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ces tabzimt couverts de cabochons de corail et d'incrustations de perles que les femmes des Beni Yenni exhibent comme une ferronnière sur leur front, lorsqu'elles ont donné un défenseur au village. Pour émailler ces pièces, il a gardé le geste des orfèvres byzantins amenés jadis en Afrique par l'armée de Bélisaire. Il garnit sa plaque de cloisons en filigrane qu'il fait adhérer par

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une soudure au chalumeau. Dans les compartiments, il dépose de la poudre d'émail délayée en pâte. Voilà le bijou au feu. L'émail fond. L'ouvrier le retire juste au moment précis où l'argent à son tour entrerait en fusion et coulerait dans le foyer. Le bijou sort du réchaud diapré sous sa robe d'émail. Les maîtres limousins, qui décoraient les croix, les pixydes et les reliquaires de nos cathédrales au moyen âge, n'opéraient pas autrement.

Cet ilot ethnique est une exception. Tout à côté la Petite Kabylie, avec ses ports ouverts au commerce de toutes les nations, subit de plus en plus l'influence européenne. Quand on arrive en Tunisie, la décadence est complète.

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FIG. 15.

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Souaq, BRACELET DE BISKRA.

Ici c'est l'art italien avec sa grâce facile, son brio, ses formes décoratives, mais aussi sa recherche et son afféterie. La Tunisienne aime à piquer dans ses cheveux des épingles trembleuses à larges têtes de fleurs garnies de brillants (ouarda, littéralement une rose), qui rappellent les affiquets des Précieuses au XVIIe siècle. Elle adore

les épis de diamants (sonboula). Elle porte au cou des colliers sur ruban garnis d'un triple rang de pendentifs en forme de grains d'orge ou de poissons (chaïria). De chaque côté de son visage pendent des taklila si chargés de chainettes, de sequins, et de breloques qu'elle les fixe par un crochet à sa coiffure.

Tout cela est léger, gracieux, d'une variété charmante, mais avec une

impression de clinquant et de préciosité qui fait regretter les belles formes du Maroc et même de l'Algérie. Un seul point semble avoir échappé à cet art de dégénérescence italienne, c'est Djerba, l'antique île des Lotophages, où les compagnons d'Ulysse oublièrent leur pays natal. Les orfèvres de cet îlot voisin de la Tripolitaine fabriquent des bijoux très originaux, tels que l'agál qui s'accroche dans la chevelure, et retombe en grappe sur le cou1.

Arrêtons-nous. Nous ne pouvons émettre la prétention de donner une classification absolue des bijoux du nord de l'Afrique, ni d'en fixer la répartition comme les zones de production de la vigne ou de l'alfa. Comment tracer des limites précises à des objets de parure dont la mode se transmet d'une province à l'autre par la migration incessante des tribus, ou par le déplacement des orfèvres qui continuent à fabriquer dans leur nouvelle résidence les bijoux qu'ils avaient coutume de façonner dans leur pays d'origine? Comment surtout baser un classement rigoureux sur une exploration qui n'en est encore qu'à ses débuts? Le Maroc est à peine connu. Sait-on quelles surprises il réserve?

La publication d'un dictionnaire semble elle même un peu prématurée. Mais c'est pourtant le seul moyen pratique de faire avancer la question. Comme chaque bijou se trouve figuré à côté de son nom arabe et de sa provenance, les explorateurs de l'avenir auront une base solide qu'ils pourront contrôler, compléter et rectifier. Ils s'en serviront à la façon d'un herbier qui présente sur chaque feuille la plante elle-même avec l'indication de son terrain de culture.

Mais qu'ils se hâtent de faire leur récolte de types originaux. L'industrie du bijou qui occupe encore, dans l'Algérie seule, des milliers d'ouvriers, est en train de disparaître. L'Arabe adore toujours la parure pour ses femmes, mais à force d'être trompé par des marchands peu scrupuleux qui lui vendent du celluloïd à la place de corail, des verroteries en guise de pierres précieuses et des alliages à bas titre au lieu d'or et d'argent, il renonce peu à peu à placer son trésor d'épargne en bijoux. Bientôt on ne verra plus, dans les années de disette, s'aligner aux guichets du Mont-de-Piété, dans des foulards noués aux quatre angles, de véritables trésors de perles et de joyaux. Il faudra, pour étudier le bijou indigène, avoir recours aux musées ou à de trop rares collections particulières.

HENRI CLOUZOT.

1. Il faut ajouter Moknin (province de Sousse). Une tribu juive isolée y fabrique des bijoux où l'on retrouve l'influence byzantine et punique. Cf. Communication de M. Gauckler à la Société des antiquaires de France, 6 juillet 1898.

