A MADEMOISELLE DE B***. 1769. Toi, dont j'ai vu couler les premiers pleurs, Je vais sur ton berceau répandre quelques fleurs. Que dans ces vers un jour papa t'apprenne à lire, Je sais qu'en un âge aussi tendre, Mais moi, j'ai du plaisir à te les adresser : Mes vers au moins n'ont rien dont je rougisse. La décrépitude du vice; Je célébre dans toi l'enfance des vertus. L'enfance est si touchante! Eh! quelle ame si dure N'éprouve en sa faveur le plus tendre intérêt? Tous les êtres naissants ont un charme secret: Telle est la loi de la nature. Ces ormcaux orgueilleux, leur verte chevelure, n M'intéressent bien moins que ces jeunes boutons Dont je vois poindre la verdure; Ou que les tendres rejetons Qui doivent du bocage être un jour la parure. Le doux éclat de ce soleil naissant Flatte bien plus mes yeux que ces flots de lumière, Qu'au plus haut point de sa carrière Verse son char éblouissant. L'été, si fier de ses richesses, L'automne, qui nous fait de si riches présents, Qui ne nous fait que des promesses. Ciel! retranche aux jours nébuleux De la lente vieillesse; Abrége les jours orageux Mais prolonge les jours heureux Et des ris innocents et des folâtres jeux! Le vrai plaisir semble fait pour cet âge: T. I. POÉS. FUG. 6 Pour tout palais, des châteaux de cartons, Voilà le destin de l'enfance. Est la plus belle des saisons! VERS A MADAME LA COMTESSE DE B**, SUR SON JARDIN D'A**. 1774. J'ai parcouru ce jardin enchanté, Modeste en sa richesse, et simple en sa beauté. Où l'ennuyeux cordeau dirigea les allées, Où l'œil devine tout, et prompt à tout saisir, Où le dédale des chemins M'égare doucement de surprise en surprise; J'ai dit de vos jardins ce que l'on dit de vous: C'est l'art conduit par la nature. Cet asile délicieux, Peuplé de bois, tapissé de prairies, Inspire, dites-vous, de doctes rêveries: Mais celle qui l'habite inspire beaucoup mieux; Et, malgré les attraits de ces simples retraites, Ce n'est pas la beauté des lieux Qui fait rêver dans les lieux où vous êtes. |