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des glaces varie considérablement. Les saisons ouvertes, dès le milieu de juillet, la lisière de la banquise se trouve refoulée dans l'ouest, tandis que les années où il y a abondance de glace, l'île n'est entièrement libre que dans les premiers jours d'août.

Au sud de Jan Mayen l'iskant prend la direction sud-sud-ouest en même temps que la banquise se rétrécit singulièrement pour ne mesurer sous le parallèle de l'Islande qu'une largeur de 100 à 150 milles dans le détroit de Danemark.

Toute cette énorme masse de glace amoncelée dans la partie ouest de l'océan entre Spitsberg et Grönland, est, comme on sait, animée, le long de la côte orientale de cette dernière terre, d'une dérive relativement rapide vers le sud, sous l'impulsion du courant polaire.

Attaquer cette banquise la plus redoutable de l'hémisphère nord avec un yacht en fer comme la Maroussia, il n'y fallait pas songer. Aussi bien, en vue de la campagne projetée, le duc d'Orléns se rendit-il acquéreur de la Belgica et me fit ensuite l'honneur de m'en confier le commandement.

La partie de l'océan Arctique comprise entre le Spitsberg et le Grönland au nord du 77° de Lat. N. est pour ainsi dire inconnue. Pour cette vaste région on ne possède que quelques sondages précis effectués par l'expédition Nathorst, en 1898, au large du Spitsberg et qui ont eu pour résultat de réduire singulièrement la profondeur de la « fosse suédoise » signalée en 1868 par A.-E. Nordenskiöld. Plus au nord, c'est l'inconnu complet. En second lieu, en dehors de l'existence du courant polaire le long de la côte est du Grönland, nous ne savons rien ou presque rien de la circulation océanique dans ces parages. Cette lacune est d'autant plus grave que la mer du Grönland est l'exutoire du bassin polaire.

Frappé de cette situation, le duc d'Orléans résolut de faire profiter la science de la campagne qu'il allait entreprendre, et de poursuivre l'exploration océanographique de cette partie de l'océan Glacial.

Pour donner à nos investigations la plus grande portée pratique, nous convinmes de les faire conformément au programme de la Commission internationale pour l'exploration de la mer, et, nous nous entendimes, à cet effet, avec les sections danoise et norvégienne de cette association, dont les champs d'activité confinent précisément à la région que nous nous proposions de par

courir.

En conséquence, la Belgica fut munie de tous les engins et appareils que comporte l'équipement d'une expédition océanographique moderne. Ces instruments provenaient, pour la plupart, du laboratoire central de Christiania et de la station zoologique de Bergen.

J'assumai, outre le commandement du navire, les sondages, les observations météorologiques et celles relatives aux glaces, tandis que les recherches

océanographiques proprement dites étaient confiées à M. Koefoed, naturaliste danois, attaché à la station de Bergen, qui possédait à fond la pratique et la technique des méthodes d'observation et des instruments employés par la Commission internationale. M. Koefoed avait été désigné au choix du prince par le D' Hjort, le savant directeur du service des pêcheries de Norvège et des croisières océanographiques organisées par ce pays, conformément au programme de la Commission internationale.

L'état-major scientifique du bord comportait, en outre, le D' Récamier, M. Mérite, peintre animalier et le lieutenant suédois Bergendahl que je chargeai du service des montres et qui me prêta son concours par des levers hydrographiques.

M. Koefoed n'aura achevé que dans quelques mois l'étude des observations et des collections recueillies au cours de cette campagne; aussi bien, mon dessein est-il de présenter simplement un tableau de l'état des glaces, singulièrement favorable sur la côte nord-est du Grönland, pendant l'été 1905, d'indiquer ensuite nos opérations bathymétriques et les résultats géographiques que cet état favorable des glaces nous a permis d'atteindre.

Le 3 juin la Belgica appareillait de Tromsö à destination du Spitsberg. Après avoir, pendant plusieurs semaines, visité les côtes ouest et nord de cet archipel, le 7 juillet, nous abandonnons cette terre pour entamer notre campagne à travers la banquise polaire du Grönland.

Partant de la côte nord du Spitsberg et faisant route au nord-ouest, nous ne tardons pas à rencontrer les glaces flottantes qui annoncent son approche, et, le 9, par 80° 20' de Lat. N. et 5° 40′ de Long. E., nous arrivons devant la banquise proprement dite.

Nous en suivons alors la lisière de près dans l'espoir d'y trouver une brèche qui nous permettrait de nous engager au travers et d'atteindre le Grönland à une latitude élevée, non pas dans le but d'établir un vain << record », mais afin de porter nos investigations dans une région inexplorée de l'océan Arctique.

