IMITATION DE SAPHO*. Heureux celui qui près de toi soupire; De veine en veine, une subtile flamme Je n'entends plus ; un voile est sur ma vue ; Je tremble, je me meurs. Ces vers furent composés à la sollicitation de M. l'abbé Barthelemy, qui pria l'auteur de suivre, dans cette traduction, la mesure des vers saphiques. — Voyez le Voyage d'Anacharsis, chap. III, et la note 11. LE RUISSEAU DE LA MALMAISON, VERS POUR LA FÊTE DE MADAME DU MOLÉ. (C'est le dieu du ruisseau qui parle.) Parmi les jeux que pour vous on apprête, Permettez, belle Églé, que le dieu du ruisseau, Qui, charmé de baigner votre heureuse retraite, Vous voit rêver souvent au doux bruit de son eau, Vienne s'unir à cette aimable fête. C'est à vous que je dois le destin le plus beau: Sur un limon fangeux se traînoient ignorées; C'est vous de qui les soins, par des trésors nouveaux, Ont augmenté les trésors de ma source; C'est vous qui, dans leur course, Sans les gêner, avez guidé mes eaux. (1) La Malmaison est près de Marly. Le marbre des bassins tienne vos eaux captives: Entre des fleurs et des gazons Je laisse errer mes ondes fugitives. Allez baigner des rois le séjour enchanté; Moi, j'arrose les lieux où se plaît la beauté. Là, prenant tour-à-tour vingt formes différentes, Mes flots se font un jeu d'exprimer dans leur cours De la charmante Églé les qualités brillantes, Et savent toujours plaire en l'imitant toujours. La pureté de ces eaux transparentes, D'un cœur plus pur encor peint la naïveté ; Le jet brillant de ces eaux bondissantes, De son esprit peint la vivacité. Voit-on mes flots, au gré de la nature, Suivre négligemment leur cours? C'est l'image de ses discours, Qui nous plaisent sans imposture. J'aime à répéter dans mes eaux L'azur des cieux, les fleurs de mon rivage, Et la verdure des berceaux; Mais j'aime cent fois mieux réfléchir son image. AD CHRISTINAM SUECORUM REGINAM, NOMINE CROMWELLI. Bellipotens virgo, septem regina trionum, Exsequor et populi fortia jussa manu. CROMWEL A CHRISTINE, REINE DE SUÈDE, EN LUI ENVOYANT SON PORTRAIT. (Traduit de Milton.) Astre brillant du Nord, intrépide amazone, L'exemple de ton sexe et la gloire du trône! Tu vois comme ce casque, au déclin de mes ans, D'un front déja ridé couvre les cheveux blancs. A travers cent périls, dans des routes sans trace, Les destins triomphants ont conduit mon audace. Un peuple entier remit ses droits entre mes mains. Jaloux d'exécuter ses ordres souverains, C'est pour lui que j'ai pris, que je garde les armes ; Mais rassure ton cœur : l'auteur de tant d'alarmes, Cromwel, dans ce tableau, se soumet à tes lois : Ce front n'est pas toujours l'épouvante des rois ('). (1) Ce dernier vers est de Voltaire, qui avoit traduit ainsi la fin de cette épigramme. Les armes à la main j'ai défendu les lois; Mon front n'est pas toujours l'épouvante des rois. |