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courtes, tantôt en pics isolés ou capricieusement groupés, de 1 000 à 1200 mètres d'altitude, avec d'étroites vallées aux flancs escarpés.

Au total, le climat est analogue à celui de notre massif central. Le charme de la topographie est rehaussé pour les vastes forêts de résineux qui couvrent les montagnes. Et, pour pouvoir jouir des qualités pittoresques et hygiéniques de ce paysage, les touristes dépensent chaque année dans la région, près de 40 millions de francs. Après avoir vainement tenté de s'emparer de la contrée, l'agriculture a dû reculer, et, en définitive, abandonner le terrain aux bois, se contentant de 15 pour 100 de la surface, principalement dans les vallées. C'est ainsi que les grandes compagnies et les petits propriétaires forestiers se partagent aujourd'hui 673 600 hectares de forêts de toute qualité dont 12 pour 100 environ sont encore intacts. Pour la fibre à papier comme pour le sciage, la grande essence marchande est une espèce d'épicéa qui, à certains égards, ne vaut pas notre épicéa de Norvège.

Dans le New Hampshire, comme dans les contrées analogues, deux grands dangers, d'ailleurs étroitement liés, menacent l'avenir du pays : l'exploitation imprévoyante et les incendies dus à la locomotive à charbon et à la négligence dans les défrichements et les campements. Dans les mauvaises années, le feu a ruiné jusqu'à 34 000 hectares, occasionnant ainsi une perte immédiate de plus d'un million de francs, sans compter la destruction du sol, l'exagération de l'érosion et les inondations. Au surplus, l'incendie joint à la mauvaise administration des forêts produisent un autre et très grave inconvénient, la détérioration de la qualité des forêts. Il résulte des rapports forestiers officiels qu'après la coupe à blanc ou l'incendie, l'invasion et la prépondérance de bois feuillus de moindre valeur, compromettent les récoltes de l'avenir. Pour être plus lente que la récolte agricole, la récolte forestière n'en est pas moins productive et n'en exige pas moins de vigilance. Selon le mode d'exploitation et les soins ultérieurs, la nature de la forêt renaissante varie largement.

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Au propriétaire privé, une fois sa coupe à blanc opérée, peu importe le sort des terrains exploités. Il n'espère pas vivre assez longtemps pour obtenir une seconde coupe égale à la première. De là son indifférence. Mais l'État doit veiller aux intérêts des générations futures et harmoniser les intérêts privés. La négligence amène une dégradation lente mais sûre des territoires boisés. Aux États-Unis, les pouvoirs publics se croient obligés d'intervenir.

Dans cet esprit, les rapports officiels recommandent des mesures préventives, telles que l'établissement obligatoire de larges zones neutres le long des chemins de fer et des voies d'exploitation, la construction d'un réseau spécial de routes, la création d'un corps de gardes forestiers investis de pouvoirs suffisants pour prévenir ou punir la négligence, l'institution d'une caisse coopérative de prévention, alimentée par des taxes judicieuses sur les propriétés boisées intéressées. Aux grandes compagnies le rapport démontre l'avantage d'une direction scientifique. Aux petits propriétaires et aux fermiers, l'Etat offre l'aide d'experts officiels pour l'élaboration de plans de plantations et leur administration ultérieure 2. Enfin, l'attention des législateurs 1. A.-K. Chittenden, Forest conditions of Norther New Hampshire. U. S. Dep' of Agriculture. Bureau of Forestry, Washington, 1905.

2. Practical Assistance to farmers, lumbermen, etc. Circular no 21. U. S. Dep' of Agriculture. Bureau of Forestry, 1905.

est attirée sur l'avantage de former des réserves nationales sur les terrains exploités ou brûlés, à un moment où ces terrains sont vendus à des prix dérisoires.

Non moins instructif et peut-être plus intéressant est l'exemple de géotechnique forestière fourni par les rapports officiels sur les régions de la Méditerranée américaine'.

