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Telle fut l'origine de Waldsassen (l'habitation, l'établissement des bois). Le premier abbé s'appelait Henri et le premier prieur Wiggard. Ce fut sous ces maîtres que l'humble Gerwic fit l'apprentissage de l'observance de Cîteaux, renonçant aux honneurs du cloître comme il avait renoncé aux honneurs du monde, pour s'enfoncer tout entier dans sa chère solitude et se livrer sans obstacle à la contemplation de l'éternelle beauté qu'il avait si longtemps méconnue (1).

il

Voilà comment, dans ces beaux siècles, on réparait les égarements et les scandales de sa jeunesse, en donnant son cœur à Dieu, la sueur de son front à la terre, l'exemple du travail et de la patience au monde, des champs nouveaux à son pays, l'aumône aux pauvres! Aujourd'hui, qu'arrive-t-il? Voyez ce jeune homme qui a usé dans la débauche les prémices de sa vie et l'héritage de ses aïeux, et qui, à la place du bonheur qu'il cherchait, n'a trouvé que le remords et le désespoir. Au lieu de se retirer dans la solitude des paisibles campagnes, court à la grande ville; il ne prend ni la bêche, ni le râteau, mais de l'encre et du papier; il ne se cache pas dans la cellule d'un monastère, mais dans une mansarde : de là, comme Achille boudeur, il jette un regard dédaigneux sur le peuple et sur l'armée, il cite à sa barre la société entière, il l'accuse de ses fautes et de ses malheurs, il la juge, il la condamne à mort; il proclame une ère nouvelle de communauté de biens, parce qu'il a perdu les siens ; de communauté de femmes, parce qu'il est repoussé de toutes celles qui sont chastes et pures; d'égalité et de fraternité, parce que tout ce qui se respecte s'éloigne de lui. Il crée un monde idéal qu'il sème de perles, qu'il illumine de tout l'éclat de l'or et des pierreries, qu'il embaume de tous les parfums, où l'homme est destiné à se promener de voluptés

(1) Gasp. Brusch., in Walds.; - Annal. cist., t. 1, p. 257; — Tabul. Morim, ann. 1234.

en voluptés, comme un sultan blasé à travers des salles de festin et des harems fantastiques (1). Il jette ses visions en pâture à tous les ambitieux déçus, à tous les corrompus, à tous les mécontents; il leur inspire la haine de toute supériorité, le dégoût du présent et du passé, la fureur des jouissances. Un jour la foule descend en armes dans la rue : l'utopie devient de l'anarchie, le rêve s'achève dans les ruines, le roman finit dans le sang!

Leopold d'Autriche et son épouse continuaient de vivre en saints et ne contribuaient pas peu, par leurs bonnes œuvres, à attirer sur Othon et sur Morimond les bénédictions du ciel. Ils lisaient ensemble l'Ecriture-Sainte, se levaient la nuit pour vaquer à la prière et à la méditation : ils auraient désiré l'un et l'autre pouvoir chanter continuellement les louanges du Seigneur et faire une oraison perpétuelle aux pieds des autels; mais, comme les obligations de leur état les retenaient dans le monde, ils fondèrent deux monastères dont les religieux pussent à leur place remplir nuit et jour ces fonctions angéliques : l'un de chanoines réguliers, dont nous avons déjà parlé, et l'autre de l'ordre de Citeaux, à quelques milles de Vienne, près du château de Kalnperg, où ils faisaient leur résidence (2).

Le pieux marquis, ne pouvant aller à Morimond, voulut, autant que possible, transporter Morimond près de lui, et demanda à son fils des religieux formés par ses leçons et ses exemples, et au niveau de leur vocation sublime. Ainsi commença la célèbre abbaye de Sainte-Croix, mère de beaucoup d'autres en Autriche, en Bohême et en Hongrie. Conrad, l'un des fils de saint Léopold, y entra comme simple religieux et en devint

(1) Four., Théor. des quatre mouvem., pp. 61-67 ;— Voy. en Icarie, 1re partie, cc. 4 et 5; - Rob. Owen, The book of the new mor. world., 1re partie. (2) Sainte-Croix n'était qu'à trois milles au midi de Vienne, in nemore Viennensi. Voir la carte géographique des établissements cisterciens en Autriche, Sartor., Cist. Bistert., inter pp. 970 et 971.

abbé; nous le verrons plus tard promu successivement au siége épiscopal de Passaw et à l'archevêché de Saltzbourg (1).

La parole de saint Bernard, plus pénétrante que le glaive, aussi retentissante que le tonnerre, irrésistible comme la foudre, s'était fait entendre à la cour des ducs de Lorraine et y avait produit des fruits admirables de salut (2). La duchesse Adélaïde lui écrivit pour lui offrir une terre propre à la construction d'un monastère; mais, soit qu'elle eût été contrariée dans ses vues par le duc Simon, son époux, uni à Othon par les liens du sang, soit que saint Bernard, retenu alors en Italie, ne pût en prendre possession comme il l'avait promis, on s'adressa à l'abbé de Morimond, qui accepta la donation et envoya des religieux fonder cette nouvelle maison, qui prit le nom de Beaupré, au diocèse de Toul, sur la Meurthe, à peu de distance de Lunéville. Ses autres principaux bienfaiteurs furent Folmare, comte de Metz; Henri, comte de Salm; etc.

On voyait dans son église les mausolées magnifiques d'un grand nombre de ducs et duchesses de Lorraine : de Simon Ier, d'Agnès de Bar; de Frédéric II, le Chauve, et de Marguerite de Navarre; de Thierry, de Frédéric III et d'Elisabeth d'Autriche; de Raoul, tué par les Anglais à la bataille de Crécy (3),

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(1) Godescard, Vie des saints, 15 nov.; · Annal. cist., t. 1, p. 254. (2) Epistt. 119 et 120.

