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La distance de Bou-Djebeha à Araouan est d'environ 100 kilomètres. Le terrain est tout d'abord uniformément uni et plat et les quelques noms que les indigènes appliquent à des surfaces qu'ils traitent de dunes, seraient plutôt des noms de région, tant sont faibles les mouvements du sol. Les pacages sont fournis et là où fut jadis l'ancien puits détruit d'Akortat se trouve un pâturage garni d'herbe fine, un des plus beaux de l'Azaouad. Mais au delà, peu à peu, les touffes se raréfient jusqu'à la grosse dune de Bourouhérai qui borde le sud d'Araouan et s'étend vers l'est et l'ouest, montrant jusqu'à l'horizon ses cônes de sable mouvant coiffés d'une fumée de sable emporté par le vent. Là, la végétation cesse complètement et jusqu'à Araouan, visible dans le lointain, ne s'étend plus qu'une plaine de sable, à peine mamelonnée de quelques dunes mobiles, sans un brin d'herbe aussi loin que l'œil peut porter. L'impression est celle d'un paysage lunaire dans toute sa stérilité.

Le 20 avril, le capitaine Cauvin installait devant les puits orientaux d'Araouan le campement de la reconnaissance.

Araouan, centre antérieur à Tombouctou, dit le Tarik-ès-Soudan, compte de 900 à 1 000 habitants. Il est bâti au fond d'une cuvette, très étroite, dont des monticules de sable mélangé de débris détritiques forment de tous côtés les bords. Seules quelques-unes de ses cases, débordant la dune, sont visibles de loin; le gros de la ville n'apparaît au voyageur que lorsqu'il a gravi cette ceinture entièrement fermée; il reste alors stupéfait d'entrevoir à ses pieds tout ce groupement de maisons dans un trou qu'il n'avait pas soupçonné! Sur les points culminants de cette dune qui l'enserre et vient ensabler ses maisons extrêmes, Araouan a construit, à l'est, au nord, au sud et à l'ouest, quatre tours carrées de défense; deux puits sont dans la ville; les autres sont épars dans toutes les directions de l'autre côté de la dune, particulièrement nombreux vers l'ouest.

Le chef d'Araouan est le grand marabout Arrouata, un beau vieillard de soixante-dix à quatre-vingts ans, toujours la pipe à la bouche, la réflexion lente, mais encore nette.

Durant les deux jours que le détachement de méharistes passa à Araouan, le vieil Arrouata, sur la demande du capitaine, avait fourni deux guides; il nous avait renseigné sur les difficultés de la route, les pâturages, le mode de voyage; fait rassembler tout le riz disponible et fourni des peaux de bouc de rechange.

Le 22 avril, la reconnaissance se trouvait donc à peu près en état de tenter cette terrible étape de 500 kilomètres qui la séparait de Taodéni. Vers le kilo

mètre 380, elle devait bien rencontrer le puits d'Ounàn; mais il n'a qu'un faible débit et est même très souvent à sec; dans ces conditions il eût été imprudent de compter sur cette ressource et toutes les dispositions durent être prises pour atteindre, le cas échéant, Taodéni d'un seul bond.

En conséquence, il fut décidé, qu'adoptant le mode de cheminer des cara

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FIG. 53.

Leve par le Lieutenant Cortier de la Cmontee de Tombouctou

PLAN D'ARAOUAN LEVÉ PAR LE LIEUTENANT CORTIER.

Le point le plus bas a été pris comme 0 arbitraire du nivellement.

vanes maures, la reconnaissance effectuerait neuf étapes successives de nuit; à l'allure d'environ 4 km. 5 à l'heure, elle aurait à marcher seize heures sur vingt-quatre, sans arrêt autre que la halte de jour entre neuf heures du matin et cinq heures du soir. D'autre part, le grand aszalai semestriel, sous la conduite de Mahmoud-oul-Dhaman, chef des Bérabiches, retardé par la présence au nord du ressou dont il a été question, était encore groupé près des puits

imminent. Bien que notre présence fût de nature à accroître la sécurité de la caravane, les indigènes se montraient peu enthousiastes d'être ainsi accompagnés; cependant, en se maintenant à distance, tout en réglant notre marche sur la leur, il était possible d'alléger nos animaux en leur confiant quelques charges et d'effectuer le trajet dans des conditions plus favorables. Nous pouvions, en effet, profiter de leurs guides, suivre les traces laissées par leurs animaux et surtout être renseignés par eux sur ce qui se passerait à l'avant.

