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taine, au diocèse de Besançon, grandir pour ainsi dire à l'ombre de leur mère. La première de ces abbayes était ainsi pelée du bourg habité par Marthe et Marie, où Jésus-Christ reçut l'hospitalité (1); le nom de la seconde était symbolique, et figurait les eaux pures de la vie monastique, qui rejaillissent jusque dans l'éternité (2).

C'était surtout du côté de la Germanie et de la Suisse que Morimond s'était développé aucune de ses colonies n'avait encore franchi les Alpes; mais nulle contrée de l'Europe ne devait être étrangère à son influence. Dans le mois d'octobre 1133, douze religieux et un abbé sortirent du Bassigny et allèrent s'établir dans une simple grange, au diocèse de Milan, sur les bords du Tessin, et, pour que l'éloignement de cette maison ne lui fît jamais oublier son origine, on lui donna le nom même de la métropole (Morimonte di Milano) (3).

Ce fut à peu près à cette époque que Gerwic, bénédictin de l'abbaye de Sigeberg, vers Cologne, vint à Morimond demander à Othon des religieux de son ordre pour peupler un monastère qu'il avait bâti au milieu d'une vaste forêt de l'Allemagne, dans le diocèse de Ratisbonne.

Ce moine était de l'illustre famille de Wolmundstein en Westphalie. La guerre, les plaisirs, les aventures s'étaient partagés les beaux jours de sa jeunesse ; tout son bonheur était alors de courir de manoir en manoir et de fête en fête. Se trouvant un jour en Bavière, il voulut voir Thibaut, marquis de Wohbourg (4), sur le Danube, à une égale distance d'Ingols

(1) Annal. cist., t. 1, p. 253. Les abbayes de Luxeuil et de Faverney firent de grandes largesses à cette maison.

(2) C'est aujourd'hui une fayencerie qui roule en cailloutage (canton d'Amance, Haute-Saône, près de Polaincourt). Le hameau de Clairefontaine et sept ou huit villages et métairies des environs ont été créés par les moines. (3) Jongelin, Notit. Abb. cist. (provinc. Lomb.).

(4) Plusieurs auteurs écrivent: Wohembourg.

tadt et de Ratisbonne, un des princes les plus renommés de son temps pour ses goûts chevaleresques. Comme tous deux étaient dominés par la passion des tournois, qui formaient alors un des exercices favoris de la noblesse, ils se furent bientôt compris, et, après s'être promis de ne se quitter jamais, quoique Thibaut fût marié et eût des enfants (1), ils partirent armés de de pied en cap et dirigèrent leurs pas vers les cours de princes et de rois où l'on préparait des joûtes (2).

Une foule considérable de barons se réunissaient de toutes les contrées environnantes au château d'un seigneur du voisinage pour une grande fète; Gerwic et Thibaut ne manquèrent pas de s'y rendre. Les chevaliers joûteurs avaient tous un masque de fer qui leur couvrait le visage, à l'exception des yeux. Chacun pouvait voir son adversaire, l'attaquer, parer ses coups et le terrasser sans le connaître. Les tournois n'étaient que des jeux guerriers; cependant les armes dont on se servait étaient si meurtrières, on joûtait quelquefois avec tant d'acharnement et de désordre, que souvent plusieurs y perdaient la vie.

Or, dans celui dont nous parlons, il y eut une mêlée terrible: deux des plus ardents champions se ruèrent l'un sur l'autre, et cherchèrent longtemps à se mettre hors de combat. L'un d'eux ayant pointé sa lance de toutes ses forces, elle vint frapper si rudement son antagoniste à la jointure du casque et de la cuirasse, que le fer, perçant d'outre en outre, s'enfonça profondément dans la gorge : le chevalier fut renversé sous le choc. Les spectateurs s'empressèrent autour de lui, on leva la visière de son casque, et chacun cria : « Thibaut de Wohbourg!..... >>

(1) Il avait été marié à Adélaïde, duchesse de Pologne, et leur fille Adélaïde épousa Frédéric Barberousse.

(2) Inter se juvenes thescum fœdus ineunt............, mosque ad omnium principum

Mais d'où était parti le coup? De cette main amie que Thibaut avait serrée et pressée amicalement sur son cœur au sortir du manoir de Wohbourg. Gerwic, sans le vouloir, et sans le savoir, avait frappé à mort celui qu'il avait juré de suivre et de défendre jusqu'à son dernier soupir. Aucune expression ne peut rendre sa douleur et son désespoir.

Cependant la blessure, quoique très-dangereuse, n'était pas mortelle : Thibaut revint peu à peu à lui-même; ses premières pensées furent pour Dieu, dont le malheur nous rapproche presque toujours, pour son épouse si cruellement délaissée, et pour ses enfants, orphelins même du vivant de leur père. Gerwic ne se livrait pas à des réflexions moins sérieuses; le coup de lance avait été pour lui le coup de tonnerre qui terrassa saint Paul, et il avait pris le parti de renoncer au monde. Enfin, les forces de Thibaut s'étant rétablies, les deux chevaliers s'embrassèrent en chrétiens et se séparèrent; le premier regagna son manoir, le second alla s'ensevelir dans le couvent de Sigeberg, et fut choisi, après sa profession, pour hospitalier, à cause de sa politesse, de sa douceur et de sa charité.