Il est vrai que l'expérience des précédentes expéditions aussi bien que celle qu'acquéraient, dès le xvn siècle, les baleiniers hollandais, hambourgeois et anglais, que cette expérience, disons-nous, nous enseigne que ce n'est guère qu'entre les 72° et 74° de Lat. N. que la banquise du Grönland est quelque peu maniable. Mais, en matière de navigation polaire il n'y a pas de loi absolue, et, à l'encontre de nos devanciers, nous venions du Spitsberg, c'est-à-dire du nord; c'était là une circonstance dont il fallait tirer avantage pour vérifier si réellement il était impossible de traverser cette redoutable banquise à une latitude plus élevée.

efforcions-nous de faire également de la route vers l'ouest chaque fois que la configuration de l'iskant ou la brume, notre implacable ennemie, le permettaient. Nous avions ainsi l'iskant proprement dit par tribord et, par bâbord, c'est-à-dire du côté du large, non pas la mer libre, mais un belt plus ou moins compact de glaçons, de plaques et de champs de glace.

Dès le début de cette navigation, nous consacrâmes plusieurs heures chaque jour à de minutieuses « stations océanographiques >> aussi notre route est-elle désormais fixée sur la carte par la série fort complète de sondages dont elle est jalonnée.

Les sondages que nous effectuons les 15 et 16 juillet sont, entre autres, particulièrement intéressants. Le 15, à deux heures du soir, le sondeur accuse un brassiage de 2 700 mètres; à cinq heures du soir, 9 milles plus à l'ouest, la profondeur est de 2 100 mètres; enfin, le 16 à midi, 19 milles à l'ouest de ces stations, elle n'est plus que de 1 425 mètres. A cette latitude (la latitude moyenne des trois stations est 78° 13'), et par 5o de Long. O. de Gr., la cuvette sous-marine se relève donc assez brusquement; mais l'intérêt de ces sondages s'accroîtra encore lorsque nous les comparerons avec ceux effectués plus tard, suivant le même parallèle, mais à 90 milles dans l'ouest.

Le 24 juillet, à deux heures du matin, il semble, enfin, que nous puissions gouverner franchement vers la côte. Nous sommes par 76° 12' de Lat. N. et 5° 40' de Long. O. Le temps est « bouché », il bruine; cependant une grande raie noire barre, dans l'ouest, la grisaille du ciel, révélant l'existence dans cette direction, de grandes masses d'eau assez libre de glaces. En effet, les « clairières» succèdent aux « clairières », les champs de glace laissent entre eux des chenaux praticables et nous pouvons marcher bon train. A huit heures du soir nous avons déjà parcouru 50 milles vers l'ouest et la profondeur qui à quatre heures était de 2 600 mètres, n'est plus que de 1 275 mètres. Le lendemain, 22 juillet, nous reconnaissons l'accore du plateau continental.

Parmi les grands champs de glace tout couverts de hummocks témoignant des incessantes convulsions de la banquise se trouvent maintenant quelques dalles unies de « glace de baie » ou de landice.

Le 24, dans la soirée, la brume qui nous enveloppe depuis plusieurs jours se dissipe complètement et nous jouissons enfin d'une vue très étendue. Nous apercevons alors dans l'ouest des terres élevées : les îles Koldewey et la terre du Roi Guillaume, découvertes en 1870 par l'expédition de la Germania.

Ce sont ensuite de nouvelles alternatives de brume et de courtes éclaircies, et nous n'avançons que très lentement dans le dédale de glaces qui rend si difficile l'accès de la côte.

Le 26 juillet, à onze heures du soir, nous parvenons à une petite distance. du cap Bismarck dont nous sépare, cependant, encore un champ de glace assez étendu auquel nous amarrons le navire pour le restant de la nuit. Nous

sommes par 76° 37' de Lat. et 18° 33' de Long. O.- Nous atterrissons ainsi deux degrés plus au nord qu'aucune autre expédition. Il est juste d'observer que la plupart de nos devanciers ne s'étaient pas proposé d'atteindre la côte à une latitude élevée, que plusieurs, les Danois et le professeur Nathorst notamment, devaient, au contraire, se rendre dans des fjords situés au sud du 74° de Lat. N.; mais il n'en est pas moins vrai que, pour arriver où nous étions parvenus, nous avions traversé la banquise aux abords du 76° de Lat. N.; et que, par nos sondages, nous avions déterminé une section bathymétrique à travers une zone de la mer du Grönland réputée inaccessible. Cet itinéraire et cet atterrissage présentent donc un réel intérêt scientifique qui est la récompense de nos efforts.

