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BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE

PUBLIÉ TOUS LES MOIS PAR

LE BARON HULOT

Secrétaire général de la Société de Géographie

ET

M. CHARLES RABOT

Membre de la commission centrale de la Société de Géographie,
Secrétaire de la Rédaction.

TOME XIV ·

2. SEMESTRE 1906

PARIS
MASSON ET C, ÉDITEURS

120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN

1906

La Géographie

L'ancien cañon de la Blache

et les vallées mortes du Gapençais

Au mois de juin 1905, les travaux pour le prolongement de la rue de la Blache à Gap, mirent à jour, dans une tranchée au delà du nouveau pont, un ancien lit de rivière à peu près parallèle au cours de la Luye actuelle. Ce lit, complètement creusé dans la roche en place, était remblayé par des matériaux anguleux étrangers à la région.

Il était surprenant de rencontrer, dans l'étroit défilé de Gap, un ancien lit de rivière à 61 mètres de la Luye, et, il nous parut intéressant de savoir quelle pouvait en être la profondeur et l'origine.

Grâce au généreux concours de la Société d'Études des Hautes-Alpes, et de MM. Wilhelm, président et G. de Manteyer, vice-président de cette société, la fouille désirée put être effectuée du 4 au 12 juillet 1905.

Constitution géologique et topographie de la région.

Les épanchements de mélaphyre de la région de Remollon semblent avoir redressé et refoulé au nord-ouest toute la série jurassique du Gapençais. Sous cette poussée les calcaires du Lias et du Bajocien émettent vers Gap un dôme demi-circulaire dont le diamètre de 14 kilomètres est orienté suivant la direction de l'Avance'.

La vallée de Gap a été creusée dans la bande de 4 kilomètres de largeur que forme la demi-couronne des schistes oxfordiens comprise entre les massifs rigides du Jurassique supérieur de la périphérie (montagne de Charance) et les calcaires bajociens et liasiques de la partie centrale du dôme.

Les puissantes érosions qui ont creusé des vallées dans ces massifs et profondément et largement excavé la vallée de la Luye, ont cependant épargné quelques buttes formées par les schistes du Jurassique moyen. La ville de Gap (alt. 735 m.) est bâtie entre une de ces buttes (Puymaure, alt. 903 m.) et

1. En réalité, la limite des calcaires bajociens et des schistes jurassiques décrit une S passant par la Bâtie, Gap, les Piles et Sigoyer; aussi Gap semble être situé dans un bassin fermé à l'ava!.

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la colline de calcaires bajociens de Saint-Mens (alt. 975 m.) qui ne laissent entre elles d'une crête à l'autre, qu'un espace de 1600 mètres dont le tiers à peine est occupé par la ville.

En face de Gap, se détache de Saint-Mens la falaise de Capadoce que sapent, à 30 mètres de profondeur, les eaux de la Luye. Cette falaise s'abaisse à l'amont en une croupe qui domine la rivière de 12 à 15 mètres et c'est sur le flanc de cette basse croupe qu'est creusé l'ancien cañon de la Blache.

Une tranchée effectuée, en même temps que la route, sur le talus de la basse croupe, pour établir un chemin desservant une propriété particulière, montre que cet ancien cañon débouchait sur la Luye sous la falaise de Capadoce. Profil en travers du cañon. La fouille pratiquée au travers du cañon jusqu'au fond rocheux fut ensuite poursuivie sur les parties latérales, afin de pouvoir examiner la forme des parois.

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Le cañon avait, à sa partie supérieure, sur la surface du sol, une largeur de 11 mètres; cette largeur se réduisait à 6 mètres sur le tablier de la route, c'est-à-dire, à la profondeur de 1 m. 75. Sur cette hauteur, le talus de la rive gauche du cañon était presque à pic. Ce talus s'adoucissait ensuite à 30°, mais il présentait, à partir du tablier de la route, de petits replats ou des ressauts; puis se raccordait avec un chenal qui donnait, comme plus grande profondeur du cañon, 3 m. 85. Le talus de la rive droite, d'abord de 45° jusqu'au niveau de la route, devenait brusquement vertical, puis en surplomb jusqu'à la profondeur de 3 m. 50. Là se trouvait un deuxième chenal séparé du précédent par une arête rocheuse à surface moutonnée et polie, en saillie de 0 m.70 avec 0 m. 80 de largeur.

Les fouilles pratiquées le long des parois les ont montrées bosselées, sillonnées de rigoles irrégulières, avec niches. En somme, ce cañon avait tout l'aspect des lits de rivière établis dans la roche en place.

Nature de la roche encaissante. Le cañon est creusé dans des assises marneuses inclinées au nord comme toutes les formations de la région et traversées par de nombreuses veines de calcite. Ces marnes servent de passage entre les calcaires marneux de l'Oolithe et les dépôts vaseux du Jurassique moyen qui forment la vallée de Gap; mais elles appartiennent encore au Bajocien supérieur, d'après l'avis de notre savant confrère M. Haug1 qui a reconnu dans les fossiles de la tranchée de la route Philoceras viator D. Ces marnes sont très altérées et diffèrent peu de la couche d'argile de quelques centimètres qui constitue le sol de la prairie.

Matériaux remblayant le cañon. -1° Les deux talus du cañon sont recouverts d'une traînée de menus éclats de diorite. Ces matériaux détritiques.

1. Nous saisissons cette circonstance pour exprimer notre gratitude envers l'éminent professeur de la Sorbonne à qui nous devons, en outre de ces déterminations, une bonne partie de nos connaissances sur les anciennes formations géologiques de la région.

s'étendent jusqu'à un mètre de distance des talus et rappellent tout à fait par leur forme, leur nature, leur disposition, les talus d'éboulis de la base des escarpements du Pelvoux.

2° L'intervalle entre ces deux traînées d'éboulis, c'est-à-dire la partie médiane du cañon, est occupé par des couches successives d'une argile gris jaunâtre ressemblant à celle de la surface. Dans cette argile sont noyés des éléments anguleux et de petits blocs de la même roche disposés souvent dans une position instable.

3o Le fond du cañon est comblé par une accumulation de blocs anguleux de 0 m. 80 à 1 m. 25 d'axe. Ces blocs sont entassés confusément et buttent les uns contre les autres ou contre les parois rocheuses. En majorité ces blocs sont des gneiss dioritiques avec quelques protogines et quelques calcaires du Briançonnais.

4° L'intervalle des blocs est occupé par une argile de même nature que celle du haut, mais très serrée, avec des grains de sable et de menus graviers très clairsemés.

5° Nous avons également recueilli, mais uniquement dans l'argile comblant les vides. entre les blocs, quarante galets roulés : un en grès du Flysch, trois en quartzite, tous les autres en calcaire du Briançonnais. Tous les galets calcaires portaient des stries; une vingtaine étaient superbement striés.

Il est en outre à remarquer que le fond du cañon était complètement débarrassé de tout dépôt de rivière et qu'il ne contenait aucun élément local, ni aucun éclat anguleux du Flysch.

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FIG. 1. CAÑON DE LA BLACHE.COUPE EN TRAVERS DRESSÉE PAR M. DAVID MARTIN. CF, largeur du cañon; AD, tablier de la route; R, remblai; B, B, B, Bajocien; t, terre végétale; TV, talweg de la Luye. (Echelle 0 m. 006 par mètre.)

parois, une certaine épaisseur d'argile, afin de les protéger. La fouille finie, on s'occupa à enlever cette couche d'argile et à laver la surface de la roche en s'aidant de brosses en poil de blaireau. Ce lavage mit à jour une multitude

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