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villes fameuses, ne sont plus. Que reste-t-il des peuples qui les ont possédées? Perses, Mèdes, Assyriens, Egyptiens, Carthaginois et même Romains sont couchés dans la poussière, et de Rome même, de Rome païenne, il ne reste que des ruines. Rien n'a survécu de ces grandes monarchies ou de ces fières républiques qui avaient à leurs ordres des armées si nombreuses et si aguerries! Et l'Eglise, sans armées, sans forteresses, sans villes puissantes, sans ressources temporelles, sans secours surnaturel d'après M. Proudhon, aurait vécu plus de dix-huit siècles!

Mais une telle durée est en contradiction avec ce que les annales humaines nous apprennent de la vie et de la durée des peuples les plus fortement constitués !

Quel étrange phénomène ! Sans doute M..Proudhon va nous en expliquer le secret ou le mystère, car, voulant détruire l'Eglise, il a dû en sonder les fondements.

Voici ce que nous trouvons dès le début du livre :

« L'Eglise a succombé dans toutes ses luttes, et elle subsiste, quìtte à signer des pragmatiques sanctions et des concordats, à. simuler un accord de la raison et de la foi, à accommoder ses textes bibliques aux données de la science, à mettre dans ses mœurs un peu plus de réserve, dans son gouvernement un semblant de tolérance.

>> Comme le roseau de la fable, elle plie et ne rompt pas. Au train dont la mènent ses ineptes rivaux, elle durerait, en pliant toujours, encore dix-huit siècles. Devant les puissances politiques, elle plie et elle dure; devant la philosophie, elle plie et elle dure; devant la science, elle plie et elle dure; devant la Réforme, elle plie et elle dure. Et elle durera tant qu'elle ne sera pas attaquée dans son fort, tant que la Révolution, élevant plus haut le débat, n'aura pas débarrassé la

Justice de cette sanction divine, qui la rend boiteuse, et dont l'Eglise est le suprême représentant. » (Tome Ier, p. 36 et 37.),

L'Eglise plie, voilà pourquoi elle ne rompt pas. C'est là l'explication que M. Proudhon nous donne de cette durée de plus de dix-huit siècles!

Le mot plier, tel que M. Proudhon l'emploie, signifie se soumettre contre son gré et contre sa conscience aux volontés arbitraires et tyranniques de ceux qui sont forts et puissants. L'Eglise, toujours d'après M. Proudhon, aurait sans cesse plié depuis dix-huit siècles, et ce serait là le secret de son existence et de sa durée.

Mais il nous semble néanmoins que dans les premiers siècles l'Eglise a manifesté une certaine résistance. Des témoignages éclatants et irrécusables constatent d'abord que les apôtres, à qui revient la gloire d'avoir fondé l'Eglise, furent jetés dans les cachots, flagellés et, enfin, martyrisés par ceux qui avaient à cette époque la puissance temporelle et la force publique, parce qu'ils ne voulaient point consentir à cesser leurs prédications et leur ministère. Saint Etienne est lapidé, saint Pierre est crucifié la tête en bas, saint Paul a la tête tranchée, les autres apôtres n'ont pas une autre fin. La mort ne leur arrive qu'après avoir enduré les plus horribles souffrances. Ils ne plièrent ni dans les tourments ni en face de la mort.

Les apôtres et les disciples de Jésus-Christ n'existant plus, peut-être que l'Eglise va plier devant les orages, comme le roseau de Lafontaine, pour se faire tolérer par les puissances!

Voici l'impudique et cruel Néron qui prend les rênes de l'empire. Il exerce contre les chrétiens les plus abomi

nables tortures. Il se sert de leurs corps encore vivants comme de flambeaux, après les avoir enduits de résine, pour éclairer les jeux du cirque; il les fait dévorer par les bêtes et leur fait couler du plomb fondu dans le gosier. Il épuise sur leur corps tous les supplices. Les bourreaux sont plus tôt las de frapper que les martyrs de souffrir.