Géographie et Géotechnique

La géotechnique est l'application pratique de la géographie. Après être longtemps restées, l'une trop empirique, l'autre trop académique, les deux sciences ont enfin trouvé leurs liens de parenté, et de leur collaboration, en réalité très récente, sont sortis dés résultats remarquables.

De géotechnique rétrograde nous avons trop d'exemples autour de nous pour qu'il soit utile d'insister longuement. Voici, cependant, deux cas bien frappants et pleins d'actualité d'utilisation du sol égoïste et à courte vue. Après de longs. siècles d'infortune, les Highlands d'Écosse sont restés ruinés et déserts. De plus en plus on en retire le mouton lui-même pour faire place au cerf et à la grouse, en sorte que le bénéfice net d'un nombre croissant de milliers d'hectares consiste en quelques milliers de têtes et de peaux de cerfs. Sans s'inquiéter autrement des nécessités actuelles et prochaines, et des possibilités énormes que confirment toutes les données naturelles et toutes les expériences d'amélioration, les pouvoirs publics réitèrent chaque année une profession d'indifférence parfaite et de scepticisme apathique Laissez aller.

Dans l'ile de Terre-Neuve, un territoire aussi vaste que la moitié des Galles, soustrait désormais à toute autorité publique, va récapituler en quelques années, la longue évolution de ruine des montagnes d'Écosse : Laissez faire.

Voilà une première attitude géotechnique.

D'autre part, les autorités des États-Unis s'empressent de faire l'inventaire des richesses du sol et du sous-sol, d'étudier les meilleurs moyens de mettre ces ressources en valeur et de préserver l'équilibre nécessaire de la nature, en vue d'encou rager, d'éclairer, de guider, d'harmoniser les intérêts et les initiatives privées. Cette seconde attitude géotechnique est concrétisée par le département de l'Agriculture de la grande république américaine et, spécialement, dans les cas qui vont nous occuper, par son administration des Forêts dirigée par M. Gifford Pinchot.

Choisissons trois cas de géographie forestière appliquée, qui pourraient trouver leur contrepartie, l'un dans les pays centre-ouest de l'Europe et notamment dans notre massif central, le deuxième dans nos régions et colonies méditerranéennes, le troisième dans nos possessions orientales.

Le massif des montagnes Blanches, dans la partie nord du New-Hampshire, entre la rivière Connecticut et l'État du Maine, présente beaucoup de traits de ressemblance avec les Highlands d'Écosse, comme eux formé de gneiss et de granite recouverts de dépôts glaciaires; il est découpé très irrégulièrement, tantôt en chaînes

courtes, tantôt en pics isolés ou capricieusement groupés, de 1 000 à 1200 mètres d'altitude, avec d'étroites vallées aux flancs escarpés.

Au total, le climat est analogue à celui de notre massif central. Le charme de la topographie est rehaussé pour les vastes forêts de résineux qui couvrent les montagnes. Et, pour pouvoir jouir des qualités pittoresques et hygiéniques de ce paysage, les touristes dépensent chaque année dans la région, près de 40 millions de francs. Après avoir vainement tenté de s'emparer de la contrée, l'agriculture a dû reculer, et, en définitive, abandonner le terrain aux bois, se contentant de 15 pour 100 de la surface, principalement dans les vallées. C'est ainsi que les grandes compagnies et les petits propriétaires forestiers se partagent aujourd'hui 673 600 hectares de forêts de toute qualité dont 12 pour 100 environ sont encore intacts. Pour la fibre à papier comme pour le sciage, la grande essence marchande est une espèce d'épicéa qui, à certains égards, ne vaut pas notre épicéa de Norvège.

Dans le New Hampshire, comme dans les contrées analogues, deux grands dangers, d'ailleurs étroitement liés, menacent l'avenir du pays : l'exploitation imprévoyante et les incendies dus à la locomotive à charbon et à la négligence dans les défrichements et les campements. Dans les mauvaises années, le feu a ruiné jusqu'à 34 000 hectares, occasionnant ainsi une perte immédiate de plus d'un million de francs, sans compter la destruction du sol, l'exagération de l'érosion et les inondations. Au surplus, l'incendie joint à la mauvaise administration des forêts produisent un autre et très grave inconvénient, la détérioration de la qualité des forêts. Il résulte des rapports forestiers officiels qu'après la coupe à blanc ou l'incendie, l'invasion et la prépondérance de bois feuillus de moindre valeur, compromettent les récoltes de l'avenir. Pour être plus lente que la récolte agricole, la récolte forestière n'en est pas moins productive et n'en exige pas moins de vigilance. Selon le mode d'exploitation et les soins ultérieurs, la nature de la forêt renaissante varie largement.

