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Sur l'emplacement même de Taodéni il n'y a pas de sel. Bien plus, si l'eau des salines est extrêmement saumâtre et impropre à la boisson, à 3 kilomètres de là, à Taodéni, les puits, profonds de 12 à 15 mètres, ne rencontrent pas les couches salines et leur eau, chargée de sulfate de magnésie, peu désaltérante et très purgative n'a aucun goût de sel. Tandis que toutes les strates du GartHamou-Sala, formées d'argile rouge et verte et de calcaire, sont parfaitement horizontales, une crête allongée plus au sud, orientée est-ouest, qui se prolonge par un affleurement au niveau du sol, jusqu'au sud du Gart-Hamou-Sala, est formée par une strate d'argile gris-bleu qui saille presque verticalement, à peine légèrement inclinée vers le sud et qui semble former le fond de la cuvette où reposent les couches de sel.

Durant nos visites aux mines, le caïd de Taodéni, nommé Aba-Kaïna, nous avait fourni de précieuses explications; celles qu'il put nous donner sur sa ville même furent plus vagues.

Taodéni, au pied du Gart-Hamou-Sala qui le domine, est une toute petite bourgade d'environ 40 à 50 chefs de case, soit environ 200 habitants; elle est complètement enfermée dans un rectangle de murs faits de blocs d'argile agglomérés à la chaux. La seule porte se trouve au milieu de la face ouest sous une tour qui supporterait, paraît-il, deux canons que nous ne vimes pas; devant l'entrée est un enclos carré formé d'un mur peu élevé. Les murailles sont terminées à chaque angle par un bastion; la face ouest, outre ses deux bastions d'angle et sa tour d'entrée, comporte un bastion intermédiaire.

Dès qu'est franchie la porte, on se trouve devant une petite place où aboutissent quatre ruelles, étroites, tortueuses, d'une saleté repoussante, qui s'écartent dans diverses directions et se terminent en cul-de sac à des portes d'habitations particulières. La case du caïd, surmontée d'une tour, est au nord du village; un puits intérieur est au sud.

La ville n'aurait, dit la tradition orale, qu'environ trois cents ans d'existence. Antérieurement et de temps immémorial, les mines de sel étaient à Taghaza, à cinq jours au nord-ouest de Taodéni et appartenaient à la tribu des El-Agardaoui qui les exploitaient. Cependant Taghaza, ayant, vers l'an 1600, refusé l'entrée de ses murs à une troupe marocaine, fut détruite sur l'ordre du sultan, ses mines comblées et ses habitants dispersés. Quelques-uns vinrent s'installer près du Taodéni actuel. Ceci se passait lors de l'époque de l'occupation marocaine de Tombouctou. Le caïd Ayouni, passant près de FomEllous, y reconnut le premier, sur l'emplacement actuellement exploité, la présence du sel. Comprenant aussitôt l'importance d'une découverte rendue plus utile par la suppression récente de l'exportation de Taghaza, il se rendit à Marakech auprès du sultan Moulay-Sliman et obtint de lui le commandement du pays. Il revint alors avec armes et bagages; les El-Agardaoui s'étant enfuis à son approche, il put à son aise créer d'abord un groupe de cases à

Télik, à 28 kilomètres à l'est, puis s'installer définitivement au Taodéni actuel dès que des puits suffisants y eurent été forés.

Du vivant de Ayouni, le sultan Moulay-Sliman envoya un renfort de 10 000 hommes à Tombouctou; ceux-ci se perdirent dans le désert et pas un ne reparut. Une deuxième colonne, expédiée à cheval, atteignit Taodéni, creusa à Télik les nombreux puits existants, affermit au passage l'autorité d'Ayouni et parvint ensuite heureusement à Tombouctou.

Dès lors Taodéni vécut de l'exploitation de ses salines, sans à-coup ni pillage violent; elle eut bien quelques luttes avec un village voisin rival que les gens de Taodéni parvinrent à détruire; mais, jusqu'ici, les rezzous marocains la respectèrent tout en la rançonnant régulièrement. Peu à peu l'autorité du sultan du Maroc s'est affaiblie et Taodéni est devenue complètement indépendant. L'autorité se perpétua dans la famille d'Ayouni et passa successivement au caïd Abd-el-Malek, au caïd Dachman, au caïd Zéïn, au caïd Naji, au caïd Mohammed, enfin au caïd Aba-Kaïna, le chef actuel.

