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complexe, - comme dépendant beaucoup plus de l'intelligence et de la volonté humaines, sont encore, et pour une part, en connexion avec le milieu terrestre; tels sont les conditions de la production, la division du travail, la distribution du sol, les modalités de l'échange, etc. M. Jean Brunhes a lui-même montré que dans les oasis du Souf, par exemple, l'eau et la terre appartiennent à tous, ou si l'on veut n'appartiennent à personne; les conditions géographiques sont assez extraordinaires pour que l'arbre soit à lui seul la cause initiale, la limite et la fin de toute appropriation individuelle '.

Enfin, l'étude des groupements humains et des relations entre ces groupements constitue un quatrième étage. Il est évident que dans ces faits politiques, le facteur humain reste prédominant; toutefois, certaines conditions géographiques fondamentales, situation topographique, altitude, orientation, proximité de la mer, etc., jouent un rôle tel dans les destinées des cités, des provinces ou des états, que l'histoire de ces groupements ne saurait se dispenser de faire appel à des considérations géographiques. Et là encore, plus le groupement sera primitif, rudimentaire, plus le milieu terrestre exercera d'influence. C'est pourquoi M. Jean Brunhes recommande tout particulièrement de débuter dans ce genre d'études par l'observation de quatre types de « petits mondes » géographiques, sortes d'ilots d'humanité les îles de la mer; les oasis ou îles du désert, enfin les groupes isolés de la grande forêt boréale ou équatoriale et des hautes vallées alpestres 2.

Laissant de côté maintenant les deux étages supérieurs, consacrés aux phénomènes sociaux et politiques, et s'en tenant aux deux étages inférieurs où sont groupés les faits proprement économiques, dépendant dans une plus large mesure du milieu géographique, M. Jean Brunhes essaye une classification de ces derniers en y mêlant le moins possible l'élément subjectif humain et faisant intervenir seulement le point de vue morphologique que nous révélerait la photographie.

Ainsi nous apparaîtraient d'abord les grandes taches d'humanité vivante, avec leur double caractère de mobilité et d'inégalité dans la distribution. Cette mobilité rendrait insaisissable ce premier phénomène de revêtement, si l'homme ne prenait lui-même le soin de fixer sa place par d'autres faits qui sont particulièrement représentatifs de sa présence et que M. Brunhes répartit en trois catégories. Voici d'abord les faits d'occupation stérile du sol », comprenant, d'une part, la maison, c'est-àdire l'abri humain, depuis la hutte du primitif et la tente du nomade, jusqu'au sky scraper, le gratte-ciel à 25 étages des cités américaines; d'autre part, la route, depuis le sentier à travers la brousse jusqu'au grand boulevard urbain, depuis le chemin de caravane jusqu'à la voie ferrée. Ce sont ensuite les faits « de conquête végétale et animale », représentés soit par le champ ou le jardin, soit par la bête attelée ou le troupeau, tous ces faits étant exprimés avec l'infinie variété qui les caractérise. Enfin, deux autres catégories de phénomènes, par lesquels l'homme exploite les richesses naturelles, à titre définitif, sans chercher à les remplacer ou

1. Jean Brunhes, Les Oasis du Souf et du Mzab comme types d'établissements humains, in La Géographie, V, 1 et 3, 15 janvier et 15 mars 1902.

2. Voir à ce point de vue, une étude toute récente publiée par Jean Brunhes et Paul Girardin dans les Annales de géographie: Les groupes d'habitations du val d'Anniviers comme types d'établissements humains (XV, juillet 1906, p. 329-352, 2 fig. dans le texte et 4 planches de photographies).

même sans qu'il soit possible de le faire, représentent ce que l'on pourrait appeler <«<l'économie destructive », et que les Allemands désignent sous le nom très expressif de Raubwirtschaft. Le premier groupe comprend tous les faits de cueillette, de pêche et de chasse, aboutissant souvent à l'exploitation abusive, ici, des lianes à caoutchouc, là, de l'éléphant ou du héron aigrette. Le second groupe s'étend, de la carrière à ciel ouvert aux mines profondes, à tous les faits d'industrie extractive dans lesquels le produit retiré n'est plus renouvelable et où l'abus peut aussi facilement se glisser.

