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se rencontrent à chaque instant, ainsi que des sillons profonds dus au passage de rochers énormes. >>

Sur la moraine est du glacier du Tour les gros blocs de granite « qui reposent là depuis un temps immémorial » ont disparu. «Seule la place qu'ils occupaient reste profondément marquée, ainsi que la trace qu'ils ont produite dans leur course folle. » La moraine elle-même est fendue dans sa largeur par une étroite crevasse. Au delà le terrain avait été si profondément modifié que la caravane qui en avait une très grande pratique éprouva un instant d'hésitation sur la direction à suivre. Et toujours les avalanches roulaient, et cela plus de six heures après la secousse. Au passage d'un couloir, M. Lecarme et ses compagnons faillirent ètre assommés par une chute de blocs.

D'Argentière, où la caravane arriva le soir et où le sisme avait déterminé la chute d'une partie de la voûte de l'église, on avait également vu des avalanches partir des cimes en vue de l'aiguille Sans Nom et du Petit Dru.

Il est intéressant de rapprocher le récit très complèt de M. Lecarme d'une information recueillie par Charles Grad sur le tremblement de terre qui se produisit en 1855 dans les Alpes valaisanes. Notre regretté collègue signale, lui aussi, l'abondance des avalanches de pierres déterminées par la secousse, et cela même dans les vallées.

Ainsi du fait d'un tremblement de terre de faible intensité le glacier du Tour a reçu une masse importante de produits d'éboulement; en second lieu, des blocs, précédemment déposés par cet appareil, ont été transportés à une grande distance des gisements qu'ils occupaient primitivement, et, des masses considérables de gros éboulis sont arrivés dans des localités qui en étaient dépourvues ou se sont mélangés à des matériaux d'autre origine dont il sera difficile de les distinguer. De là deux conclusions : les partisans de l'érosion glaciaire ne pourront plus considérer les moraines du glacier du Tour comme représentant le cube de l'érosion produite par cet appareil; de plus, désormais il sera impossible de reconstituer les dimensions du glacier à une époque antérieure au moyen des blocs dits erratiques, par l'excellente raison que l'on ne pourra distinguer ceux d'origine fraîchement glaciaire des produits des éboulements déterminés par le sisme.

A l'erratique des avalanches et des éboulements ordinaires, à celui des débâcles glaciaires, au fluvio-glaciaire, bref à tous les produits de désagrégation des cimes qui se rencontrent dans les vallées montagneuses, il faut ajouter une nouvelle espèce d'erratique, l'erratique sismique, pourrait-on dire, et en raison de la fréquence des tremblements de terre dans les Alpes il est certainement abondant. De ce fait la distinction des formations d'origine véritablement glaciaire se trouve encore compliquée et devient de plus en plus incertaine dans la haute montagne, c'est-à-dire au-dessus de 2 000 mètres. CHARLES RABOT.

La destruction des loups en France'. Pendant la période quinquennale 1902-1903 il a été tué en France 512 loups, dont 306 louveteaux. Dans cette

1. Charles Grad, Observations sur les glaciers de la Viège et le massif de Monte-Rosa, en juillet et août 1866, in Annales des Voyages. Année 1868, 2° vol., p. 279.

2. Revue des Eaux et Forêts, XLV, no 14, 15 juillet 1906, p. 440.

statistique les départements qui arrivent en tête sont la Haute-Vienne avec un total de 100 loups et louveteaux, la Dordogne (80), la Charente (66), la Meuse (38). Pendant cette période les prises se répartissent ainsi par années :

[blocks in formation]

Comme terme de comparaison, signalons que de 1818 à 1829, soit en douze ans, il fut tué par les lieutenants de louveterie 18707 loups, soit une moyenne annuelle de 1559. Et dans ce nombre ne sont pas compris tous les individus, sans doute nombreux, tués par les chasseurs ordinaires. De même dans le département des Vosges, de 1817 à 1842, il a été détruit, en moyenne, 64 loups par an, tandis que de 1901 à 1905 il n'en a été abattu en moyenne que 35.

