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éternelles en demandant à Dieu le pain de chaque jour. En ne le demandant que pour un jour, il rend justice et hommage à cette prévoyance divine qui a entouré l'homme de tant de sollicitude, de la sollicitude d'un père. C'est comme s'il lui disait: Donnez-moi aujourd'hui, demain je vous demanderai encore. Et en tenant ce langage, l'homme qui s'adresse à Dieu lui avoue qu'il le regarde comme la providence sur laquelle il compte pour l'avenir, car en ne demandant que pour un jour, il lui laisse le soin de cet avenir. C'est s'abandonner à Dieu d'une manière complète et définitive, et le mettre dans la nécessité de nous donner aujourd'hui comme demain le pain de chaque jour. On ne demanderait pas autrement à notre père selon la chair, parce que ce père est la providence de la famille entière, celui qui doit prévoir l'avenir et garantir l'existence de ceux qui lui sont unis par des liens si étroits.

Et lorsqu'on songe que c'est Dieu qui nous dit de parler de la sorte, lui qui a mis la tendresse dans le cœur des mères, qui a donné à l'homme cet amour ferme, viril comme sa nature, mais qui n'exclut pas la bonté, la douceur et la mansuétude, qui pourrait hésiter à croire que c'est là prier comme il l'ordonne et de la manière la plus propre à être exaucé?

Une autre version porte: Donnez-nous notre pain qui est au-dessus de toute substance; par où l'on entend le pain de l'Eucharistie. C'est là une nourriture autrement précieuse que le pain matériel. Ce sens spirituel n'interdit pas l'autre sens, qui est de demander les biens temporels nécessaires à notre vie. Les deux sens peuvent être com

pris dans la demande du chrétien. « Au surplus, dit Bossuet sur ce point, Jésus-Christ lui-même nous a appris à dire: Panem nostrum, où constamment l'un des sens est de demander les biens temporels. » (Tome XXVII, p. 225, éd. Vers.)

Après la prière pour nos besoins, arrive la prière pour obtenir notre pardon. Dieu met pour condition que nous aurons pardonné à ceux qui nous ont offensés. Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Nous savions déjà que Dieu est infiniment miséricordieux, ses perfections infinies nous l'avaient appris, et le sacrifice de son Fils pour la rédemption du genre humain en est une preuve sans réplique; mais voici que pour obtenir le pardon dès que l'homme l'a offensé, l'homme doit lui-même se présenter à son Dieu sans rancune, sans haine, même sans la juste indignation que fait naître une offense injustement reçue. Dieu est amour, charité, est-il dit dans les Ecritures. Dieu lui-même nous a commandé d'aimer notre prochain comme nous-même. Dans mille autres passages, il nous recommande de nous considérer comme des frères. C'est là surtout le fond de la loi pour ce qui touche les rapports des hommes entre eux. Ici, il joint au précepte une sanction redoutable. Il veut que nous ne puissions lui demander pardon qu'après avoir nous-même pardonné les offenses que nous avons reçues; mais, en Ꭹ réfléchissant, cette disposition qu'il exige de nous est en même temps une promesse d'une infinie miséricorde. Il veut que nous pardonnions avant même de réclamer le pardon pour notre compte; mais si nous pardonnons en

effet, comme il le veut, peut-il nous refuser à nousmême la grâce que nous lui demandons? Nous accomplissons la condition: donc le pardon qui y est attaché arrivera. Partout se trouve la trace d'une immense bonté de la part de Dieu. En vérité, Dieu brûle du désir de pardonner, tant il rend faciles les conditions du pardon!

L'homme vient de demander pardon du mal commis, mais le voilà avec le désir de ne jamais plus retomber dans sa faute. L'offense est pardonnée, il est juste d'implorer secours pour n'offenser plus à l'avenir. C'est une conséquence du regret d'avoir une première fois offensé Dieu. Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il. Ici l'homme pousse un cri de défiance contre lui-même. Il avoue que ses forces ne suffisent pas pour faire le bien. Habitué à succomber, il sent que pour échapper à de nouvelles chutes, il lui faut le secours de Dieu, de qui tout dépend et qui a tout pouvoir. Voilà pourquoi il demande de ne pas succomber dans les épreuves qu'il a ou qu'il aura à traverser. Il veut se servir de sa liberté dans le sens de la volonté divine. C'est un fils qui s'abandonne à la salutaire protection d'un père, et un fils qui sent son insuffisance et qui la proclame. Il est évident qu'il n'y a pas de disposition d'esprit et de cœur qui doive mieux porter Dieu à nous secourir. Si nous rencontrions sur notre chemin un aveugle qui se trouvât au bord d'un précipice, et que cet aveugle implorât notre aide, hésiterions-nous à guider ses pas pour l'empêcher de tomber? C'est Dieu qui a mis en nous ces sentiments. Mais nous, ne sommes-nous pas des aveugles dans le chemin de la vie? Si nous implorons

Dieu pour qu'il nous préserve de tomber, pourquoi ne serait-il pas pour nous ce qu'il nous commande d'être pour nos frères?

Délivrez-nous du mal, signifie délivrez-nous de tout ce qui est contraire à votre volonté. La règle, le bien, le parfait, c'est Dieu, c'est son être, c'est sa volonté; le mal est ce qui est contraire à cette volonté, ce qui est en opposition avec Dieu. Vouloir en être délivré, c'est vouloir ne jamais être dans un état qui déplaise à notre Créateur et à notre Père céleste.

Ainsi soit-il. C'est le vœu définitif que l'oraison qui vient d'être récitée soit exaucée. C'est une nouvelle prière d'accorder ce que le chrétien sollicite.

Telle est cette Oraison dominicale, que M. Proudhon a transformée en une glorification du moi humain, par le plus bizarre accès d'orgueil qui soit jamais peut-être arrivé à un mortel, et par la plus folle des aberrations de la raison humaine. L'Oraison dominicale résume ce qu'il est utile que l'homme demande à Dieu. Il s'y trouve la reconnaissance, de la part de l'homme, de Dieu comme créateur et comme père, le désir que Dieu soit glorifié; que la volonté de Dieu, qui est la règle parfaite, soit appliquée sur la terre, la demande de notre pain de chaque jour, celle de la nourriture de Dieu lui-même, la demande à Dieu du pardon de nos fautes, la demande de son secours pour ne l'offenser jamais et pour n'être jamais esclave du péché.

En définitive, si Dieu exauçait l'Oraison dominicale en faveur du chrétien qui la récite, et si ce chrétien conservait les sentiments que cette oraison suppose, il serait

dans la plus haute voie de perfection possible, attendu qu'il serait en parfaite conformité de vues et de volonté avec la volonté et les vues de Dieu. Et cette grande chose arriverait, par l'opposé de ce que veut M. Proudhon, par l'immolation du moi humain dans la volonté divine. Mais, admirable prodige, voilà qu'en s'humiliant on se rapproche de la perfection divine. C'est, du reste, le mot de l'Evangile : Qui s'exalte sera humilié, et qui s'humilie sera glorifié.

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