(3) Jongel, Notit. Abbat. cist. per orb. univ. (prov. Lothar.); l'épitaphe de Raoul porte Crecquy; Ann. cist., t. 1, p. 285; D. Calmet, Hist. ecclés. et civil. de Lorraine, t. 2, p. 79.

Les autres établissements cisterciens du duché de Lorraine dans la filiation de Morimond étaient :

1o Freystroff, à peu de distance de Metz, fondé par les sires de Valcourt et avec le secours du duc Simon et d'Adélaïde son épouse. Le duc Mathieu remplaça en 1147 les religieux par des religieuses; mais, les premiers y rentrèrent en 1300,et se mirent dans la dépendance de Morimond.-Benoît, Hist. de Lorr., p. 220; D. Calmet, Hist. de Lorr., t. 2, p. 5; — Gall. christ., t. 13, p. 943. 2o L'Isle-en-Barrois, fondée par Ulric de Lisle dans sa terre d'Anglecourt, pour des chanoines réguliers de Moustier-en-Argonne. Ceux-ci l'ayant abandonnée, elle passa aux cisterciens vers l'an 1150, du consentement de Reynier

etc. C'était au milieu de la poussière de toutes ces grandeurs, de toutes ces altesses humiliées, anéanties jusque dans l'orgueil de leurs tombeaux, que les moines, les yeux et les mains levés au ciel, pouvaient répéter en toute vérité et avec un àpropos sublime: Tu solus altissimus!...

Jusqu'alors Morimond semble doué d'une aussi prodigieuse fécondité que Clairvaux, et Othon paraît rivaliser avec saint Bernard comme fondateur de monastères. Les novices arrivaient de toutes parts en si grande quantité, et Othon savait si bien préparer et disposer toutes choses à l'avance, que dans l'espace de six mois, en 1137, il fit partir quatre colonies dans le midi de la France et jusqu'aux pieds des Pyrénées, pour que ces avant-postes de l'armée cistercienne pussent, au premier signal et à l'heure fixée par la Providence, franchir les monts et livrer au mahométisme ces combats terribles qui ont fait triompher pour toujours la foi chrétienne dans cette partie de l'Europe.

La première se rendit, au mois de juillet, près de SaintPaul-Trois-Châteaux, dans une vallée inculte, entourée de trois collines couvertes de forêts et de roches nues, où Gontard de Loup, seigneur de Rochefort, avait fait construire quelques cabanes pour la recevoir. Cette vallée prit d'abord le nom de Vallis honesta; mais ses nouveaux habitants lui donnèrent ensuite celui d'Aiguebelle, nom gracieux qui lui convenait ad

d'Apremont et de sa femme Helvide. Elle a conservé le nom de son fondateur. - D. Calm., p. 3, t. 2.

3o Vaux-en-Ornois. Cette fondation des sires de Joinville fut confirmée en 1140 par Henri de Lorraine, évêque de Toul. Ebal de Montfort, neveu du comte de Champagne, donna 500 écus pour les bâtiments (Archidiaconé de Ligny). — Gall. christ., t. 13, p. 1113.

40 Escurrey, sur la petite rivière de Saulx, entre Morley et Moustier-sur-Saulx, frontière de Champagne, en Barrois, fondée par les sires de Joinville, sous le sceau de Guy, évêque de Châlons.-D. Calm., Hist. de Lorr., t. 2, ad calcem 323. Nous parlerons ailleurs de Clairlieu et de Haute-Seille.

mirablement, car de tous côtés on entendait le bruit des eaux qui descendaient des rochers, et on voyait leurs flots limpides baigner l'enclos du monastère. Là, après tant d'orages et tant d'années, Morimond se survit à lui-même; là, à cette heure, sont réunis sous l'observance primitive de Cîteaux deux cents religieux connus sous le nom de trappistes: chrétiens fervents qui, au sein d'un siècle sensuel et sceptique, nous retracent dans leur vie les mœurs austères et pures de l'ancienne Thébaïde (1).

La seconde, au mois d'octobre, descendit jusqu'aux sources de l'Adour, et s'installa dans une grange qui avait été donnée à Gauthier, deuxième abbé de Morimond, par un seigneur nommé Forton, du consentement de Pierre, comte de Bigorre, et de Béatrix son épouse. Elle avait pour abbé frère Bertrand, religieux d'un esprit vif, énergique, infatigable à la peine. Au moment de son départ, Othon avait pris sur l'autel et lui avait remis la croix de bois qui devait faire pâlir le croissant et le remplacer au haut des minarets de Grenade et de Cordoue (2). Cette maison fut appelée l'Echelle-Dieu, sans doute par un pressentiment de ses glorieuses destinées; car ce fut véritablement l'échelle divine avec laquelle l'islamisme a été escaladé et pris d'assaut.

Au mois de novembre suivant, Morimond présenta un spectacle peut-être unique dans l'ordre de Cîteaux : vingt-six religieux partirent en même temps, la veille de la Saint-Martin, et allèrent fonder Le Berdouës, au diocèse d'Auch, et Bonne

(1) Ab urbe Tricastinensi duabus distat leucis, non longe a vico dicto Valaurie; inter præcipuos ejus benefactores domini de Grignan numerandi sunt. Gall. christ., t. 1, p. 737.

(2) Ex tabulis eccl. Morim., anno 1137, etc. - Apud locum de Cabadur, id est caput Aturi fluvii, in valle quam secat Aturus a summis Pyrenæis fluens, quæ desinit ad municipium campanum famosum ob butyri copiam; deinde ad locum vicinum translata est. · Gall. christ., t. 1, p. 1257.

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