Si, dans le nord, il s'agissait d'éviter la répétition de la ruine des montagnes écossaises et anglaises aussi bien que d'une partie de nos Alpes et de nos Pyrénées, dans le cas actuel il s'agit de prévenir la répétition de l'histoire de la Méditerranée. De fait, l'identité du cas du Texas, avec celui de nos causses cévénoles et de notre région méditerranéenne est absolument frappante. La topographie offre, terme pour terme, des équivalents aux marais salants du Languedoc, aux fertiles alluvions quaternaires, à la plaine marncuse tertiaire, aux avant-monts du Languedoc et aux causses du Larzac, de la Lozère et de l'Aveyron avec leurs profondes échancrures, leurs avens et leurs sources vauclusiennes, voire aux rascles du Ventoux et aux lapiaz des Alpes. Par contre, au lieu d'augmenter avec l'altitude, les précipitations annuelles tendent vers zéro, à mesure que l'on s'élève vers les vastes plateaux désertiques du Colorado. Les forêts offrent une grande variété et une concordance remarquable avec la topographie. Bayous ou marécages boisés à cyprès chauve, semblables à ceux de la Floride, et, comme eux, habitant la plaine côtière; forêts feuillues des argiles alluviales, prolongements vers l'ouest des forêts atlantiques, forêts résineuses des basses ondulations marneuses qui indentent les prairies humides de la zone côtière; forêts de « Pinus palustris », la meilleure essence résineuse, qui chevauchent les basses croupes de sable pur; forêts mêlées de pins à aiguilles courtes, qui occupent les restes de l'ancienne plaine tertiaire; forêts très étendues des plateaux inférieurs et avant-monts, qui représentent le facies sec des forêts de chêne de l'est. Enfin, à mesure que l'on pénètre dans la région des causses, voici les forêts mêlées qui couvrent les flancs des canyons et des falaises; voici les garrigues ou « hardscrabble », les maquis, sur sol plus siliceux, les landes à genevriers sur les plateaux, les chaparrals, les mesquites, etc. L'intérêt des bois est ici plus varié. Dans les régions inférieures, il s'agit de défendre les forêts contre l'immigration énorme qui envahit le Texas. Beaucoup des terrains boisés seraient autrement sans valeur. Telles sont les collines de sable pur, beaucoup des ondulations basses de la plaine, la majeure partie des flancs raides des avant-monts et des collines. Les défricher ou les détruire par mauvaise administration serait pure folie, ruine complète de l'oeuvre patiente des siècles. Toucher aux couvertures des flancs des canyons et des falaises amènerait à bref délai la dangereuse érosion que ces bois sont lentement parvenus à enrayer et, dans la plaine, les inondations dévastatrices que nous connaissons trop bien dans nos pays.

Enfin, reste la question des garrigues, maquis, mesquite et chaparrals des plateaux. Comme le fait très bien remarquer M. William L. Bray, les plateaux sont les surfaces réceptrices des pluies torrentielles et courtes qui s'abattent de temps à autre sur la région. Pour utiliser au mieux une lame d'eau de 50 à 60 centimètres d'épais

1. William L. Bray, Forest resources of Texas. U. S. Dep' of Agriculture, Washington, 1904.

seur, il faudrait pouvoir constituer une sorte d'éponge ou de réservoir qui débiterait lentement et continûment à la plaine l'eau des soudaines rafales. Il faudrait pouvoir empêcher cette eau de s'écouler en quelques heures en torrents destructeurs ou de tomber immédiatement aux niveaux inférieurs, sans aucun profit pour l'homme. C'est là le rôle des maigres couverts de sabine, des garigues et de chaparrals qui forment le sol sûrement, par le seul moyen possible, et, en définitive, permettent de créer sur les plateaux des pâturages de valeur. Voilà les considérations géotechniques qui nécessitent de la part des autorités une politique de prévoyance. Et certes les Texans n'auront qu'à se féliciter d'avoir eu dans ces questions l'aide éclairée de l'État. Depuis combien de temps nos forestiers français répètent-ils ces mêmes avis!

