était toujours accompagné soit de l'abbé de Morimond, soit de l'un des trois autres premiers pères, appelés par Benoît XII les prélats présidents, prælati præsidentes, coabbates præsidentes (2).

Chaque monastère élisait son abbé, chaque abbé était comme le député de sa communauté au chapitre, qui de cette façon représentait tout l'ordre : congregatio abbatum totum ordinem repræsentans. C'était à lui qu'appartenaient la puissance législative et exécutive, le vote du budget et toute la police disciplinaire de la société cistercienne. Nulle loi n'était obligatoire, si elle n'avait été consentie par la majorité des abbés; nul impôt ne pouvait être levé, s'il n'avait été préalablement

(1) In villa Divionensi quando veniunt ad capitulum, vel redeunt, tam abbates quam aliæ personæ ordinis, honeste et mature se habeant, nec per vicos sine certa necessitate incedant. Ibidem commorando nullus abbas vel conversus piscibus utatur. Bull. Bened. XII.

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(2) Bull. Bened. XII, an 1335, Nomastic. cist., p. 586, in-fol.

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