Cette liste de caïds est certainement incomplète, et l'histoire de la ville un peu légendaire; nous nous sommes borné, faute de documents écrits, à rapporter tels quels les dires du caïd Aba Kaïna lui-même.

Outre ses salines, Taodéni doit sa célébrité à son noeud de routes important. De là partent la route Taodéni-Tindouf, la route Taodéni-MaraboutiTafilet, la route Taodéni-Touat, la route Taodéni-Gattara-Achorat.

La route Taodéni-Tindouf, dont l'azimut général magnétique est 38°, passe aux puits de Moul-essem à 4 jours de Taodéni, au puit de Taghaza à une demi-journée de Moul-essem, au puits de Gob à un jour de Taghaza, au puits de Toufourine (1 jour), au puits de Bourir-Helif (3 jours), au puits de L'Guéseib (4 jours), au puits de Soulémia (4 jours), au puits d'Atouilé (1 jour), au puits de Lahouina (3 jours), etc.; enfin arrivée à Tindouf (4 jours); Soit, en tout, environ 25 jours de marche à 50 kilomètres en moyenne par étape.

La route Taodéni-Marabouti-Tafilet n'a pu être donnée.

Quant aux deux autres, elles furent par la suite parcourues soit par le' colonel Lapérrine, soit par nous-même et les indications obtenues par renseignement deviennent peu utiles depuis que le lever de ces itinéraires a pu être fait.

Après être restés durant sept jours devant le petit ksar de Taodéni, dans l'attente vaine des Algériens, parvenus à l'extrême limite de nos vivres, nous dùmes prendre tristement nos dispositions pour le retour vers le sud. Il fut cependant décidé que le détachement irait tout d'abord reconnaître les puits de Télik où venait de séjourner l'azalaï bérabiche et que là, il se scindrait ensuite

reprendrait par Ounân la route d'Araouan, le reste du détachement, sous mes ordres, se porterait dans l'est, au-devant du colonel Lapérrine, jusqu'au puits de Gattara et de là descendrait directement au sud sur Bou-Djebeha où le rendez-vous était fixé pour le 2 juin.

Ce plan permettait d'accroître de quelques jours le délai d'arrivée accordé aux Algériens; de plus il donnait l'occasion de lever une route d'accès entièrement nouvelle, plus longue, mais par contre plus facile au dire des indigènes. Le capitaine, de son côté, reconnaîtrait le sentier Telik-Ounân et à son arrivée à Araouan pouvait espérer y trouver des renseignements venus de Tombouctou sur les causes du retard du colonel Lapérrine.

En conséquence, un guide pour l'itinéraire nouveau fut de suite demandé. Un peu contre son gré, le vieux Lahabib, un Arabe à barbe blanche qui avait dirigé deux ans auparavant les Ouled-Djerir lors de leur rezzou contre Tombouctou, dut se joindre à ma section pour la conduire à Gattara d'abord, puis à Bou-Djebeha. Le caïd assurait qu'il connaissait fort bien le sentier et luimême ne semblait pas s'en défendre.

Donc, les dispositions ayant été prises, le 16 mai au soir, les Soudanais se mettaient en marche vers l'est. De Taodéni à Télik la distance n'est que de 28 kilomètres environ, et la route court par le fond de la dépression, longeant parfois ces massifs isolés déjà entrevus de Taodéni les jours précédents.

A l'aube nous cheminons sur la bordure d'une vaste plaine unie à notre gauche, tandis que nous domine, à droite, une longue arête rocheuse, formée de pitons alignés sur un soubassement tabulaire.

Plus loin la ligne de crête s'effondre brusquement devant un profond cañon dans lequel s'engouffre le lit de l'oued Télik. La gorge est sauvage et terrible; la rivière, décrivant un arc à double courbure, s'enserre pendant un kilomètre entre des roches à pic et des arêtes aiguës qui forment autour d'elle un vaste cirque, impressionnant coupe-gorge.

De tous côtés, des petits ruisseaux en éventail viennent grossir l'oued à son entrée dans la montagne; là sont les puits, profonds de 2 mètres, au nombre de 40 environ, tandis qu'en arrière gisent les ruines d'un petit village, peut-être le Télik primitif, au pied desquels sont les sources les plus pures. L'eau est très abondante; au fur et à mesure des besoins, les caravaniers creusent de nouveaux puits, tâche facile, de telle sorte que le nombre des trous s'accroît ou diminue au caprice de l'ensablement.