Quelques heures avant le départ, un courrier rapide qui avait franchi à chameau en trente-deux heures les 250 kilomètres qui nous séparaient de Tombouctou, apportait la copie d'une dépêche annonçant que le lieutenantcolonel Lapérrine fixait d'une façon ferme au 10 mai la date de jonction à Taodéni. Une note du commandant du territoire militaire apportée en même temps ouvrait un crédit pour la location de quelques chameaux supplémentaires.

Dans ces conditions, étant donnée la quantité limitée de vivres dont nous disposions, le départ fut retardé de sept jours et le détachement vint s'installer dans une case du village d'Araouan pour compléter ses préparatifs et attendre les animaux qui furent demandés de suite aux divers chefs de fraction.

Ce sursis fut des plus profitables et peut-être est-ce à lui que doit être attribué le succès de l'expédition; une inspection plus minutieuse put, en effet, être passée et tous ceux de nos chameaux reconnus médiocrement aptes aux efforts prévus, furent remplacés par des bêtes louées et spécialement choisies. Aussi, lorsque le 30 avril au soir, le détachement, fanion en tête, défila aux portes d'Araouan sur la route de Taodéni, la confiance régnait parmi les noirs comme parmi les blancs et l'appréhension des fatigues à subir avait disparu devant la certitude de la réussite et l'espoir de la récompense.

A quelques kilomètres au nord, Araouan voit encore son horizon fermé par une dune de sable mouvant. Là, les chameaux dont certains n'ont reçu qu'un dressage hâtif, enfoncent, hésitent devant la descente abrupte et glissent avec leurs charges qui roulent dans le sable. Il faut alors arrêter le convoi; les chameliers s'affairent, font coucher les animaux dont les grognements rauques résonnent au loin dans la nuit silencieuse, et replacent en équilibre l'échafaudage laborieux des deux charges égales tenues par des cordes. Que de fois durant les étapes se reproduiront cette scène et ces bruits impressionnants et lugubres !

Mais sitôt le mauvais pas franchi et dès que sont dépassées les ruines d'un village dont subsiste seule la tombe de son ancien chef, nous n'avons plus devant nous pendant 200 kilomètres que l'immensité unie des sables où deux ou trois pacages desséchés sont les arrêts forcés des caravanes.

L'aube du troisième jour trouve le détachement campé dans la région de Bougouérai. Là, sont les derniers pacages existant vers le nord; de ce point

jusqu'au delà de Taodéni, sur 500 kilomètres, plus une plante, plus un brin d'herbe! Les tirailleurs profitent du repos pour couper d'énormes bottes de paille; les animaux, par la suite, trouveront en elles une maigre réserve de nourriture destinée à tromper leur faim et à interrompre un jeûne forcé de peut-être vingt-cinq jours.

Le soir, dès que les chameaux sont rentrés, les chameliers, suivant l'usage des autres caravaniers, leur ficellent fortement le museau pour les empêcher de ruminer, de telle sorte que les aliments absorbés se répandent plus lentement dans l'organisme. Dès lors, pendant trois semaines, les pauvres bêtes vont rester ainsi, la bouche liée, respirant à peine, et, seulement délivrées pour quelques insuffisantes distributions de la paille emportée aujourd'hui.

Dans la nuit du quatrième jour, est franchie la porte de Fom-el-Alba, immense brèche à travers une dune particulièrement pénible et abrupte. D'après une légende indigène, le Niger coulait, jadis, dans cette région; une femme d'Araouan, suivant le long du fleuve la trace de ses bœufs fugitifs, atteignit Fom-el-Alba et y retrouva son bétail paissant au bord de l'eau.

Au delà, les dunes mobiles réapparaissent; mais peu à peu des têtes de grès saillent de-ci et de-là; la plaine se recouvre de cailloux d'abord, puis de blocs de rochers de plus en plus gros, aux arêtes tranchantes, qui forment sur le fond clair du sable de larges ilots rougeâtres, plus sombres. C'est la région d'Atouila qui se continue, ondulée et pénible à la marche, jusqu'à Ounàn. Dans le voisinage immédiat du puits, apparaissent non plus seulement des affleurements de roches épars sur le sol, mais bien d'importants massifs, hauts de 12 à 15 mètres, qui modifient le relief de la plaine et entre lesquels la route passe comme en un défilé.