Dans l'archipel havaïen', c'est un revenu annuel de 125 millions de francs qui est en jeu. Les pentes nord-est de ces îles étaient autrefois couvertes de forêts et l'on sait le pouvoir étonnant que possèdent les forêts équatoriales de condenser l'humidité des vents alisés et de la distribuer lentement et régulièrement. Or, l'industrie de la canne à sucre doit précisément son existence à cette abondante irrigation naturelle fournie par le couvert boisé. Dans son désir d'étendre ses champs aux dépens des bois, le colon a réduit de plus en plus le condensateur et le régulateur des eaux; il a même dépassé la mesure, en sorte qu'aujourd'hui l'irrigation est devenue irrégulière et insuffisante et la précipitation normale se trouve sérieusement menacée.

En fait, la position des planteurs de canne devient assez précaire. De là la néces sité d'enrayer le déboisement, dont les causes ordinaires sont le pâturage, le feu et l'extension de la canne. En vue d'arrêter les progrès du mal et de réparer les dommages causés, les autorités locales, d'accord avec le ministère de l'Agriculture des ÉtatsUnis, ont institué un corps forestier officiel et proposent de poser une limite d'altitude vers 650 m. à la culture de la canne. Les forestiers rapporteurs conseillent l'établissement de réserves sur toutes les montagnes, la mise en défends et, s'il y a lieu, le reboisement des pentes ruinées inutilement ou à tort, la réglementation de l'exploitation et l'assistance experte officielle aux particuliers en toutes matières forestières.

Dans ces pays, où, soit dit en passant, l'administration tire sa raison d'être de la mise en harmonie et de l'encouragement des intérêts particuliers, c'est le grand souci des autorités de ne pas entraver ou gêner l'initiative privée, en l'espèce, d'éviter de sacrifier sans nécessité aux forêts des terrains que l'on pourrait utilement exploiter d'autre façon. Aussi ne peut-on qu'admirer l'esprit dans lequel les géographes agricoles et forestiers s'efforcent de concilier tous les intérêts, d'ailleurs avec un plein succès.

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MOUVEMENT GÉOGRAPHIQUE

EUROPE

La débâcle glaciaire du glacier de Lepénaz (Savoie) en 1818. On donne, comme on sait, le nom de débâcles glaciaires à l'évacuation brusque de lacs généralement temporaires engendrés par les glaciers, par suite de la rupture de la digue de glace qui les soutenait. Si la destruction de la digue, cause déterminante du phénomène diluvien, est toujours produite par les mêmes facteurs la fusion de la glace et la pression de l'eau, la création du lac, cause occasionnelle de la débâcle, est due à des circonstances très diverses, que l'on peut ramener à trois cas principaux.

C'est d'abord celui d'une nappe temporaire formée en suite d'une modification apportée à l'écoulement d'un torrent par un changement de régime d'un glacier. L'événement le plus fréquent est celui d'un glacier occupant un ravin ouvert perpendiculairement à une vallée et qui, pendant ses périodes de crue, vient obturer cette vallée, arrêtant ainsi le cours de ses eaux et les obligeant à s'épandre en nappe vers l'amont. Dans les Alpes l'exemple classique de lac temporaire engendré par une crue glaciaire est fourni par le glacier de Vernagt (Tyrol). Il arrive parfois que le barrage est constitué, non point par la masse même du glacier s'allongeant en dehors de ses limites habituelles, mais par des avalanches se détachant de son extrémité inférieure. Ce cas se trouve réalisé lorsque l'appareil glaciaire se termine sur un escarpement à pic dominant la vallée. Le glacier éprouve-t-il une crue, son front, sans cesse poussé en avant dans le vide, s'éboule en créant en travers de la vallée sous-jacente un monticule de glace qui parfois forme barrage. C'est ce qui s'est produit en 1595 et 1818 dans le Val de Bagnes (Valais), où des avalanches parties du glacier suspendu de Giétroz ayant bouché la vallée, le lac ainsi engendré se vida un beau jour, en ravageant toute la région.

