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sion de son gain et en faire jouir sa femme et ses enfants. Et, de nos jours, qui céderait sans combat son bien, le fruit de longs et pénibles travaux, son patrimoine, le résultat peut-être du travail de plusieurs générations? La propriété est tellement liée au sort de la famille, aux destinées de l'homme, que la guerre sociale la plus vive éclaterait pour défendre ce droit, s'il était attaqué, comme une autre guerre aurait lieu pour la reconstitution du même droit si des orages révolutionnaires pouvaient un moment le renverser, ce que nous n'osons croire.

Ceux qui ont attaqué le droit de propriété savaient bien qu'ils ébranlaient tous les intérêts, une des bases de la famille et un élément indispensable de la société ; mais c'était là ce qu'ils voulaient, afin de renverser et de détruire les obstacles qui s'opposent à leurs ténébreux desseins. De tels droits ne peuvent point disparaître, à moins que la société ne disparaisse elle-même, attendu que la propriété en est une des conditions. Espérons que les ennemis de pareils intérêts seront éternellement confondus.

CHAPITRE XX.

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Complicité
Doctrine

Glorification d'Orsini et de Piéri par M. Proudhon. morale de M. Proudhon au sujet du dernier attentat. de M. Proudhon sur le régicide. Doctrine plus orthodoxe sur la même question. Est-il vrai que Jésus-Christ a fait du régiL'Eglise a-t-elle jamais donné le signal des Conduite politique de l'Eglise dans La révolte est-elle permise?

cide un dogme?

attentats contre les rois? le moyen âge.

M. Proudhon traite du régicide dans un de ses chapitres, et il commence par une espèce de glorification d'Orsini et de Piéri, en racontant sur leur mort des détails de pure invention. Voici comment il s'exprime :

« C'est aux cris, mille fois répétés dans la foule, de Chapeaux bas! que sont tombées les deux têtes; des sergents de ville, des gardes municipaux se sont évanouis, l'un d'eux est mort de saisissement; le soldat stupéfié laissait le peuple grimper sur ses épaules; pas une goutte de sang versé n'a été perdue, des centaines de mouchoirs l'ont recueilli pieusement. On se disait que de grandes dames s'étaient intéressées au salut des condamnés, avaient sollicité leur grâce; que cette grâce, appuyée dans le conseil privé de l'empereur, n'avait été écartée que par l'inflexible raison d'Etat. Essayez de faire descendre de leur piédestal ces deux assassins!... » (Tome III, p. 550.)

Tout est inexact dans ce récit. Ceux qui étaient présents n'ont point remarqué ces scènes dramatiques dont parle

M. Proudhon, ni cette exaltation du public qui aurait fait de ces deux assassins deux espèces de héros et de martyrs. Mais n'était-il pas utile pour la Révolution de faire croire à la sympathie enthousiaste de la foule, à celle des soldats, des gardes municipaux et des grandes dames, de faire même évanouir les sergents de ville et les soldats sous les armes comme de jeunes filles? Rien ne manque à ce tableau pour l'effet, que la vérité. Mais, enfin, c'était là au moins un très beau préambule pour un chapitre sur le régicide. Ce tableau inventé était digne de celui qui a écrit les lignes suivantes au sujet de l'attentat du 14 janvier 1858:

« Je n'ai coopéré ni directement ni indirectement à l'attentat dų 14 janvier; mais, non moins sincère que Félix Pyat, j'avoue la COMPLICITÉ MORALE. » (Tome III, p. 552.)

Et un peu plus loin:

« J'ai reconnu, et puissé-je l'assumer toute sur ma tête, la complicité morale; mais, loin que je m'en vante, j'aurais plutôt envie d'en pleurer....

>> Nous savons ce qui produit le régicide: nous pouvons en apprécier la moralité. Quelle moralité étrange! Ici le pour et le contre se trouvent tellement connexes, qu'une solution franche devient impossible. Ecoutez cette proposition :

» On peut toujours poser un cas de régicide tel que la conscience publique prenne parti pour l'assassin contre le prince; mais dans ce cas-là même il existe toujours des raisons qui font du régicide, au point de vue du droit et de la morale, un acte exorbitant, un crime, dont le fanatisme du coupable peut seul atténuer l'horreur.

