Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

subordonnant tous les autres, gouverne, protége, réprime, châtie au besoin, exige la suppression des éléments rebelles? Est-ce la religion, l'idéal, l'intérêt ? Est-ce l'amour, la force, la nécessité ou l'hygiène ? Il y a des systèmes et des écoles pour toutes ces affirmations.

Ce principe, suivant moi, est la Justice.

» Qu'est-ce que la Justice? L'essence même de l'humanité. » Qu'a-t-elle été depuis le commencement du monde? → Rien.

[ocr errors]

Que doit-elle être? Tout.» (Tome Ier, p. 42.)

M. Proudhon a dit, et nous l'avons rapporté dans le chapitre précédent :

« L'Etre transcendant, conçu et adoré comme auteur et soutien de la Justice, est la négation même de la Justice. » (Tome Ier, p. 39.)

Il dit un peu plus loin:

« Je nie que, tandis que nul ne songe à rapporter à Dieu l'amour, l'ambition, l'esprit de spéculation ou d'entreprise, on doive faire exception pour la Justice.

» La, Justice est humaine, toute humaine, rien qu'humaine : c'est lui faire tort que de la rapporter, de près ou de loin, directement ou indirectement, à un principe supérieur ou antérieur à l'humanité. » (Tome Ier, p. 84 et 85.)

C'est ce que M. Proudhon appelle l'IMMANENCE ou l'innéité de la justice dans la conscience. (Tom. Ier, p. 84.)

«La Justice, ajoute-t-il, a son siége dans l'humanité; elle est indéfectible dans l'humanité parce qu'elle est de l'humanité.» (Tome Ier, p. 85. )

<< La conscience, dit encore M. Proudhon, telle qu'elle est donnée par la nature, est complète et saine; tout ce qui se passe en elle est d'elle; elle se suffit à elle-même, elle n'a besoin ni de médecin ni de révélateur. Bien plus, cet auxi

liaire céleste sur lequel on veut qu'elle s'appuie, ne peut que faire obstacle à sa dignité et à sa justice, lui être une entrave et un achoppement.

» Non-seulement la science de la Justice et des mœurs est possible, puisqu'elle repose, d'une part, sur une faculté spéciale de l'âme, ayant, comme l'entendement, ses notions fondamentales, ses formes innées, ses anticipations, ses préjugements; de l'autre, sur l'expérience quotidienne, avee ses analogies, avec ses joies et ses douleurs. Il faut dire encore que cette science n'est possible qu'à la condition de se séparer entièrement de la Foi, qui loin de la servir la détruit.

ses inductions
s et ses

» Dans le système de la Révélation, la science de la Justice et des mœurs se fonde nécessairement, à priori, sur la parole de Dieu, expliquée et commentée par le sacerdoce. Elle n'attend rien de l'adhésion de la conscience ni des confirmations de l'expérience. Ses formules, absolues, sont affranchies de toute considération purement humaine; elles sont faites pour l'homme, non d'après l'homme, décrétées d'avance et à perpétuité. Il impliquerait qu'une doctrine sacrée reçût la moindre lumière des incidents de la vie sociale et de la variabilité de ses phénomènes, puisque ce serait soumettre l'ordre de Dieu à l'appréciation de l'homme, abjurer de fait la Révélation et reconnaître l'autonomie de la conscience, chose incompatible avec la Foi.

[ocr errors]

>> Tel est le DROIT DIVIN, ayant pour maxime l'Autorité: de là tout un système d'administration pour les Etats, de police pour les mœurs, d'économie pour les biens, d'éducation pour la jeunesse, de restriction pour les idées, de discipline pour les hommes.

Dans la théorie de l'Immanence, au contraire, la connaissance du juste et de l'injuste résulte de l'exercice faculté spéciale et du jugement que la Raison porte ensuite sur ces actes. En sorte que pour déterminer la règle des mœurs, il suffit d'observer la phénoménalité juridique à mesure qu'elle se produit dans les faits de la vie sociale.

» D'où il suit que la Justice étant le produit de la conscience, chacun se trouve juge, en dernier ressort, d du bien et du mal, et constitué en autorité vis-à-vis de lui-même et des autres. Si je ne prononce moi-même que telle chose est juste, c'est en vain que le prince ou le prêtre m'en affirmeront la justice et m'ordonneront de la faire : elle reste injuste et immorale, et le pouvoir qui prétend m'obliger est tyrannique, infâme. Et, réciproquement, si je ne prononce dans mon for intérieur que telle chose est injuste, c'est en vain que le prince et le prêtre prétendront me la défendre: elle reste juste et morale, et et l'autorité qui me l'interdit est illégitime et odieuse.