Le second cas de formation d'un lac par un glacier est encore celui d'un lac de barrage, mais dont l'existence, à la différence des exemples précédents, est indépendante des variations de longueur de la glaciation. La présence du réservoir est ici la conséquence d'une perturbation permanente pendant la période actuelle apportée par un glacier à l'écoulement d'un torrent. Cette circonstance s'observe sur les bords du glacier d'Aletsch qui, en bouchant un ravin tributaire de sa vallée, donne naissance au célèbre Märjelensee.

La troisième catégorie comprend les nappes installées sur ou sous le glacier ou encore dans son épaisseur. A cette classe appartient la poche d'eau incluse dans le glacier de Tête-Rousse, dont l'écoulement engendra la terrible catastrophe de Saint

Le volume d'eau mis brusquement en liberté à la suite de la rupture de la digue de soutien est considérable : 1 000 000 de m3 lors des plus fortes débâcles occasionnées par le glacier de Crête-Sèche de 1894 à 1899 (Valais); 600 000 à 700 000 de m3 au Zufallferner (Tyrol) (1887), 100 000 m3 dans le cas de Saint-Gervais.

S'écoulant sur des pentes très rapides, ces masses d'eau exercent en quelques minutes de puissantes actions d'érosion et de transport dans les vallées qu'elles parcourent. Leurs effets peuvent être comparés à celui des chasses d'eau que l'on produit dans nos ports de la Manche, afin de débarrasser leurs chenaux des galets qui les envahissent. Les débâcles glaciaires bousculent, en effet, toutes les formations meubles qu'elles rencontrent et parfois même, d'après certains récits, attaquent la roche en place. Elles décapent les moraines, sapent les rives des torrents dont elles empruntent le cours, creusent de nouveaux talwegs, et, finalement, dans la région où la violence de leur courant s'amortit, déposent, sous forme de cône de déjection, une masse énorme de matériaux, après avoir profondément altéré leur facies primitif. Un des effets les plus remarquables exercés par le passage de ces sortes de déluge est de transformer les matériaux glaciaires en fluvio-glaciaires et même, pourrait-on dire, en dépôts torrentiels.

Tout récemment nous avons montré que ces, inondations sont, non point des épisodes accidentels, comme on le croit, mais des manifestations normales de l'activité glaciaire, se produisant dans toutes les régions soumises à la glaciation, proportionnellement à son intensité, à condition que pendant l'été la température de l'air s'élève suffisamment pour déterminer la fusion de la glace'.

La meilleure preuve c'est que, dans tout massif glaciaire où ce phénomène n'était pas encore connu, il suffit d'étudier attentivement le terrain pour en trouver des traces indiscutables ou, s'il s'agit des Alpes, de fouiller les archives pour découvrir des relations de ces inondations calamiteuses, comme le cas vient de se produire en Tarentaise.

Au cours de ses explorations si intéressantes dans cette partie de la Savoie méridionale, M. Paul Girardin avait reconnu qu'au cours de la grande crue glaciaire qui a marqué la première moitié du XIXe siècle, le glacier de Lepénaz, situé sur le versant nord du massif de la Grande-Casse, avait obturé le cours supérieur du Doron de Champagny, et déterminé la formation d'un lac étendu dont les traces sont encore visibles. Cette digue se rompit et une formidable débâcle ravagea toute la vallée. Les habitants ont gardé le souvenir de cette catastrophe, mais sans pouvoir fournir aucune indication sur sa date précise, non plus que sur ses modalités.

Cette lacune vient d'être comblée par M. Paul Mougin, l'actif inspecteur des Forêts qui dirige avec tant de compétence le service du reboisement dans les Savoies, et qui, en même temps, étudie les glaciers de cette région avec le zèle le plus louable. Ce savant forestier a eu la bonne fortune de découvrir dans les archives de la souspréfecture de Moutiers divers documents officiels relatifs aux méfaits du glacier de

1. Charles Rabot, Glacial Reservoirs and their outbursts, in The Geographical Journal, XXV, 5 mai 1905, et Les débâcles glaciaires, in Bull. de géographie historique et descriptive, no 3, 1905, Paris.

2. Paul Girardin, Les phénomènes actuels et les modifications du modelé dans la haute Maurienne, in La Géographie, XII, 1, 15 juillet 1905.

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