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le saint missionnaire, et pour ne pas courir plus long-temps les risques de voir échapper sa proie, il ordonna de le tuer sur le champ à coups de mousquets mais Teriadeven, comme déjà les soldats étaient prêts à faire leur décharge, se jeta parmi eux en se récriant contre un procédé si manifestement tyrannique, et protesta qu'il mourrait plutôt luimême, que de survivre à son saint maître. L'usurpateur aperçut quelque émotion parmi les troupes, et craignit une révolte ouverte. Il lui fallut encore dévorer cet affront, et révoquer en apparence l'ordre qu'il avait donné mais ce jour-là même il fit partir secrétement le père sous une garde sûre, avec ordre de le mener à deux journées de là sur les confins du royaume de Tanjaour, et de l'y faire mourir sans délai. Le frère du tyran, encore plus inhumain que lui, commandait sur cette frontière et montra qu'il était digne de cette commission. Le confesseur, avant son martyre, eut à souffrir mille indignités plus insupportables que la mort.

Enfin le 4 Février de l'année 1693, la quarantecinquième de son âge, il fut traîné dans une plaine découverte, et attaché à un poteau sur une petite éminence qui tenait lieu d'échafaud. Les bourreaux, avec une précipitation brutale, lui déchirèrent sa robe; mais ayant aperçu un reliquaire qu'il avait au cou, ils reculèrent d'effroi dans la prévention que c'était la boîte où il portait les charmes qui fascinaient ses disciples; ce qui ne fit qu'ajouter à son supplice. L'un d'entre eux porta un coup de sabre pour couper le cordon du reliquaire, et fit une large plaie au confesseur; après quoi tous en désordre et toujours tremblans, lui déchargent coup sur coup sur les épaules, sans pouvoir lui abattre la tête. Confus et désespérés, ils lui attachent une corde à la barbe, et la tirant par le bas, lui tiennent la tête penchée sur la poitrine, tandis que l'un d'eux, pour la lui couper, court chercher une grosse hache qui servait à terrasser les boeufs immolés aux idoles. Cependant les spectateurs, même infidèles, témoignaient hautement leur indignation contre les exéTome XII.

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cuteurs; et deux chrétiens fendant la presse, allèrent se jeter aux pieds du martyr, protestant qu'ils voulaient mourir avec leur pere. Quelque irrités que fussent les bourreaux, ils n'osèrent les faire mourir, et se contentèrent de les garrotter. On revint avec la hache sur le père, on lui en déchargea un coup terrible, et il tomba, la tête presque entièrement séparée des épaules. Ils achevèrent précipitamment de la détacher, puis lui coupèrent encore les pieds et les mains. Les deux chrétiens arrêtés furent conduits ensuite au commandant impie, qui regardant le martyre comme une faveur trop grande pour eux, leur fit couper le nez et les oreilles, et les renvoya inconsolables de n'avoir signé leur foi que d'une partie de leur sang. Tels étaient, à la honte des nations anciennement chrétiennes les plus civilisées, les fruits que la foi naissante produisait au sein des persécutions, parmi les peuples énervés et si mal policés de l'Inde.

On a vu le royaume très-chrétien à deux doigts du schisme, pour de légers différens, pour la supériorité d'un couvent de filles, pour quelque extension de la régale, pour les franchises du quartier d'un ambassadeur à Rome; tellement que la rupture entre ce royaume et le centre de l'unité catholique se fût vraisemblablement consommée, si le monarque n'eût été mieux fondé dans la foi que plusieurs de ceux même qui lui en devaient l'exemple. Mais Louis, plus grand par ses victoires sur luimême, que par tous ses triomphes sur les ennemis du dehors, avait dissimulé jusqu'aux dédains injurieux d'Innocent XI, après des avances que le motif seul pouvait ennoblir. Moins intraitable qu'Innocent, Alexandre VIII témoigna voir avec plaisir le monarque se relâcher sur l'article des franchises, et se défendit cependant d'accorder les bulles pour les évêchés vacans, sur ce que l'injure qu'il prétendait faite au seint siége par l'assemblée de 1682, n'était pas réparée. C'était encore là, sous le pieux Innocent XII, la pierre de scandale. On sentit enfin combien il importait de la lever, et voici comment on y

procéda. Les sujets nommés aux évêchés vacans depuis le commencement du démêlé, écrivirent à ce dernier pape, pour lui témoigner leur repentir de ce qui c'était passé; et ce vertueux pontife, sans approfondir davantage, leur envoya les bulles.

On a parlé du dénouement de cette affaire avec autant de diversité qu'il y en avait dans les intérêts ou les préjugés de ceux qui en ont fait mention. Le ministre Jurieu fait confesser à nos prélats, qu'ils avaient prononcé des décisions contre l'église, contra ecclesiam (1): expression capitale, pour ainsi parler, mais qui ne se trouve point dans la lettre des prélats. On ne la voit que dans le fragment altéré qu'en cite le ministre huguenot. C'est qu'il voulait avoir occasion de leur reprocher, comme il le fait, de confondre le pape avec l'église. Il suppose aussi que tous les prélats qui avaient été de l'assemblée, écrivirent au pape; et il n'y eut que ceux qui n'avaient pas leurs bulles, encore le firent-ils séparément. Enfin ce ministre est si mal instruit, ou si égaré par sa passion, qu'il place l'accommodement sous le pontificat d'Alexandre VIII. Le docteur du Pin, d'avis bien différent, assure qu'il n'y a pas même l'ombre de rétractation dans la lettre des prélats (2): il traduit cette lettre latine d'une manière très-propre en effet à le persuader, puisqu'il en rend l'énoncé purement conditionnel, c'est-à-dire, que les prélats, selon sa traduction, n'ont déclaré tenir pour nul et non avenu le décret de 1682, que supposé qu'il pût justement être interprété, comme fait au préjudice de l'autorité légitime du saint siége.