Le loup est donc en voie d'extinction; dans un avenir rapproché on peut même prévoir sa disparition. Cu. R.

La sécheresse dans le Jura en 19061. Jamais, de mémoires d'homme, le haut Jura n'a été aussi complètement privé d'eau que pendant la sécheresse de l'été et de l'automne derniers. Cette sécheresse persistante de cinq mois, qui a tari les rivières du centre et de l'est de la France, avait été précédée par celles des étés 1904 et 1905, et après avoir rappelé celles de 1870 et de 1893, dont les vieux de la campagne avaient gardé le souvenir légendaire, elle en a dépassé les effets, puisque nos sources n'avaient pas connu depuis 1643 pareille détresse (on le sait par l'émergence de repères placés à cette date dans la Fontaine de Vaucluse). Les calcaires fissurés des hauts plateaux du Jura (ce qu'on appelait jadis la « moyenne montagne »), qui alimentent les sources vauclusiennes situées en contre-bas (Loue, Lison, Cuisance, Dard), ont été d'autant plus éprouvés qu'ils n'ont d'autres sources que l'eau fournie par les courts chainons qui en accidentent la surface. De là la disposition des villages sur le pourtour de ces chaînons, à proximité des points d'eau, et cette épithète de « Fontaine >> Pierrefontaine, Passon fontaine, Combeaufontaine, qui rappelle que la question de l'eau est pour eux la première. Dès le milieu de l'été, les réservoirs d'eau des gares P.-L.-M., à Valdahon, sur la ligne Besançon le Locle, à Boujailles (Mouchard-Pontarlier) étaient à sec, et pour alimenter ce dernier, après avoir essayé de pomper à Pontarlier l'eau du Doubs, on dut aller chercher l'eau en bas, dans la plaine, à l'aide de wagons-citernes, d'abord dans la Loue, à Mouchard, puis dans le Doubs à Dôle, à 90 kilomètres de là, et 600 mètres plus bas!

C'est que le Doubs à Pontarlier tarissait à son tour! Malgré les lacs de Remoray et de Saint-Point qui lui servent de régulateurs, il était tombé, à la fin d'octobre, à un débit de 400 litres par seconde, étiage extrême qu'on ne lui avait jamais connu,

1. Voir sur les effets de la sécheresse dans d'autres régions: Charles Rabot, La Geographie, XIII, 5, 15 mai 1906, p. 370-374, et Albert Demangeon, ibid., XIII, 2, 15 février 1906, p. 136-139.

et ces 400 litres se perdant en aval, à partir d'Arçon, dans les fissures mal bouchées du Portlandien, il n'en avait plus que 100 à Remonot où il se reconstitue. Ces 300 litres allaient alimenter souterrainement la source de la Loue, à 10 kilomètres de distance et à 300 mètres en contre-bas : c'est peu en temps normal, c'était alors les trois quarts du débit.

Ainsi sous nos yeux, et un peu plus chaque jour, la Loue soutire par-dessous terre ses eaux au Doubs, jusqu'au jour prochain où elle les prendra toutes, par érosion régressive et agrandissement des fissures, et où le Doubs en amont de Pontarlier ne sera plus que le cours supérieur de la Loue, par un de ces phénomènes de capture dont M. Fournier nous a cité, dans ce même Jura, des exemples presque contemporains de nous. Une conséquence de cette disette d'eau a été la recherche et le captage des sources des hautes chaînes par les habitants des villages en plateau, qui ont fait à M. Fournier la même ovation qu'à l'abbé Paramelle autrefois, prêtant à son marteau un peu du pouvoir magique attribué à la baguette divinatoire des (sourciers ».

En aval de Morteau le Doubs remplit les « bassins » formés derrière un éboulement, et dont il s'échappe par le Saut du Doubs'. Ces bassins, dominés par des falaises calcaires à pic, et qui passaient pour insondables, ont en réalité de 30 à 35 mètres d'eau; on les avait vus déjà presque à sec dans l'été 1893. Cette année, l'eau a baissé davantage, découvrant en place des bassins un fond de vase inconsistante, où l'on ne se risquait pas sans danger, à travers lequel serpentait le Doubs, réduit à l'état de filet, et qu'on passait sur des planches. On a pu assister au creusement d'un «sous lit » en contre-bas du plafond des bassins.