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Au propriétaire privé, une fois sa coupe à blanc opérée, peu importe le sort des terrains exploités. Il n'espère pas vivre assez longtemps pour obtenir une seconde coupe égale à la première. De là son indifférence. Mais l'État doit veiller aux intérêts des générations futures et harmoniser les intérêts privés. La négligence amène une dégradation lente mais sûre des territoires boisés. Aux États-Unis, les pouvoirs publics se croient obligés d'intervenir.

Dans cet esprit, les rapports officiels recommandent des mesures préventives, telles que l'établissement obligatoire de larges zones neutres le long des chemins de fer et des voies d'exploitation, la construction d'un réseau spécial de routes, la création d'un corps de gardes forestiers investis de pouvoirs suffisants pour prévenir ou punir la négligence, l'institution d'une caisse coopérative de prévention, alimentée par des taxes judicieuses sur les propriétés boisées intéressées. Aux grandes compagnies le rapport démontre l'avantage d'une direction scientifique. Aux petits propriétaires et aux fermiers, l'Etat offre l'aide d'experts officiels pour l'élaboration de plans de plantations et leur administration ultérieure 2. Enfin, l'attention des législateurs 1. A.-K. Chittenden, Forest conditions of Norther New Hampshire. U. S. Dep' of Agriculture. Bureau of Forestry, Washington, 1905.

2. Practical Assistance to farmers, lumbermen, etc. Circular no 21. U. S. Dep' of Agriculture. Bureau of Forestry, 1905.

est attirée sur l'avantage de former des réserves nationales sur les terrains exploités ou brûlés, à un moment où ces terrains sont vendus à des prix dérisoires.

Non moins instructif et peut-être plus intéressant est l'exemple de géotechnique forestière fourni par les rapports officiels sur les régions de la Méditerranée américaine'.

Si, dans le nord, il s'agissait d'éviter la répétition de la ruine des montagnes écossaises et anglaises aussi bien que d'une partie de nos Alpes et de nos Pyrénées, dans le cas actuel il s'agit de prévenir la répétition de l'histoire de la Méditerranée. De fait, l'identité du cas du Texas, avec celui de nos causses cévénoles et de notre région méditerranéenne est absolument frappante. La topographie offre, terme pour terme, des équivalents aux marais salants du Languedoc, aux fertiles alluvions quaternaires, à la plaine marncuse tertiaire, aux avant-monts du Languedoc et aux causses du Larzac, de la Lozère et de l'Aveyron avec leurs profondes échancrures, leurs avens et leurs sources vauclusiennes, voire aux rascles du Ventoux et aux lapiaz des Alpes. Par contre, au lieu d'augmenter avec l'altitude, les précipitations annuelles tendent vers zéro, à mesure que l'on s'élève vers les vastes plateaux désertiques du Colorado. Les forêts offrent une grande variété et une concordance remarquable avec la topographie. Bayous ou marécages boisés à cyprès chauve, semblables à ceux de la Floride, et, comme eux, habitant la plaine côtière; forêts feuillues des argiles alluviales, prolongements vers l'ouest des forêts atlantiques, forêts résineuses des basses ondulations marneuses qui indentent les prairies humides de la zone côtière; forêts de « Pinus palustris », la meilleure essence résineuse, qui chevauchent les basses croupes de sable pur; forêts mêlées de pins à aiguilles courtes, qui occupent les restes de l'ancienne plaine tertiaire; forêts très étendues des plateaux inférieurs et avant-monts, qui représentent le facies sec des forêts de chêne de l'est. Enfin, à mesure que l'on pénètre dans la région des causses, voici les forêts mêlées qui couvrent les flancs des canyons et des falaises; voici les garrigues ou « hardscrabble », les maquis, sur sol plus siliceux, les landes à genevriers sur les plateaux, les chaparrals, les mesquites, etc. L'intérêt des bois est ici plus varié. Dans les régions inférieures, il s'agit de défendre les forêts contre l'immigration énorme qui envahit le Texas. Beaucoup des terrains boisés seraient autrement sans valeur. Telles sont les collines de sable pur, beaucoup des ondulations basses de la plaine, la majeure partie des flancs raides des avant-monts et des collines. Les défricher ou les détruire par mauvaise administration serait pure folie, ruine complète de l'oeuvre patiente des siècles. Toucher aux couvertures des flancs des canyons et des falaises amènerait à bref délai la dangereuse érosion que ces bois sont lentement parvenus à enrayer et, dans la plaine, les inondations dévastatrices que nous connaissons trop bien dans nos pays.

Enfin, reste la question des garrigues, maquis, mesquite et chaparrals des plateaux. Comme le fait très bien remarquer M. William L. Bray, les plateaux sont les surfaces réceptrices des pluies torrentielles et courtes qui s'abattent de temps à autre sur la région. Pour utiliser au mieux une lame d'eau de 50 à 60 centimètres d'épais

1. William L. Bray, Forest resources of Texas. U. S. Dep' of Agriculture, Washington, 1904.

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