Tous ces faits de géographie humaine confinent immédiatement à d'autres faits : l'homme se recouvre de vêtements; la maison ne va pas sans ameublements et ustensiles, en dehors de l'abri, elle sert encore à l'exploitation agricole (dépendances de la ferme), à la transformation industrielle des matières premières (usine, fabrique) et à l'échange (marché); la route comporte des moyens de transport des plus primitifs aux plus perfectionnés; la culture du champ, l'attelage de la bête, l'exploitation de la mine, la pêche et la chasse réclament des outils et des instruments. Vêtements, ameublements, moyens de transport, outils et instruments, dépendent sans doute, dans une certaine mesure, du cadre géographique, par la matière dont ils sont fabriqués et aussi par leur adaptation à la fonction qu'ils doivent remplir, mais ils sont davantage encore l'œuvre de l'invention, facteur psychologique qui a d'autant plus d'influence que les sociétés sont plus développées, plus instruites. Plus nous nous élevons dans l'échelle de la civilisation, plus le vêtement et l'outil perdent de leur caractère géographique. C'est que nous sommes dans le domaine de l'ethnographie. De même que la géographie n'est plus ici qu'une science auxiliaire, de même, les faits ethnographiques ne sont pour le géographe que des faits accessoires. Si l'épithète humain, dirions-nous volontiers, prime le substantif géographie, nous sommes en présence de faits ethnographiques; si, au contraire, c'est le substantif qui est prépondérant, il s'agira de faits géographiques. Mais un fait de géographie humaine est toujours entraîné par un fait psychologique. C'est ainsi que l'exploi tation de la houille a suivi la découverte du pouvoir moteur de la vapeur.

En terminant, M. Jean Brunhes montre tout ce qu'il y a d'artificiel et d'opposé à la complexité réelle des phénomènes dans le principe des divisions suivantes : action de la nature sur l'homme, donnant naissance à la géographie humaine passive ou statique; réaction de l'homme sur la nature, exprimée dans la géographie humaine active ou dynamique. En réalité, l'action de l'homme ne saurait se concevoir indépendamment d'une réaction simultanée du milieu physique; les deux actes coexistent à tel point que toute création humaine est rapidement oblitérée, déformée, dès que cesse l'effort qui lui a donné naissance. Il n'y a qu'en géographie physique où l'on puisse constater le dynamisme rigoureux des agents naturels. Mais « là où la vie est possible, là où elle se développe, dans toute l'ækoumène, pour nous servir de la vieille expression grecque reprise avec bonheur par Ratzel, dans toute l'akoumène qui est par définition le champ précis de I'« anthropogéographie », -- les moindres faits permanents de géographie humaine. impliquent non seulement une double causalité et physique et humaine, mais une répétition et une succession indéfiniment renouvelées d'efforts humains en un

même point de l'espace physique, un recommencement incessant de cette collaboration à termes variables entre la nature et l'homme ».

PIERRE CLERGET.

GÉOGRAPHIE HISTORIQUE

Un atlas historique de la colonisation 1. Il n'existait point encore d'atlas historique de la colonisation. Grâce au professeur Supan, le savant directeur des Petermann's Mitteilungen, cette lacune vient d'être comblée. Dans une série de douze planisphères placés à la fin de son ouvrage, l'auteur a représenté simultanément l'évolution territoriale de toutes les colonies européennes, depuis les origines du monde moderne jusqu'à nos jours. Les onze premières cartes montrent les étapes diverses de cette évolution; elles figurent l'état de la colonisation du monde aux dates suivantes : 1486, 1529, 1598, 1642, 1697, 1754, 1763, 1783, 1826, 1876 et 1900. Une douzième carte, la plus originale, résume toutes les précédentes par une combinaison ingénieuse de teintes et de hachures, elle représente les progrès faits dans l'occupation du globe pendant chacune des grandes périodes de l'histoire, sans distinction entre les diverses métropoles; la puissance des teintes correspond à l'ancienneté de l'occupation et le système de hachures exprime l'intensité actuelle. du peuplement européen.