Seuls les deux derniers bassins conservaient de l'eau. Du 3 juin au 5 octobre le niveau de l'eau a baissé de 16 m. 91, et les bassins, réduits des deux tiers en longueur, présentaient le singulier aspect d'une plage de boue à marée basse, à 15 ou 16 mètres en dessous de la ligne de végétation. Cet asséchement a servi les projets d'utilisation des forces motrices que représente cette masse d'eau, en déterminant l'emplacement des fissures par lesquelles fuit l'eau à travers le barrage formé par l'éboulement, et en faisant d'intéressantes expériences de coloration à la fluorescéine.

L'effet de telles sécheresses ne se répare pas de sitôt, car c'est un fait connu que les fissures s'agrandissent par dessiccation, et que les calcaires, par leurs « emposieux », absorbent de plus en plus l'eau superficielle. La sécheresse a aussi mis en évidence l'extrême variabilité des sources du calcaire que l'on a tendance à croire pérennes et égales. Il n'en est rien, comme on l'a vu par la source de la Loue. Il en a été de même sur l'autre versant du Jura, où l'on a suivi certaines sources, comme celle de la Serrière, dont la variabilité extrême est de 1 à 37 (variabilité moyenne, 1 à 20), et de l'Oreuse variabilité moyenne, 1 à 130; extrême, 1 à 500.

Par suite des pluies de ces derniers jours, les bassins du Doubs ont recommencé à se remplir. Ces pluies ont été moins abondantes d'ailleurs dans la Suisse occidentale que dans la Suisse centrale et orientale, où elles ont été provoquées par un coup

1. H. Schardt, Sur l'origine du lac des Brenets, in Mélanges géologiques, Neuchâtel, IV, 1905,

p. 312.

de foehn qui a fait monter la température à 20° à Glaris, à 10° au Pilate et au Righi, à 5° au Saint-Gothard.

Dans la région des lacs de la haute Italie, où un régime d'averses torrentielles dure encore, le lac Majeur a monté de 2 mètres, et à sa surface flottent des arbres charriés par les torrents. Le village de Tavernola (lac d'Iseo) a continué de glisser. La ligne du Gothard a été interrompue par l'éboulement d'un tunnel sur la section entre le lac Majeur et le lac de Lugano. La crue du Tessin dépasse celle de 1868. PAUL GIRARDIN.

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L'hydrographie des collines Euganéennes dans ses rapports avec la géologie de la région '. Dans le creusement de leurs lits, beaucoup plus que les grandes rivières, les cours d'eau faiblement alimentés subissent les influences génétiques et tectoniques des territoires qu'ils traversent. En raison même de leur faible puissance, triomphant lentement de l'inégale résistance des roches à l'affouillement et des lents mouvements de l'écorce terrestre qui affectent leurs bassins, ils gardent la trace très nette des vicissitudes par lesquelles ils ont passé et des actions directrices qu'ils ont subies. L'histoire de leur évolution se trouve, en quelque sorte, gravée sur les roches de leurs talwegs, et, pour l'écrire, le géologue n'a qu'à relever ces inscriptions, c'est-à-dire les profils en long et en travers de ces cours d'eau. C'est à cette tâche que s'est employé avec succès le professeur L. de Marchi dans le massif des collines Euganéennes. Ce relief, dressé à l'ouest de Padoue, comme une île au milieu de la plaine de la Vénétie, est constitué par des roches volcaniques, les unes compactes (basaltes et trachytes), les autres relativement tendres (tufs), par ces calcaires néocrétacés que les géologues italiens désignent sous le nom de scaglia, enfin, par des marnes éocènes.

Suivant la nature des terrains dans lesquels ils sont établis, les profils verticaux des cours d'eau présentent des tracés très différents.

Deux cas sont à considérer suivant que le cours d'eau traverse un territoire homogène ou hétérogène. L'étude des ruisseaux euganéens établis en terrain homogène a conduit M. L. de Marchi aux conclusions suivantes :

1o Dans les vallées supérieures les pentes maxima s'observent dans les tufs, puis, par un ordre de décroissance, dans les trachytes, dans la scaglia et dans les

marnes.