Il arriva quelque temps après que Conon, abbé de ce monastère, fut nommé à l'évêché de Ratisbonne. Il avait été si édifié de la vie exemplaire de Gerwic, qu'il le demanda pour en faire son syncelle, c'est-à-dire le témoin de sa vie et son second ange gardien. Mais le palais épiscopal n'offrait pas une retraite assez profonde à notre pieux solitaire; il soupirait, au milieu des distractions inévitables de sa nouvelle position, après les délices du désert, et, à force d'instances, il obtint la permission de se retirer.

Il y avait à quelque distance de Ratisbonne une forêt sombre et sauvage, qui n'était traversée de loin en loin que par de

aulas in quibus equestres ludos seu torneamenta institui aut exhiberi sciebant, se conferunt. — Ann. cist., t. 1, p. 257.

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hardis chasseurs. Gerwic y alla avec plusieurs compagnons. Après une marche longue et pénible à travers des fourrés de ronces et d'épines, lorsqu'ils furent arrivés à l'endroit le plus reculé et le plus introuvable, pour ainsi parler, ils se mirent à défricher et à construire des cabanes.

L'ouvrage marchait avec assez de rapidité. Mais un jour il prit envie au maître de la forêt d'y faire une partie de chasse, et il fut entraîné par hasard, avec sa suite, vers le lieu choisi pour l'emplacement du nouveau monastère. Quelle ne fut pas sa surprise, quand il aperçut un abattis considérable de grands arbres, quelques huttes s'élevant à peine au-dessus du sol, et d'autres presque entièrement achevées; des hommes occupés sur différents points à creuser, à équarrir, à bâtir, à essarter?

Ce seigneur était Thibaut de Wohbourg lui-même. Furieux de ce qu'on avait osé exploiter ainsi sa forêt sans même l'avoir prévenu, il lança son cheval du côté des travailleurs, la menace sur les lèvres et les armes à la main. Gerwic alla à sa rencontre, lui présenta une lettre de l'évêque de Ratisbonne, et lui dit son nom, son origine et son dessein. Thibaut, l'ayant regardé attentivement, reconnut aussitôt le fidèle ami de sa jeunesse, et, s'élançant à terre, se jeta dans ses bras, l'embrassa tendrement et lui montra la cicatrice de sa blessure (1). Non-seulement il l'autorisa à continuer, mais il lui donna autant de terre qu'il en pourrait parcourir en un jour de marche, lui promettant de lui envoyer ses gens avec des provisions et des voitures pour hâter les travaux. Cette forêt, naguère le repaire des bêtes féroces, fut bientôt sillonnée en tous sens, et ne retentit plus que du bruit de la scie, du marteau, de la hache, des chants des ouvriers et des cantiques des moines (2).

(1) Gerwicum amanter complexus, vulneris ab eo sibi olim inflicti cicatricem ostendit. - Ann. cist., t. 1, p. 257.

(2) Postea juxta sylvam, ad ripas fluvioli Wundrebi, inchoata ædificiola transtulerunt. - Id., ibid.

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La maison étant construite, Gerwic, qui tenait à y faire fleurir la règle de saint Benoît dans toute sa pureté, avait cru devoir s'adresser à Othon, dont le nom et les vertus étaient célèbres dans toute l'Allemagne. L'abbé de Morimond l'accueillit, non point comme un étranger, mais comme un compatriote, un frère et un saint. Toute la communauté ayant ouï le récit de sa conversion, il devint bientôt pour tous un objet de respect, d'édification et d'admiration. Cependant le monastère était épuisé de religieux par la fondation de quatre abbayes dans la seule année 1133; Othon était encore lié par d'autres engagements : il eut donc la douleur de ne pouvoir accéder à son désir, et l'adressa à saint Bernard, qui, pour les mêmes raisons, le renvoya plus loin.

Le pieux Gerwic, sans se décourager, revint à Morimond conjurer Othon, au nom de Jésus-Christ, d'avoir pitié de sa maison naissante et de ne pas le laisser repartir avec le regret d'avoir entrepris en vain un si long et si pénible voyage. Othon, touché de tant de foi, d'humilité et de patience, voulut rattacher à Morimond un homme animé si évidemment de l'esprit de Dieu, et un établissement qui lui semblait être une œuvre merveilleuse de la Providence; il lui donna six religieux, et lui remit une lettre par laquelle il priait l'abbé de Wolkenrode, de sa filiation, au diocèse de Mayence, d'ajouter sept autres religieux pour compléter le nombre de treize fixé par la règle, et de prendre le nouveau monastère sous sa dépendance immédiate (1).

(1) Les Tables de Morimond rapportent ce fait tel que nous l'avons raconté. Dans les Annales de Citeaux, il est dit que l'abbé Othon donna seulement à Gerwic une lettre pour l'abbé de Wolkenrode, et que ce dernier ne lui confia que trois religieux : tres suæ professionis monachos.

On voyait dans l'église de Waldsassen plus de cinquante mausolées des barons et des comtes de Liechtemberg, de Sulzbach, de Wirzburg, de Sparrenheit, de Velsenstein et aliorum cum in Nariscorum tum prætoriana terra habitantium.

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