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Le texte, auquel est joint cet atlas, n'est, au dire de M. Supan, qu'un commentaire des cartes. En réalité, c'est un exposé historique de la colonisation, ou plutôt, de la géographie politique de la colonisation. L'auteur n'a pas voulu faire œuvre de chercheur les faits qui forment la matière de son ouvrage ne sont pas nouveaux pour le lecteur bien informé. Par contre, ce qui est nouveau, c'est la manière dont ils sont présentés. L'ordre suivi est l'ordre chronologique. La géographie politique est « l'étude d'une évolution » (Entwicklungswissenschaft), et, à ce titre, il faut la traiter du point de vue historique. Aussi l'éminent professeur étudie-t-il la colonisation, non par pays colonisés ou par nations colonisatrices, mais par périodes.

Cinq périodes doivent être distinguées, chacune portant un nom caractéristique. La première (1492-1598) est dite hispano-portugaise. Acquérir des terres riches en métaux précieux et propager la foi catholique, tel est le double objet de la colonisation espagnole à cette époque. Peu nombreux dans leurs colonies, les immigrants espagnols se groupent seulement dans les villes; ils y forment comme des îlots de population européenne perdus au milieu des indigènes. C'est le mode <«< insulaire » de peuplement. La seconde période, ou période hollandaise (15981670), est celle de l'hégémonie maritime et commerciale des Pays-Bas. Elle est marquée par le développement de grandes compagnies de colonisation montées par actions, et par la première apparition en Amérique du Nord de véritables colonies de peuplement. La période franco-anglaise (1670-1783) est celle de la grandeur et de la décadence des colonies françaises et de la constitution de l'empire britannique à leurs dépens. Les pays colonisés par les Anglais, sont économiquement asservis à la métropole, mais politiquement libres. C'est alors que les

1. A. Supan. Die territoriale Entwicklung der Europaïschen Kolonien, Justus Perthes, Gotha, 1906,

colons qui peuplent la Nouvelle-Angleterre s'affranchissent et forment une nation nouvelle. La période qui suit, ou période anglo-américaine (1783-1876), voit s'accomplir les plus grands progrès dans la conquête du globe par l'Occident. L'Afrique, l'Australie et ses annexes, l'ouest de l'Amérique du Nord s'ouvrent à la colonisation; les vieilles colonies espagnoles et portugaises d'Amérique s'affranchissent; la civilisation européenne, qui ne s'était propagée jusque-là que dans l'Atlantique et l'océan Indien, conquiert les îles et les pays riverains du Pacifique. Dans la dernière période, ou période européenne-américaine (1876 à nos jours), les puissances coloniales, par un nombre considérable de traités de délimitation, se partagent la Polynésie et l'Afrique.

A la fin de son volume, M. Supan indique les principaux résultats géographiques du mouvement colonisateur. C'est d'abord le peuplement par des Européens, l'« européanisation » des Amériques et de l'Australie. Ensuite, les établissements d'outre-mer ont provoqué de grandes migrations de blancs, et, dans certaines régions, de nègres et de jaunes amenés ou attirés par les blancs. L'auteur montre dans les divers pays occupés, les proportions très variables dans lesquelles le peuplement européen s'y est fait, et calcule que 105 millions d'individus d'origine. européenne ont aujourd'hui une patrie hors d'Europe. La colonisation a donc considérablement accru la force vitale de la race blanche. Par contre, elle a eu souvent pour effet la décadence et parfois la disparition des peuples indigènes. Grâce au contact des pays d'outre-mer, certains produits exotiques, certains objets de fabrication orientale se sont répandus en Europe; les religions et la philosophie de l'Inde nous ont été révélées. En revanche, la civilisation occidentale s'est propagée sur toute la surface du globe; c'est là le résultat le plus considérable de la colonisation. L. PERRUCHOт.