2o Dans les parties moyennes et inférieures des vallées les pentes vont en décroissant dans les trachytes, dans les tufs, dans la scaglia et dans les marnes.

3o Dans les trachytes, sauf dans leur zone inférieure, et dans les marnes, les profils des cours d'eau sont des droites, tandis que dans les tufs et dans la scaglia ce sont des courbes à pente régulièrement décroissante, plus accentuée, toutefois, dans la première de ces roches que dans la seconde. C'est que dans les régions supérieures le tuf, continuellement érodé, présente, au contraire du trachyte, une surface crevassée; par suite l'action mécanique des eaux s'exerce dans le tuf avec

1. Luigi de Marchi, L'idrografla dei colli Euganei nei suoi rapporti colla geologia e la morfologia della regione. Presentata nell'adunanza ordinaria del 9 luglio 1905 del R. Istituto veneto

une plus grande facilité, et détermine en conséquence une pente plus accusée. Ici l'hydrographie est commandée par le relief.

Dans les régions moyennes et inférieures, par contre, le lit excavé dans le tuf est aplani par les matériaux entraînés : c'est alors l'hydrographie qui commande le relief.

Cette variété de profils dérive du degré de résistance opposée par les terrains traversés à l'érosion, laquelle est en relation avec trois facteurs, d'après M. L. de Marchi. Ces facteurs sont :

a) L'irrégularité du lit qui détermine un affouillement dont le coefficient est beaucoup plus élevé que celui de l'action mécanique moléculaire correspondant à un courant continu et régulier;

b) Les matériaux grossiers entraînés par le courant, roulés ou striés sur le fond;

c) Les menus sédiments en suspension qui accomplissent un perpétuel travail d'érosion sur les roches du fond.

En territoire hétérogène, les cours d'eau tendent à prendre dans la traversée de chaque terrain le profil caractéristique de ce terrain. Le raccord entre les diverses. sections se produit par une rupture de pente et c'est à cette circonstance que sont dus les principaux accidents que présentent les profils des rivières euganéennes. Si telle est la règle, très nombreuses sont les exceptions; elles dérivent principalement de la direction du cours d'eau par rapport à celle de la stratification et de la position stratigraphique des couches inégalement résistantes à l'érosion. Cette dernière influence est particulièrement importante et M. de Marchi discerne quatre cas dans lesquels elle imprime au tracé du talweg une forme typique :

1o Une roche dure sert d'appui à une roche tendre qui la recouvre suivant une surface horizontale ou inclinée dans le sens du courant. C'est le cas d'une assise de marne, de scaglia ou de tuf déposée sur une coulée trachytique. Le profil, concave dans les strates tendres, devient tangent à la surface de contact avec l'assise dure : le raccord des deux profils s'effectue suivant un arc convexe.

2" La roche dure est recouverte verticalement et latéralement par la roche tendre: c'est le cas d'un dyke soutenant une roche sédimentaire. Le profil, concave dans la roche tendre, a la roche dure comme niveau de base. Le raccord a lieu selon un

arc convexe.

3o La roche tendre sert de base et de soutien à la roche dure : c'est le cas d'une coulée trachytique ou d'un filon intrusif qui est venu recouvrir une roche sédimentaire. Le raccord des deux profils se fait par une rupture de pente en dessous de laquelle se produit une excavation. Cette rupture engendre naturellement une chute d'eau. De cette forme il n'existe qu'un exemple dans le massif euganéen, celui de la cascade de Schivonoja.

4o La roche tendre recouvre la roche dure jusqu'à une certaine hauteur : c'est le cas d'une couche sédimentaire soulevée en coupole par une intrusion laccolithique et érodée du sommet, si bien qu'elle ne recouvre plus que les flancs de la masse intrusive. Rectiligne et abrupt en haut, le profil s'adoucit dans la roche tendre inférieure. C'est le type de tous les cours d'eau des collines euganéennes descendus des

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