Au milieu de ces mamelons, au fond d'un vaste cirque désolé, brûlé par le soleil et tout parsemé des ossements blanchis des chameaux morts à l'étape, s'ouvre l'orifice étroit du puits lui-même. Profond d'une quinzaine de mètres, il traverse la couche des sables pour pénétrer dans une argile grise à la surface de laquelle suintent quelques filets d'eau qui viennent se rassembler en contre-bas dans une vasque boueuse.

Le 6 mai les méharistes soudanais étaient à Ounân, harassés de fatigue et las d'une marche de sept jours durant lesquels ils n'avaient eu comme repos que les quelques heures de l'arrêt journalier passé sous le soleil vertical, sans abri, dans la température étouffante. Et à l'arrivée, il leur fallut descendre à l'aide de cordes dans le trou béant du puits, et, par équipes alternantes, y puiser à la main, nuit et jour, les quelques gouttes d'eau perlant sur la paroi humide. Le débit atteint péniblement 500 et 600 litres par vingt-quatre heures; quelques outres seules purent être remplies de telle sorte qu'une section dut prolonger son séjour d'une nuit, afin de compléter la provision

Dès que sont franchies les crêtes mamelonnées qui enclosent le cirque d'Ounan, la plaine réapparaît couverte seulement d'un gravier léger et poli; parfois elle est coupée de lits desséchés de ruisseaux qui vont invariablement se perdre vers l'ouest. Ces oueds, sans berge, ont à peine creusé la surface unie du désert, el, sont marqués surtout par les traînées de sable fin sous lesquelles les eaux ont enfoui les cailloux lors des tornades annuelles.

Soudain la route s'enfonce et s'enserre, et la pente accrue a fait bientôt du sentier un véritable défilé tortueux entre des massifs tabulaires qui surplombent d'autant plus que la descente est plus avancée. Nous sommes à l'arête de Lernachich', qui forme à la plaine du sud un grandiose mur de soutènement et qui est, vers le nord, la première marche de cette vaste dépression étagée dont la deuxième marche sera le ressaut de Fôm-Ellous surplombant, au plus creux de cet ombilic terrestre le petit ksar de Taodéni, notre but.

Sitôt qu'est dépassé le Lernachich et atteint le Djouf inférieur, l'aspect de la région change complètement. Le fond de la vallée est toujours uni et garni de cailloux si symétriquement rangés sur le sol que chacun se distancie également de ses voisins et qu'aucun ne chevauche sur l'autre; mais, de tous côtés s'élèvent d'énormes massifs rocheux, aux pentes abruptes, qui viennent se raccorder à la plaine par ressauts successifs. Leurs sommets aplatis semblent des témoins de l'ancien niveau du désert. Parmi ces massifs, voici le Jakanir, point de direction lointain et que va longer la route, puis au delà, voici l'imposant rocher de Glébé-Doréno, d'une seule pièce et à pic; voici enfin là-bas le Fom-Ellous célèbre, la porte des salines, le passage dangereux entre tous. Là, en effet, la route encaissée et étroite, longe à l'est le rocher vertical, tandis qu'à l'ouest s'amorce une énorme dune de sable aux flancs inclinés et croulants. Là, disent les Bérabiches, les pillards marocains viennent régulièrement guetter les caravanes chargées de sel et telle est l'étroitesse du sentier unique que leurs sentinelles peuvent tendre d'un bord à l'autre des cordes fixées à leurs bras et s'endormir en repos, sûres d'être, au moment opportun, réveillées par la traction des ficelles entortillées dans les pieds des chameaux attendus. En avant, la plaine semble s'être brusquement effondrée et de ce point, observatoire unique, la vallée apparaît à 60 mètres plus bas, ouverte à l'infini, embrumée dans les lointains plats, tandis que d'énormes cônes de roches, jetés comme au hasard, saillent de-ci et de-là et font émerger au-dessus de la vapeur basse leurs sommets pointus aux strates horizontales.

Voici au loin, dans cette sorte d'enclos qu'une énorme charrue paraît avoir défoncé et retourné, les salines célèbres, et au delà ridiculement minuscule dans le cadre immense du désert, Taodéni lui-même, la ville inviolée,

1. Ou Rhénachich.

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