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autant pétri qu'aucun autre humain ! Le voyant se fourvoya néanmoins: le pontife, informé des procédés scandaleux du clergé hollandais, écrivit aux catholiques des Provinces-Unies et des pays voisins, pour les tenir en garde contre les guides qui les égaraient. Ce sont des brouillons, leur disait-il, ce sont des aveugles; et fasse le ciel que leur malignité ne soit pas le principe de leur aveuglement ! Ce sont des pasteurs intrus, dont le dessein n'est pas de garder le troupeau, mais de le diviser et de l'égorger. Ils affectent la réforme et le rigorisme; ils sont bien aises de passer pour les docteurs de la morale sévère mais tout homme sage pénétrera sans peine leurs vrais sentimens et leur malheureux dessein. Le pontife ajouta qu'il renvoyait l'archevêque de Sébaste en Hollande, mais sans espérance de le rétablir jamais dans l'exercice du vicariat apostolique. Ce bref mit les partisans de l'archevêque dans une véritable fureur; et l'on peut imaginer, sans que nous en souillions le papier, quelle fut l'énergie de leur style outrageux. ils déférèrent le bref aux Etats-Généraux, comme un libelle séditieux, comme une pièce infame, et ils en sollicitèrent vivement la suppression.

Dans ces entre faites, le vicaire interdit arriva de Rome; et il eut à peine le pied en Hollande, qu'on y eut nouvelle que sa suspense avait été convertie en déposition absolue par un décret du 3 d'Avril 1704, qu'on n'avait rendu public à Rome qu'un mois après son départ. Ce fut un nouveau déluge de fiel et d'injures, de libelles audacieux et manifestement schismatiques, où l'on décidait effrontément que le vicaire, nonobstant sa déposition prononcée par Clément XI, jouissait de la pleine autorité attachée au vicariat qu'il tenait d'Innocent XII; et pour apprendre à tout le monde chrétien, qu'en dépit du siége apostolique, on le tenait pour vicaire du siége apostolique, on fit frapper une médaille, avec cette légende Non sumit aut ponit honores, arbitrio popularis auræ: il ne prend ni ne quitte les honneurs au gré du caprice de la populace. On ne se contenta point, pour honorer M. Codde, des monumens ré

servés aux grands hommes ; on lui décerna les honneurs des saints, et on le canonisa tout vivant. C'est ce que marque une estampe où l'on voit saint Pierre l'introduire dans le ciel. L'image était ornée de quelques vers belgiques ou gothiques, et des plus énergiques assurément, si la grossièreté peut s'appeler énergie. L'ignorante Rome, disait le Virgile batave, croit que les jansénistes suivent la voix large, parce qu'ils mettent avec joie la sainte écriture entre les mains des laïques : mais les jansénistes sont sincères, et le pape est un hypocrite superbe. L'archevêque de Sébaste vécut encore huit ans depuis les scandales, et mourut sans les avoir réparés. On ignore comment saint Pierre l'accueillit à la porte du ciel; mais on sait que Clément son successeur défendit de prier pour lui, comme étant mort dans un attachement opiniâtre et notoire pour le schisme.

Le père Quesnel avait eu la plus grande influence dans la séduction des Hollandais catholiques, ainsi que dans l'obstination des jansénistes du reste des Pays-Bas, où il errait depuis long-temps. Il s'était retiré d'abord à Bruxelles, où il demeura caché quelques années avec le docteur Arnaud. Tous deux ensuite, sur un décret d'expulsion donné par le gouvernement, se réfugièrent en Hollande, où ils ne furent pas long-temps, M. de Sébaste ayant craint que s'ils venaient à être découverts, cela ne fit tort à la mission. On jugeait d'ailleurs que leur présence n'y était pas nécessaire pour l'avantage de la cabale anti-romaine, qu'ils serviraient peut-être encore mieux s'ils n'en étaient pas si proche. Les circonstances les obligèrent à chercher un premier asile dans un château du pays de Liége, d'où ils retournèrent secrétement à Bruxelles. La solitude où ils y vécurent, occupés presque uniquement de leurs compositions clandestines, les fit jouer d'une assez grande tranquillité jusqu'à la mort du docteur, que T'Oratorien remplaça sur le champ en qualité de patriarche du jansénisme. Ainsi le parti ne s'aperçut presque point que son grand Arnaud fùt mort.

Son successeur ne fut pas plutôt investi de sa

charge, qu'il remplit toutes les espérances qui la lui faisaient destiner depuis long-temps. Il entretint et forma des correspondances, non-seulement avec les catholiques équivoques des Provinces-Unies et de tous les Pays-Bas, Inais avec ceux des états divers de l'Europe, dans les cours et les capitales, dans les villes et les bourgades, dans les châteaux, les universités, les chapitres et les monastères, sans négliger ceux des filles. Il s'assura les anciens amis, il en acquit de nouveaux ; il s'efforça d'attacher à sa personne ceux qu'il n'espérait pas de gagner au parti, et s'il ne pouvait pas s'en faire des partisans déclarés, il tâchait au moins de les rendre neutres. Ce fut à cette fin qu'il révisa officieusement l'histoire des congrégations de Auxiliis par le père Serry, et qu'il prêta sa plume à quelques zélateurs des missions étrangères, pour décrier les églises de Chine gouvernées par les confrères de ses antagonistes d'Europe. Des intérêts réciproques tinrent long-temps ce manege couvert d'ombres impénétrables; et si le père Quesnel n'eût pas été enfin entêté avec ses papiers, on eût à jamais ignoré à combien de sortes de personnes s'étendaient ses bons offices.

