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La Durance abandonna ensuite la vallée du Buech; puis elle délaissa successivement les autres bras qu'elle projetait à travers le Gapençais et se fixa définitivement entre Savines, Tallard et Sisteron.

Les facteurs qui contribuèrent à produire ces déplacements successifs sont sans doute multiples, comme la nature des roches, l'orientation des assises, etc. Mais il semble que le facteur principal aurait été la plus courte distance. Sans doute parce que, en diminuant ainsi son parcours, la rivière acquérait plus de pente et plus de vitesse, par suite une puissance érosive supérieure. Ainsi, en abandonnant ses anciennes directions pour s'établir par Savines, Tallard et Sisteron, la Durance y trouvait un parcours plus court de 30 kilomètres que par le Buech, de 8 kilomètres que par Gap et de près de 4 kilomètres sur celui de l'Avance 1.

Divers détails des formes du relief du terrain dont la discussion serait ici trop longue, semblent indiquer que les vallées de la Luye et de l'Avance furent creusées par la Durance jusque vers leur niveau actuel. Mais nous ne saurions dire jusqu'à quelle profondeur elle avait affouillé les vallées intermédiaires qu'elle n'avait peut-être même qu'ébauchées; car il nous paraît difficile d'admettre qu'elle ait pu opérer à la fois, par ses divers bras, le creusement total de toutes les vallées mortes du Gapençais quelle que fût l'importance de son débit.

Nous sommes donc amené à cette conclusion, que nous avions entrevue il y a de longues amées déjà, et qui n'a, ce nous semble, rien d'invraisemblable : Les torrents sous-glaciaires doivent avoir contribué, dans une certaine mesure, au creusement des vallées et surtout à l'approfondissement des cañons.

1. Il est facile de concevoir pourquoi la Durance ne fit qu'ébaucher les vallées mortes de Rambaud, à Colombis, et, de Saint-Roman, à Riotors, car dans la région il existe des collines dont les assises ont une orientation perpendiculaire à la stratification de l'ensemble du massif. Aussi ces accidents ont-ils provoqué des phénomènes de capture par la formation de cluses latérales qui mettent en communication la première vallée avec la seconde, et celle-ci avec la Luye.

Mais, si on considère la constitution géologique des diverses vallées du Gapençais, qui furent occupées par la Durance, on ne peut s'empêcher de trouver étrange que cette rivière ait abandonné les vallées du Buech et de Gap qui toutes deux ont leur talweg établi sur les schistes friables du Jurassique moyen, tandis que la vallée de l'Avance et celle de la Durance actuelle sont totalement excavées dans les calcaires marneux du Lias beaucoup plus résistants aux érosions.

Il est cependant possible d'entrevoir des causes qui ont pu déterminer l'élection de ces deux derniers emplacements: De Saint-Étienne à Avançon, dans l'Avance, et d'Upaix à Espinasse, dans la vallée de la Durance, les deux flancs présentent, depuis le bas talweg, jusque vers 250 mètres au-dessus des rivières, de nombreux et importants gisements de gypses qui sont plaqués contre la tranche des assises liasiques. Dans le village d'Espinasse ces gypses présentent d'énormes marmites des géants de plus de 20 mètres de profondeur que remblaient des cailloutis glaciaires. Sous Nérac (Remollon), il se forme, de temps en temps, sur le large lit de la Durance, des entonnoirs de 10 à 250 mètres de diamètre et qui demeurent visibles plusieurs années malgré les remblaiements de la rivière. La formation de ces entonnoirs est certainement due à l'existence de masses de gypses dans la profondeur.

Avant les formidables érosions de la Durance et de la période glaciaire, les amas de gypses, bien plus considérables qu'aujourd'hui, devaient combler ces vallées. Et il est permis de supposer que la Durance a pu s'établir, à son emplacement actuel, grâce à la présence de ces roches instables, les plus aisément solubles et les plus faciles à éroder.

Action probable des torrents sous-glaciaires dans l'approfondissement des canons.

Quand toute la masse d'un glacier entre en lubréfaction, les eaux de fusion descendent, d'après les expériences d'Agassis sur le glacier de l'Aar, dans la profondeur par le réseau des fissures capillaires. Ces eaux de filtration doivent atteindre le fond du glacier et l'ancien lit de la rivière. C'est évidemment sur ce fond de la vallée sous-glaciaire que les eaux de filtration arrivent à leur maximum de pression hydrostatique, pression proportionnée à la puissance du glacier, c'est-à-dire égale, pour la vallée de la Durance, pendant la phase glaciaire moyenne, à une colonne d'eau de 500 à 600 mètres de hauteur. Avec cette énorme pression, l'eau devait être capable de s'ouvrir de proche en proche et de l'aval à l'amont, un conduit sous-glaciaire en rapport avec son débit. Et de fait, les torrents émissaires sortent des glaciers par une voûte de glace, quand le front du glacier n'est pas barré, comme celui du glacier d'Arsine par exemple, par une colossale moraine caillouteuse continue.