Domitien, Trajan, Marc-Aurèle, Sévère, Maximin, Dèce, Gallus, Valérien, Aurélien, Dioclétien et tant d'autres tyrans ont suivi pendant plus de trois cents ans l'exemple de Néron, redoublant de cruautés, inventant à chaque persécution nouvelle de nouveaux supplices, et prodiguant les plus merveilleuses promesses pour obtenir des chrétiens des actes d'apostasie. Ils n'ont rien obtenu. Papes, évêques, prêtres, simples chrétiens, femmes, jeunes filles, jeunes enfants, tous sont inébranlables. Ils n'auraient qu'un mot à prononcer, qu'un seul acte d'adoration aux idoles à accomplir, pour être délivrés des tortures et de la mort, pour être comblés des faveurs du prince. Ce mot, ils ne le disent point; cet acte, ils ne l'accomplissent pas. Ils répètent jusqu'au dernier soupir qu'ils sont chrétiens.

Est-ce là ce que M. Proudhon appelle plier pour obtenir de vivre et pour vivre ? Les auteurs les plus accrédités soutiennent qu'il est mort de cette sorte dix millions de chrétiens. C'étaient dix millions de martyrs pour obtenir la liberté d'adorer Dieu selon les devoirs de la conscience.

C'était la première manifestation sérieuse de l'indépendance de la conscience humaine sur les questions religieuses, vis-à-vis du pouvoir civil. Ces actes s'accom

plissaient contre la volonté de la puissance politique. L'Eglise a-t-elle modifié son esprit et son attitude après les trois premiers siècles?

L'Eglise a une doctrine contre laquelle les novateurs et les hérétiques se sont sans cesse élevés. Tant que dura le Bas-Empire, les ennemis de l'Eglise eurent souvent pour complices les empereurs de Constantinople. En quel temps l'Eglise a-t-elle fait des concessions? Ceux qui en sont la gloire et qu'elle a placés au nombre de ses docteurs ou de ses saints ont été persécutés, envoyés en exil, en prison ou à la mort; mais ils n'ont point cédé sur la question de doctrines, pas plus que l'Eglise, qu'ils représentaient. Ainsi furent saint Athanase, saint Basile, saint Jean-Chrysostôme, et tant d'autres qu'il serait trop long de nommer.

Constantinople et les provinces qui en dépendaient, sous la domination des empereurs grecs, ont été constamment un foyer de disputes théologiques. Les Grecs disputaient encore en présence de l'ennemi redoutable qui allait les exterminer ou les asservir. L'Eglise a-t-elle cédé sur un point de sa doctrine, quoique les empereurs grecs fussent presque toujours d'accord avec les patriarches rebelles? La rupture a fini par éclater d'une manière définitive et l'unité a été brisée; mais l'Eglise, dans la vue de maintenir sous sa juridiction et dans son sein tant de chrétiens, a-t-elle fait la moindre concession de doctrines?

De nos jours, en fait-elle à la Russie, où le schisme d'Orient est établi et où il semble prendre son chef?

Pendant le moyen âge, l'Eglise n'a-t-elle pas pris en

main la défense des peuples opprimés, contre la violence et l'injustice des souverains? Les peuples et les princes faibles et injustement humiliés allaient vers l'Eglise comme vers le seul asile où ils pussent trouver une défense et une protection efficaces contre les souverains puissants. Combien de papes ont résisté à des rois et à des empereurs par l'unique motif de faire prévaloir les droits de la justice et de la vérité! L'histoire est pleine de ces débats fameux, soit avec les rois d'Angleterre, soit avec les rois de France, soit avec les empereurs d'Allemagne. Et aujourd'hui on accuse encore les papes d'avoir visé, à cette époque, à une domination universelle! Etaitce là plier?

Et au moment de la réforme, l'Eglise n'a-t-elle pas eu à lutter, en Allemagne et en Angleterre, autant contre les moines rebelles que contre les princes et les souverains?

A-t-elle fléchi devant ces ennemis pour se les rendre favorables? A-t-elle consenti à satisfaire leurs passions pour les conserver dans son sein? Elle a condamné et moines et souverains, et ceux qui ont continué leurs erreurs sont exclus de sa communion depuis cette époque. Voilà plus de trois cents ans que le schisme dure. L'Eglise fait-elle des concessions de nos jours aux souverains qui soutiennent encore l'erreur?

Et Henri VIII n'a-t-il point rompu ses liens avec Rome parce que l'Eglise n'a point voulu consentir à violer une des lois fondamentales de la société, une loi divine, l'indissolubilité du mariage?

La révolution de 1789 n'a-t-elle pas voulu asservir

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