Alais les libelles qui de jour en jour se répandaient avec plus d'abondance dans les Pays-Bas, engagèrent le métropolitain de ces provinces à prendre les mesures les mieux concertées pour arrêter ce désordre. Après avoir déféré sans effet à Rome le père Quesnel et le père Gerberon son plus digne émule, il eut recours à la puissance politique contre des schismatiques déterminés qui faisaient gloire de braver toute la hiérarchie, et que la force extérieure pouvait seule réduire. Sa majesté catholique expédia ses ordres au marquis de Bedmar, qui conmandait dans les Pays-Bas, à l'effet d'appréhender au corps ces perturbateurs. Ils reçurent des avis réitérés du danger qu'ils couraient; mais ils ne prirent conseil que de leur enthousiasme, et continuant à se croire en sûreté à Bruxelles, ils ne tardèrent point à être pris. Les officiers du roi, accompagnés de ceux de l'archevêque, prirent d'abord le père Gerberon dans son domicile ordinaire.

Ils allèrent incontinent au lieu nommé le refuge de Forêt, où le père Quesnel avait un appartement presque ignoré mais les gens de l'archevêque avaient le fil du labyrinthe; ils vont droit au gîte, ils frappent à la porte, et Brigode ouvre. C'était un frère servant, plus têtu que rusé. On lui demanda où était le maître. Il sentit alors sa bévue, et fit tant de bruit en répondant, que le maître entendit l'éveil, et eut le moment de s'évader: mais bientôt il éprouva de cruelles inquiétudes; il fit réflexion qu'il abandonnait quantité de papiers qu'il lui importait sur toutes choses de sauver. Il se rapprocha pour voir s'il n'y aurait pas moyen de le faire, vit qu'on emmenait Brigode en prison, crut tous les gardes retirés, et rentra chez lui. Malheureusement quelques gens de l'archevêque étaient demeurés. Il alla se cacher derrière un tonneau que couvrait un paravent. On l'entendit sans doute, et on l'eut bientôt trouvé. Comme on avait peine à le reconnaître sous l'habit séculier qu'il portait, on lui demanda s'il n'était point le père Quesnel. Il répondit avec simplicité qu'il s'appelait de Rebek. De Fresne, de Rebek, le père prieur, c'étaient là pour lui autant de noms de guerre et de pieux expédiens pour éviter les restrictions mentales et l'abominable équivoque. On ne laissa pas de saisir de Rebek, et on le conduisit à l'archevêché, où on le logea dans un chambre que l'on croyait fort sûre.

Mais dès qu'il se vit seul, il détacha un petit plomb des vitres, et il crayonna le billet suivant: Ne soyez point en peine pour moi, je suis logé en bel air sur la cour des écuries. Une fenêtre regarde sur le jardin d'une auberge qui est entre l'archevêché et les Dominicains. Voilà tout ce que je puis vous dire, n'ayant ni plume, ni papier. Tout à vous. L'adresse était à M. Ernets, chanoine de Sainte-Gudule. Ce billet ne fut pas rendu, puisqu'on le trouva dans un coin des draps du prisonnier: mais l'industrie du reclus ne laisse pas douter qu'il n'en ait fait tenir quelque autre de même fabrique, quoiqu'il ait protesté, en plusieurs rencontres, qu'il avait été délivré par une

espèce de miracle, sans avoir eu la moindre part au complot formé pour cela. Un gentilhomme français réduit à la misère, et plein d'espoir en la boîte qui vaut la pierre philosophale, fut l'ange qui délivra ce nouveau Céphas. La nuit du 11 au 12 Septembre, il commença, lui deuxième, à percer un mur de l'archevêché; et tous deux poussèrent le travail avec tant d'activité, que la nuit suivante, à une heure l'oiseau n'était plus en cage. Mais la joie ne fut qu'imparfaite; ses papiers qu'on ne lui avait pas laissés en garde, ses lettres, ses libelles, ses minutes de toute espèce, demeurèrent en ôtage.

Le premier fruit de sa liberté fut un nouveau libelle intitulé, Motifde droit, qui fut brûlé à Bruxelles par la main du bourreau, avec deux lettres que n'eût certainement pas écrites Pierre tiré des mains d'Hérode. Quand on eut examiné son porte-feuille, M. de Malines le fit sommer de venir répondre en personne aux accusations intentées contre lui. La chambre qu'il avait occupée en si bel air, sur la cour des écuries, était peu de son goût, et la seule idée qu'il en conservait enflammait sa bile: il ne répondit aux citations réitérées que par des torrens d'injures. On ne laissa d'instruire son procès sur les preuves fournissaient par milliers ses propres écrits. Il fut jugé par contumace; et par sentence du 10 Novembre 1703, on le déclara excommunié, avec ordre de se retirer dans un monastère pour y faire pénitence jusqu'à la pleine satisfaction du saint siége, de qui seul il pourrait obtenir l'absolution; défense encore de rentrer dans le diocèce de Malines, et d'y rien faire imprimer, sous peine de prison perpétuelle.

que

pas

Son ressentiment fut tel qu'on pouvait l'attendre de la violence de son caractère. Il se déchaîna surtout contre la procédure, qu'on ne manqua point de rendre publique, et qu'il appela horrible, énorme, monstrueuse, entassant tous les grands mots et les injures vagues à quoi l'on a recours au défaut de la raison et des récriminations fondées (1). Dans

(1) Idée du libelle intitulé, Procès du P. Quesnel.

toute's

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