» N'insistons pas sur la première partie de la proposition : c'est une de ces thèses qu'il n'est pas bon de développer devant les imaginations faibles, que le vertige du meurtre entraîne

plus aisément que l'attrait de la charité. Qu'il me suffise ici du témoignage de Platon. Le nom de tyran, dit ce prince des moralistes, implique dans sa définition quelque chose de si noir, que la conscience se refuse à condamner le citoyen qui se dévoue pour en purger la patrie. Et force nous est d'avouer qu'il y a du vrai dans ce jugement, quand nous voyons quelle pitié a excitée, en faveur d'un Orsini, la simple allégation de son patriotisme. J'accorderai donc qu'étant donné le Tyran, le tyrannicide peut sembler, en principe, légitime : jusque-là, je puis souscrire à l'opinion de Platon et du R. P. Mariana. » (Tome III, p. 564 et 565.)

« QUESTION insoluble par la logique, et sur laquelle toute philosophie doit déclarer son incompétence. Cela signifie que l'attentat à la personne d'un empereur est uniquement livré à l'appréciation du jury, sans qu'il soit permis de poser à cet égard aucune règle générale.

» Il n'y a rien, absolument rien à tirer, pour la conduite des partis et des nations, de cette hypothèse : S'IL EST PERMIS DE METTRE A MORT UN TYRAN? ce tyran fût-il Néron où Tibère, pas plus que de ces autres: S'il est permis de se parjurer avec un parjure? S'il est permis à un fils, dans certains cas, de tuer son père? Si le mari qui surprend sa femme en adultère a le droit et le devoir de la poignarder. Le jury, je le répète, peut, selon les circonstances, trouver des atténuations. » (Tome III, p. 573 et 574.)

Malgré ce sympathique attrait pour ceux qui tentent d'assassiner les souverains, que manifeste M. Proudhon, malgré la complicité morale qui résulte de ses paroles, ne l'eût-il pas déclaré lui-même en termes exprès, non-seulement pour l'attentat du 14 janvier, mais pour les attentats de même nature, il déclare en d'autres endroits que ces attentats sont inutiles, désastreux même quelquefois pour la Révolution, attendu qu'après un tyran il en surgit un autre, tellement la société est encore en arrière

sur ce point, et que l'acte même du régicide se tourne contre la Révolution, dont elle fait reculer la marche dans l'état actuel des esprits. Ces considérations de M. Proudhon pourraient faire croire que dans l'intention de cet auteur, si l'opinion et le temps étaient favorables au régicide, il faudrait s'en servir. Mais les esprits n'étant pas préparés, c'est folie, d'après M. Proudhon, de commettre des attentats contre les souverains.

« Le régicide, en effet, dit-il, n'aboutit pas, il ne peut pas aboutir; pourquoi? parce qu'il n'est pas un acte de la communauté juridique, qui seule peut régénérer la société. » (Tome III, p. 570.)

M. Proudhon serait enchanté qu'au lieu d'un acte isolé contre les souverains, qu'il appelle tyrans, la communauté, c'est-à-dire la nation, s'assemblât pour les condamner à mort. Il condamne l'acte isolé comme compromettant pour la Révolution, contre laquelle il provoque des rigueurs qui entravent sa marche; il a pourtant de la sympathie et de la vénération pour ceux qui les tentent; mais si c'était la communauté qui jugeât et qui condamnât, la situation serait fort différente.

Les catholiques, sur ce point encore, se séparent avec éclat de M. Proudhon.

« C'est précisément par l'ordre de Dieu que nous devons obéissance aux princes légitimes, même injustes et persécuteurs. Qui nous l'a enseigné? C'est le Saint-Esprit lui-même. Qui nous en a donné l'exemple? C'est JésusChrist quand il a dit : Rendez à César ce qui est à César, c'est-à-dire obéissez-lui dans tout ce qui est de l'ordre civil. Qui était ce César, ce souverain? Tibère, un

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