GÉNÉRALITÉS

Récompenses conférées à l'équipage du Français. Dans les explorations polaires le salut des expéditions, comme l'importance des résultats scientifiques, dépend dans une large mesure de la discipline et du dévouement des équipages. Aussi bien, le Dr Jean Charcot a tenu à ce que tous les hommes de son équipage si dévoué reçussent des récompenses qui soient aux yeux de tous le témoignage de leur valeur et un souvenir de l'expédition. Sur sa proposition, M. le ministre de l'Instruction Publique a conféré les palmes académiques au patron Cholet, au chef mécanicien Goudier, au maître d'équipage Jabet et à Rallier du Baty, élève de la marine marchande engagé comme matelot.

De plus, par un arrêté en date du 15 août dernier, M. le ministre de la Marine a décerné à titre exceptionnel la médaille d'honneur des navires du commerce au patron, au premier mécanicien du Français et à tous les matelots du navire «en témoignage de la valeur professionnelle et de l'ordonnance dont ils ont fait preuve au cours de l'expédition antarctique du Français, dirigée par le D' Charcot ».

CH. R.

Le gérant P. BOUCHEZ.

Coulommiers. Imp. PAUL BRODARD.

La banquise et la côte nord-est du Grönland

au nord du 77° de Lat. N., en 1905

(AVEC DEUX PLANCHES HORS TEXTE 1)

Le duc d'Orléans, qui avait visité la côte occidentale du Spitsberg sur son yacht Maroussia, résolut d'entreprendre, pendant l'été 1905, une croisière à travers la banquise polaire qui s'étend du Spitsberg septentrional à la côte nord-est du Grönland.

Cette banquise se rencontre, comme on sait, à une distance variable de la côte septentrionale du Spitsberg, laissant le long de la terre un chenal navigable, plus ou moins long et plus ou moins large suivant les années et suivant les saisons. Certaines années, en juillet, ce chenal ne dépasse pas le méridien de l'Hinlopen-Strait, et parfois, pendant le reste de la saison, ne s'ouvre guère plus loin, tandis que d'autres années les Sept-Iles qui forment les terrest extrêmes de cet archipel vers le nord sont accessibles dès le début de l'été arctique. Au large de la pointe nord-ouest du Spitsberg la lisière méridionale de la banquise polaire se rencontre entre le 80° et le 81° de Lat. N., puis décrit un arc de cercle pour suivre ensuite vers le sud le 0o de Greenwich 2.

C'est autour de ce méridien qu'oscille dans l'ouest du Spitsberg, vers le 78° de Lat. N., la limite orientale de cette énorme masse de glace. Les années dites << ouvertes », cette limite recule dans l'ouest jusque vers le 5o de Long. O. de Gr., tandis que les années où les glaces sont abondantes, elle peut s'étendre, au contraire, jusqu'au 5° de Long. E. de Gr, Du 78° de Lat. N., environ la limite des glaces, l'iskant, suivant l'expression scandinave adoptée dans le vocabulaire polaire, s'infléchit vers le sud-sud-ouest, vers Jan Mayen, en formant, au nord de cette île, entre le 72° et le 74° de Lat. N., un grand golfe, la « baie du nord » des baleiniers, qui permet l'accès de la côte est du Grönland. D'une année à l'autre, autour de Jan Mayen la limite

1. Nous remercions MM. Plon et Cie d'avoir bien voulu nous autoriser à joindre à ce mémoire les cartes de la côte nord-est du Grönland établies par le commandant de Gerlache et qui accompagneront la relation du voyage que le duc d'Orléans publiera prochainement à leur librairie sous le titre Du Spitzberg au cap Philippe à travers la banquise (note de la Rédaction).

2. Comme méridien initial, nous avons adopté dans ce mémoire comme sur nos cartes, celui de Greenwich, le seul employé dans les régions polaires.

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