Télik est avec Fom-Ellous un des passages les plus dangereux du désert. Partout les traces y subsistent de luttes récentes entre Bérabiches et pillards; des ossements d'animaux, voire d'hommes, jonchent le sol.

L'arrêt des méharistes en ce point ne dura que quelques heures. Aucune nouvelle n'y fut reçue. Dans la nuit du 18 mai, sitôt que les approvisionnements d'eau eurent été complétés, les deux détachements soudanais se met

taient en marche, le capitaine vers Ounan en rejoignant la route de l'aller, moi vers Gattara par l'itinéraire nouveau que nous allons étudier.

Cet itinéraire emprunte jusqu'à Gattara la route qui, par Achorat, mène au Timétrin; c'était celle par laquelle le lieutenant-colonel Lapérrine était attendu et son utilisation était une dernière tentative vers une jonction sur laquelle nous ne comptions plus guère.

Le sentier longe d'abord la partie sud de la chaîne des pitons aigus de

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Telik; après quelques kilomètres, cette arête se termine brusquement en ressauts étagés, découvrant une vaste dépression piquée de cônes rocheux et bordée, dans l'ouest lointain, d'une ceinture de montagnes aux formes géométriques. De la plaine de l'est, uniforme et plate, y aboutit une série de petits oueds qui se creusent chacun une vallée au milieu des pierres éparses et des cailloux gris-bleuté. Le dernier de ces vallonnements, et le plus impor

tant, est coupé par un seuil rocheux, oblique à la direction du talweg; l'eau venue de l'amont franchit l'obstacle en une cascade, actuellement tarie, mais nettement marquée dans le rocher. Après avoir encore coupé une ligne de pitons isolés sur un plateau rocailleux, le sentier s'engage dans la plaine aride, désormais unie jusqu'auprès de Gattara, et où viennent mourir par places, au bord de la route, les derniers contreforts des montagnes de l'ouest. Dans des anfractuosités de rochers subsistent quelques traces de pâturages séchés, quelques touffes de hâd que refusent les chameaux.

Gattara lui-même gît au fond d'un oued assez vert, dans la pente d'un renflement rocheux sur lequel le sentier s'élève par une montée très rude. Le puits est peu profond (12 m.), très large, très abondant. Les bords de l'oued, surtout vers l'amont, sont garnis de pâturages et se resserrent autour du puits entre des roches dominantes.

Au moment où les Soudanais arrivaient, le 20 mai au matin, sur le puits de Gattara, les éclaireurs d'avant-garde signalèrent trois méharistes sur une crête à quelques kilomètres en avant.

Ce pouvaient être, fut-il tout d'abord pensé, quelques caravaniers kountas. Mais voici que ceux-ci nous ont aperçus; après un instant d'hésitation ils s'avancent franchement au-devant de nous et bientôt s'annoncent : c'est le lieutenant Niéger de la compagnie du Touat et deux Chambas d'escorte précédant de peu le colonel Lapérrine et sa troupe.

Grand est alors l'enthousiasme parmi les Européens comme parmi les noirs eux-mêmes; la déception des jours passés le rend plus sensible et plus prenant. Notre mission se complète; son succès aura été total. Chacun est désormais tout à la joie de cette jonction entre camarades venus de si loin, au plaisir de la réunion, que nous voulons aussi cordiale que possible et aussi affectueuse, en ce plein centre du désert, en ce Gattara jamais vu.

Aussitôt l'allure est hâtée pour se porter au puits. Les tirailleurs y arrivent les premiers; en un clin d'œil les chameaux sont dessellés et les Soudanais en armes, se tiennent prêts à rendre les honneurs.

Pendant ce temps, en compagnie du lieutenant Niéger, le lieutenant commandant le détachement de Tombouctou, se rendait au-devant du lieutenant-colonel Lapérrine, pour lui porter les souhaits de bienvenue du lieutenant-colonel commandant le territoire militaire du Niger et les regrets du capitaine Cauvin que le hasard privait ainsi du plaisir de la jonction.

Le lieutenant-colonel Lapérrine exprima l'impatience qu'il avait éprouvée du retard apporté à sa marche par l'asséchement de certains puits. Au lieu de venir par la voie directe de Timmi à Achorat il avait dû prendre le chemin du Hoggar. D'Achorat, ses guides l'avaient encore conduit au sud, au puits d'Inichaïg d'où l'avait enfin ramené sur Gattara un nouveau crochet vers le

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