Le 27, après une longue série d'observations océanographiques, nous appareillons pour nous rapprocher de terre. Nous contournons peu à peu le champ de glace que nous avions abordé par le sud la nuit précédente et, inclinant insensiblement notre route au nord, nous arrivons à un ilot, l'ilot Maroussia, situé un peu au sud du cap Bismarck. Sur ce rocher qui, à petite distance, paraissait absolument dénudé, nous découvrons, dès nos premiers pas, une flore d'une étonnante vitalité, et la boîte de naturaliste de Koefoed ne tarde pas à se remplir de spécimens variés. Nous reconnaissons notamment le saule arctique (Salix arctica Pall.) qui rampe au ras du sol et qui porte en ce moment ses fruits blancs, floconneux; puis un petit pissenlit (Taraxacum arcticum Dahlstedt, un pavot le Papaver radicatum Rottb.), etc.; il n'est pas de si petite excavation qui ne soit garnie d'une touffe de verdure, qui n'abrite quelque jolie fleurette jaune, bleue ou rouge.

Partout, des œufs d'hirondelle de mer (Sterna macrura Naum.) se trouvent disposés à même le sol dans d'imperceptibles pochettes. Nous voyons également une quantité de jeunes sternes, à tous les stades de croissance, jalousement gardés par leurs parents. Nous trouvons aussi sur l'ilot Maroussia quelques nids d'eider, des guillemots grylles (Uria grylle L.), des guillemots nains (Mergulus alle L.), du couvert de lièvre, des bois et des ossements de renne.

Du point culminant (40 mètres environ) nous reconnaissons, à l'ouest du cap Bismarck, la Dove bay encore toute couverte de glace d'hiver; à l'est, le champ que nous avons longé jusqu'ici laisse, entre lui et la glace côtière fixée au rivage (landice), un chenal praticable, rétréci, sur une petite longueur seulement, en un goulet étroit, fort encombré de glace; au nord, au delà du champ, on voit de l'eau libre. Si nous parvenons à franchir ce goulet, il nous sera possible de gagner encore quelques milles en latitude.

Nous rallions le bord en håte. Dans la navigation polaire, il faut profiter des circonstances favorables dès qu'elles se présentent et il suffit parfois de quelques minutes pour rendre impraticable un passage qui était largement

heures d'efforts et de patientes manœuvres, nous en atteignons l'autre extrémité; peut-être n'y fussions-nous pas parvenus si une légère détente ne s'était produite fort à propos pour ouvrir un peu l'étau de glace dans lequel nous nous étions engagés.

Pendant la nuit, brume épaisse, mais la mer, ou du, moins, ce que nous voyons, est relativement libre. Sous petite vapeur, très prudemment, nous faisons route au nord en serrant de près la glace côtière.

28 juillet. A huit heures nous sommes par 77° 5' de Lat. N. et 17° 50' de Long. O. Nous avons dépassé de quatre milles la latitude du cairn élevé en 1870 par Koldewey et Payer sur la terre du Roi Guillaume au terme du raid qu'ils entreprirent au printemps sur la glace côtière et jusqu'au cap Bismarck. Mais, tandis que nos vaillants devanciers n'atteignaient ce point qu'après une marche de 150 milles pénible et ardue, commencée aux quartiers d'hivernage de la Germania, et, poursuivie avec une admirable ténacité, vingtdeux jours durant, par un froid intense, nous étions, nous, à bord d'un bon et solide bâtiment offrant un relatif confort et la température était de + 2o! Alors que du point élevé où ils étaient parvenus, les explorateurs allemands apercevaient la glace côtière à perte de vue dans l'est et que tout semblait les autoriser à prédire qu' « à moins de circonstances exceptionnelles, jamais aucun navire ne s'avancerait le long de cette côte », nous naviguions à une petite distance de la terre, et, pour le moment du moins, seule la brume nous interdisait un progrès plus rapide vers le nord!

Nous ne voulons pas envisager l'éventualité, toujours probable, d'une brusque modification dans l'état de la banquise, et, sans nous arrêter à la pensée d'une retraite impossible, nous ne songeons qu'à profiter des circonstances si favorables où nous sommes. Le temps reste bouché, il est vrai; mais, si épaisse que fût la brume dans les parties basses de l'atmosphère, il nous a généralement été donné et c'était encore le cas actuellement de voir le soleil aux heures où sa hauteur est favorable à la détermination du point. J'ajoute que, lorsque les glaces ne sont pas trop serrées, la brume est relativement clémente au navigateur polaire; elle constitue un véritable miroir où se réflète très exactement la topographie de la banquise: très blanche au-dessus de la glace, elle est grise ou noire sur les étendues d'eau plus ou moins considérable. Aussi, le brouillard persistàt-il et nous empêchàt-il de voir la terre, cette pointe au nord ne serait pas inutile puisque nous effectuerions de fréquents sondages que nous pourrions reporter sur une carte vierge de toute indication.

Nous avons par båbord, un champ de glace d'hiver, uni et bas, fortement entamé par le dégel et qui semble tenir à la terre.

A midi, nous sommes par 77° 20' de Lat. N. et 18° 20′ de Long. 0.

A quatre heures du soir, tandis que nous étions en panne pour une « sta

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