D'autre part, les torrents affluents d'un glacier se précipitent, à l'époque de fusion, dans la crevasse marginale et disparaissent sous le glacier. Les mille filets et ruisseaux qui circulent à la surface des glaciers disparaissent généralement, après un petit parcours dans les crevasses et les moulins pour aller rejoindre le chenal sous-glaciaire.

Les torrents sous-glaciaires sont donc une réalité et ils doivent se poursuivre sous toute la longueur des glaciers jusqu'à l'altitude où le fond demeure perpétuellement au-dessous de zéro.

Or, au moment des grandes chaleurs, les glaciers émettent d'énormes torrents chargés de troubles. Par leur volume, leur grande vitesse et les matériaux qu'elles entraînaient, ces eaux étaient certainement capables d'excaver, sous les glaciers quaternaires, des galeries incomparablement supérieures à celles que nous ont révélées les audacieuses explorations souterraines de M. Martel.

Les cañons sont nombreux dans les régions alpines et cependant leur réelle profondeur nous échappe souvent, ainsi que cela résulte des faits. suivants :

En 1887 un puits de sonde, poussé à 14 mètres de profondeur sur le talweg de l'Avance, à Chorges, ne rencontra que des argiles.

La même année, un puits foré près de la Luye, jusqu'à 22 mètres audessous du lit de cette rivière, ne rencontra également que des argiles analogues à celles trouvées à Chorges; ces argiles mélées d'éclats de schistes et identiques à celles des moraines profondes du voisinage, provenaient du raclage opéré par le fond du glacier sur les schistes calloviens du talweg

En 1898 et 1899 un sondage, effectué jusqu'à 42 m. 50 dans le lit même de la Durance et dans l'étroit cañon de Serre-Ponçon, n'atteignit pas la roche en place. Le trépan ramenait de ces profondeurs de l'argile glaciaire dans laquelle nous avons trouvé des galets striés sur toutes leurs faces'.

Ce serait une étude bien complexe, souvent difficile, que de chercher à établir la part qui revient soit aux torrents sous-glaciaires, soit aux rivières. qui les ont précédés, dans l'œuvre du creusement des cañons.

En tout cas, nous ne concevons pas comment le torrent sous-glaciaire aurait pu creuser le cañon supplémentaire de la Blache sur 200 mètres de longueur maxima, et cela, à 13 mètres de celui de la Luye et sur la pente de la basse croupe de Capadoce. Le cañon de la Blache n'est, ni d'origine sous-glaciaire, ni d'origine épigénique. Il nous paraît être simplement le lit d'un des bras de la Durance alors que cette rivière divaguait encore sur l'emplacement de Gap. Quoi qu'il en soit, ce cañon et les nombreuses vallées sèches du Gapençais sont une preuve des modifications profondes que les érosions ont produites dans l'hydrographie de la région.

Gap, novembre 1903.

DAVID MARTIN.

1. De là cette intéressante conséquence: si la Durance coulait aujourd'hui sur le fond rocheux de son cañon, les rivières mortes n'auraient plus leur profil d'équilibre et conflueraient par une cascade. En effet, à 500 mètres, en amont de leur confluence, la Luye et l'Avance coulent sur les calcaires du Lias inférieur. Si la Durance préglaciaire avait elle-même approffondi son cañon jusqu'à cette profondeur de 42 m. 50, ces deux affluents auraient, au fur et à mesure de l'affouillement, rectifié leur profil d'équilibre au moins par un rapide prononcé. Il ne paraît pas en avoir été ainsi. Le cañon de la Durance a été évidemment approfondi à 42 m. 50 par le torrent sousglaciaire d'après le sondage effectué à Serre-Pançon, dans le voisinage. Ce chenal sous-glaciaire était alimenté par un glacier occupant une superficie de 4000 kilomètres carrés. Tandis que la partie du glacier dont les eaux de fusion s'écoulaient par l'Avance et par la Luye n'occupait qu'une superficie totale de 200 kilomètres. On conçoit aisément, ce nous semble, combien une pareille différence dans l'alimentation de ces divers torrents, a dû exagérer l'action érosive du chenal durancien, tandis que celle des affluents se trouvait en retard.