C'est aux lecteurs sans doute que le droit de juger appartient dans ces rencontres. Voici donc cette traduction de mot à mot: Qu'ils prononcent prosternés aux pieds de votre béatitude, nous professons et nous déclarons que nous sommes extrêmement fàchés, et au delà de tout ce qu'on peut dire, de ce qui s'est fait dans l'assemblée susdite, qui a souve

(1) Traité hist. sur la Théol. myst. part. iv. (2) Hist. ecclés du xvIIe siècle, t. 11, p. 724.

rainement déplu à votre sainteté et à ses prédé cesseurs. Ainsi tout ce qui a pu être censé ordonné dans cette assemblée, concernant la puissance ecclésiastique et l'autorité pontificale, nous le tenons et déclarons qu'on doit le tenir pour non ordonné : Quidquid in iisdem comitiis circa ecclesiasticam potestatem et pontificiam autoritatem decretum censeri potuit, pro non decreto habemus et habendum esse declaramus. C'est dans les points de l'importance, ou de la nature de celui-ci, que la loi de l'histoire oblige sur-tout à une exactitude scrupuleuse, et ne permet pas plus la dissimulation que l'indiscrétion.

Il est néanmoins incontestable que l'église de France n'a point prétendu par là renoncer à ce qu'elle avait arrêté dans l'assemblée de 1682. Louis XIV luimême n'a voulu que donner au pape, pour le bien de la paix, une satisfaction propre à tarir insensiblement la source des aigreurs passées. Le clergé en corps n'a fait aucune rétractation, même apparente ; il n'a e; pas fait la moindre démarche. Les parlemens ont toujours agi sur le principe, que les quatre articles étaient essentiels à la discipline gallicane, et qu'on ne pouvait pas s'en écarter. Enfin depuis ce temps-là, depuis l'année 1693 où se fit la réconciliation, les quatre articles ont été soutenus ouvertement, du vivant même de Louis XIV, dans les thèses, dans les livres, et appuyés dans tous les tribunaux.

Louis institua dans la même année l'ordre militaire de saint Louis, qui, selon les vues également heureuses et grandes de ce monarque, a ravi sans violence au huguenotisme une infinité de gentilshommes français; et au prix d'une médaille, ou d'un ruban rouge, on a rempli nos légions de héros. L'année précédente, on avait institué, ou plutôt adopté à Paris, sous le titre du Bon Pasteur, l'institut des filles pénitentes, déjà établi en Lorraine sous le nom de Refuge. On sentit bientôt qu'un seul asile des mœurs en péril n'était pas suffisant pour une ville telle que Paris, et l'on y en fonda quatre autres, appelés Sainte-Pélagie, la Madelaine, vulgairement les Ma

delonètes, Sainte-Valère et le Sauveur. C'est de Paris principalement que cette institution s'est répandue dans les autres villes du royaume, où la nécessité ne s'en faisait que trop généralement sentir.

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Le 28 Janvier 1694, le pape Innocent XII donna pour la Flandre un décret accompagné de deux brefs; sur quoi les censeurs éternels de la chaire apostolique tinrent deux langages bien différens, l'un d'apprêt pour le public, l'autre dans leurs cercles dévots et leurs correspondances affidées. Les évêques des Pays-Bas voyant qu'entre les derniers novateurs, les plus affichés rigoristes ne faisaient pas scrupule de signer le formulaire, tout en soutenant la doctrine condamnée dans le livre de Jansenius avaient ajouté à ce formulaire quelques mots d'explication qui leur semblaient nécessaires pour couper court à tous les subterfuges. Les agens que le parti avait à Rome se plaignirent apparemment qu'on ajoutait en Flandres aux décisions apostoliques puisque les brefs que le pape adressa aux évêques et aux docteurs de ces provinces, ne tendaient qu'à retenir leur zèle dans les justes bornes. Le bref adressé aux docteurs porte, entr'autres choses qui tendent aux mêmes fins, que pour confesser la grâce de Jesus-Christ, il suffit de tenir ce qui est enseigné par les décrets du saint siége. Dans le bref aux prélats, le saint père marquait d'abord, qu'inviolablement attaché aux constitutions d'Innocent X et d'Alexandre VII, il voulait qu'elles demeurassent dans toute leur force; puis venant au formulaire, il disait que comme ceux qui prêtent le serment sur cette confession, sont obligés de la faire sincèrement, sans aucune distinction, restriction ni explication, condamnant les propositions extraites de Jansenius, dans le sens qui se présente d'abord à l'esprit, eu égard aux termes dont elles sont composées; aussi ne faut-il rien exiger au delà du formulaire qui est proposé, et des paroles qui sont prescrites par la constitution apostolique. Le décret qui accompagnait ces deux brefs, se réduit en substance à une défense très-expresse de donner au formulaire aucun

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