[ocr errors]

Tel est le DRC

DROIT HUMAIN, ayant pour maxime la Liberté = de là aussi tout un système de coordination, de garantie réciproque, des de service mutuel, qui est l'inverse du système d'autorité.» (Tome 1er, p. 87 et suiv.)

T

«< C'est à partir de la révolution française, continue M. Proudhon, que la théorie de la justice immanente s'est

affirmée avec conscience et plénitude, qu'elle est devenue prépondérante, et qu'elle a pris définitivement possession de la société.» (Tome Ier, p. 85.)

19 C'est la révolution, d'après M. Proudhon, qui a eu pour objet d'exprimer que la justice a son siége dans l'humanité. (Tom. Ier, p. 85.)

Voilà qui est désormais très clair. C'est la raison de l'homme que M. Proudhon veut substituer à la Raison suprême et éternelle. La réforme admet la Bible, la plus grande partie du moins, et elle regarde comme une règle juste l'interprétation que la raison particulière de chaque homme en donne.

T

29 M. Proudhon enlève même cette base et laisse tout à la raison de l'homme. Enfin, voilà le principe ieros

Il valait la peine de faire du bruit et de l'éclat pour

[ocr errors]

signaler au monde une pareille invention. Magnifique découverte, en effet, aussi vieille que le monde, découverte qui date du moment où l'homme, se révoltant contre son Créateur, a voulu préférer sa volonté propre à la volonté de Dieu.

[ocr errors]

Qu'a produit ce principe, cette justice tout humaine, rien qu'humaine?

Si nous consultons les annales de l'humanité, aux époques où les lumières de la révélation n'éclairaient pas les peuples, nous voyons que les peuples étaient dominés par les plus grossières erreurs. Ils adoraient les êtres les plus impurs, les choses les plus obscènes, les bêtes et les plantes, et leurs mœurs répondaient à ce culte et à ces croyances.

M. Proudhon, en parlant de la justice, nous dit : « Qu'a-t-elle été depuis le commencement du monde? Rien. Que doit-elle être ? Tout. »

Mais, si elle n'a rien été jusqu'ici et si elle n'est pas tout, à qui en revient la faute?

[ocr errors]

Puisque la justice est humaine, tout humaine, 'qu'elle est le produit d'une conscience qui nous arrive saîne et complète en naissant et qui se suffit à elle-même, ce qui est le caractère de la perfection absolue, d'où vient que cette conscience ne l'a pas manifestée immédiatement et sur toute chose, de telle sorte que le principe régulateur exercât partout son empire dès le commencement du monde?

Cette justice, ou, si l'on veut, la raison humaine qui la distingue d'une manière complète, a eu pourtant libre carrière 1931

Pendant quatre mille ans, il n'y avait aucune institution divine qui fût pour elle un obstacle ou une entrave. Jésus-Christ n'était point encore venu et l'Eglise n'était pas encore fondée. Le sentiment de la Divinité existait, c'est vrai; mais le véritable Dieu n'était pas connu, n'était pas adoré, si ce n'est en Israël, et il n'y avait chez les autres peuples aucun prêtre, aucune classe sacerdotale pour en défendre les prérogatives. C'est l'homme seul qui, laissé à lui-même, manifestait ce qu'il avait en lui, dans son âme, dans sa nature, dans sa raison, dans sa conscience souveraine et indépendante, d'après M. Proudhon. C'était le moment de produire la justice, si cette justice était en lui.

M. Proudhon nous déclare qu'elle n'existait pas de ce temps-là.

Comment! pendant quatre mille ans, l'homme a eu la liberté de manifester ses œuvres, il n'a point été entravé dans sa marche par un révélateur divin, par un agent céleste quelconque, qui ne saurait que le contredire d'après notre auteur, et cet auteur, M. Proudhon, nous déclare que la justice n'a rien été encore depuis le commencement du monde?

Mais à quoi sert donc ce principe sublime, qui est complet dans la conscience de l'homme et indépendant de Dieu, d'après le même M. Proudhon?

L'homme ou l'humanité, qui a eu et qui a toujours, d'après M. Proudhon, le principe souverain, au lieu de le produire et de l'appliquer pour la règle des sociétés, a préféré laisser les sociétés vivre et se développer pendant tant de siècles dans l'injustice, la misère et la dégradation?

« ZurückWeiter »