Le problème de l'eau à Coolgardie

(Australie occidentale)

I. — Il y a une trentaine d'années, le célèbre écrivain anglais Anthony Throllope, après avoir visité les sept colonies australasiennes, écrivait qu'à son avis la plus jeune et la plus pauvre, l'Australie occidentale, aurait avant peu un grand développement agricole et pastoral. Les faits n'ont pas justifié ces prévisions ce sont les mines d'or qui constituent aujourd'hui la richesse de cette colonie. Pendant longtemps l'or fut exploité sans grand succès dans les districts de Kimberley et de Murchison. Mais en 1892 Bayley et Ford à Coolgardie et en 1894 Hannan à Kalgoorlie découvrirent des filons d'une incroyable richesse; de nombreuses sociétés se fondèrent à la suite des prospecteurs individuels; les exploitations se multiplièrent et le désert de l'intérieur commença à se peupler activement. Aujourd'hui Coolgardie a 4 213 habitants et Kalgoorlie, à 40 kilomètres plus à l'est, en a 6583; l'ensemble du district aurifère (Coolgardie goldfields) possède une population de 41 390 âmes, chiffre considérable par rapport aux 182 553 habitants disséminés sur l'énorme surface de la colonie (2 527 633 kilomètres carrés, cinq fois la France). Sur les 444 millions de francs d'or produits en 1903 par la totalité de l'Australie, l'Australie occidentale en a fourni 182 millions. Depuis 1896 une ligne de chemin de fer relie Coolgardie à la capitale, Perth, et, au port de Fremantle, où font escale les paquebots européens; en 1899 le chemin de fer a été poussé jusqu'à Kalgoorlie.

L'intérieur de l'Australie occidentale (West Australia, Westralia) est un véritable désert, argileux ou sablonneux, partagé entre la brousse à plantes épineuses (scrub à spinifex) et la forêt extrêmement clairsemée d'eucalyptus. On n'y trouve ni rivières, ni lacs permanents. Si, au voisinage de la côte, à Perth, les précipitations atteignent 849 millimètres, à Coolgardie elles ne dépassent pas 177 millimètres. Cette insuffisance dans la quantité de l'eau est encore augmentée par le régime des pluies; il tombe en automne et en hiver quelques violentes averses, mais le printemps et l'été sont presque absolument secs. La question de l'eau est donc pour ces pays le problème essentiel à

résoudre. Il est d'autant plus grave que les mines d'or ne peuvent pas se passer d'eau pour le traitement des minerais.

Quelque temps, on a craint que Coolgardie ne manquât totalement d'eau, ce qui eût été une ruine pour l'industrie. On ne disposait que des mares naturelles, assez abondantes dans les déclivités des protubérances granitiques qui se rencontrent fréquemment dans tout l'ouest australien; mais la quantité d'eau en est tout à fait insuffisante. Cependant Martin Walsh réussit, en creusant des puits, à obtenir de l'eau salée. On trouve, en effet, de nombreux lacs, remplis seulement après les grandes pluies et qui ordinairement sont de simples dépressions sèches, formées de sable jaune et, en raison de la salure du sol, complètement dépourvues de végétation. C'est en creusant le fond de ces mares temporaires qu'on trouve, à une faible profondeur, une nappe d'eau salée. Tout le pays est un ancien fond de mer, dont le sol est imprégné de sels; les pluies, trop peu abondantes, n'ont pu les entraîner. La salinité est quelquefois quadruple de celle de l'océan.

Ces eaux malheureusement reviennent assez cher; on les paye 2 francs l'hectolitre (0 fr. 02 le litre). Mais, s'il est possible de les employer pour le traitement des minerais aurifères, elles sont inutilisables pour les chaudières. Il est vrai qu'au moyen de condensateurs (condensers) on peut, par la distillation, les transformer en eaux douces. Mais alors leur prix est extrêmement élevé; elles reviennent à 6 pence le gallon', soit 0 fr. 15 le litre. Le résultat était que la production de l'or coûtait très cher et que les mines peu riches ne pouvaient pas être exploitées avantageusement. Beaucoup de mines, en effet, donnent 10 dwt d'or à la tonne 2; mais il en aurait coûté 11 pour les extraire. En outre les salaires étaient très élevés (90 à 100 francs par semaine); encore fallait-il fournir l'eau gratuitement aux ouvriers.

En vain on essaya de traiter chimiquement les minerais sans eau; en vain, on tenta de remplacer les moteurs à vapeur par des moteurs à huile minérale, ce qui, en raison des prix de transport, ne procurait qu'une faible économie. Il fallut reconnaître que le développement du pays était absolument lié à la possibilité de se procurer de l'eau douce.

II. C'est alors que des hommes d'initiative conçurent le projet grandiose d'amener à Coolgardie de l'eau depuis la côte. Une telle idée, tout à fait sans précédent en matière de fourniture d'eau, souleva tout d'abord un scepticisme général. Les difficultés en effet étaient énormes. On ne pouvait utiliser la côte méridionale, relativement proche, mais plate et sèche; il fallait donc prendre comme point de départ la côte de l'ouest, distante de Coolgardie

1. Le gallon, mesure anglaise de capacité pour les liquides, vaut 4 lit. 54.

2. Les métaux précieux se mesurent, dans les pays anglais, au moyen d'une unité appelée livre troy qui vaut 373 gr. 2. La livre troy se divise en 12 onces (oz) valant 31 gr. 1. L'once est elle-même partagée en 20 pennyweights (dwl) valant 1 gr. 555. La tonne dont il est ici question est la tonne anglaise de 1 015 kgr. 7056.

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