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taient en marche, le capitaine vers Ounan en rejoignant la route de l'aller, moi vers Gattara par l'itinéraire nouveau que nous allons étudier.

Cet itinéraire emprunte jusqu'à Gattara la route qui, par Achorat, mène au Timétrin; c'était celle par laquelle le lieutenant-colonel Lapérrine était attendu et son utilisation était une dernière tentative vers une jonction sur laquelle nous ne comptions plus guère.

Le sentier longe d'abord la partie sud de la chaîne des pitons aigus de

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Telik; après quelques kilomètres, cette arête se termine brusquement en ressauts étagés, découvrant une vaste dépression piquée de cônes rocheux et bordée, dans l'ouest lointain, d'une ceinture de montagnes aux formes géométriques. De la plaine de l'est, uniforme et plate, y aboutit une série de petits oueds qui se creusent chacun une vallée au milieu des pierres éparses et des cailloux gris-bleuté. Le dernier de ces vallonnements, et le plus impor

tant, est coupé par un seuil rocheux, oblique à la direction du talweg; l'eau venue de l'amont franchit l'obstacle en une cascade, actuellement tarie, mais nettement marquée dans le rocher. Après avoir encore coupé une ligne de pitons isolés sur un plateau rocailleux, le sentier s'engage dans la plaine aride, désormais unie jusqu'auprès de Gattara, et où viennent mourir par places, au bord de la route, les derniers contreforts des montagnes de l'ouest. Dans des anfractuosités de rochers subsistent quelques traces de pâturages séchés, quelques touffes de hâd que refusent les chameaux.

Gattara lui-même gît au fond d'un oued assez vert, dans la pente d'un renflement rocheux sur lequel le sentier s'élève par une montée très rude. Le puits est peu profond (12 m.), très large, très abondant. Les bords de l'oued, surtout vers l'amont, sont garnis de pâturages et se resserrent autour du puits entre des roches dominantes.

Au moment où les Soudanais arrivaient, le 20 mai au matin, sur le puits de Gattara, les éclaireurs d'avant-garde signalèrent trois méharistes sur une crête à quelques kilomètres en avant.

Ce pouvaient être, fut-il tout d'abord pensé, quelques caravaniers kountas. Mais voici que ceux-ci nous ont aperçus; après un instant d'hésitation ils s'avancent franchement au-devant de nous et bientôt s'annoncent : c'est le lieutenant Niéger de la compagnie du Touat et deux Chambas d'escorte précédant de peu le colonel Lapérrine et sa troupe.

Grand est alors l'enthousiasme parmi les Européens comme parmi les noirs eux-mêmes; la déception des jours passés le rend plus sensible et plus prenant. Notre mission se complète; son succès aura été total. Chacun est désormais tout à la joie de cette jonction entre camarades venus de si loin, au plaisir de la réunion, que nous voulons aussi cordiale que possible et aussi affectueuse, en ce plein centre du désert, en ce Gattara jamais vu.

Aussitôt l'allure est hâtée pour se porter au puits. Les tirailleurs y arrivent les premiers; en un clin d'œil les chameaux sont dessellés et les Soudanais en armes, se tiennent prêts à rendre les honneurs.

Pendant ce temps, en compagnie du lieutenant Niéger, le lieutenant commandant le détachement de Tombouctou, se rendait au-devant du lieutenant-colonel Lapérrine, pour lui porter les souhaits de bienvenue du lieutenant-colonel commandant le territoire militaire du Niger et les regrets du capitaine Cauvin que le hasard privait ainsi du plaisir de la jonction.

Le lieutenant-colonel Lapérrine exprima l'impatience qu'il avait éprouvée du retard apporté à sa marche par l'asséchement de certains puits. Au lieu de venir par la voie directe de Timmi à Achorat il avait dû prendre le chemin du Hoggar. D'Achorat, ses guides l'avaient encore conduit au sud, au puits d'Inichaïg d'où l'avait enfin ramené sur Gattara un nouveau crochet vers le

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nord-ouest. Il se hâtait vers Taodéni dans l'espoir d'y arriver à temps encore et notre rencontre ici même lui causait la plus vive satisfaction.

Pendant ce temps les deux camps se dressaient autour du puits. Au nord s'installaient les Algériens avec leur tentes vastes et aérées, leur important convoi, leur longue file de chameaux de bât, au milieu desquels, dans la vive clarté, les Chambas affairés, vêtus de leur grande chemise blanche, ceinturés de rouge sous les cartouchières à la boër, jetaient une note pittoresque et étincelante. Au sud se trouvent les Soudanais, humiliés dans leur camp tout étroit, sans bagages, presque sans vivres, avec des abris de fortune faits de couvertures tendues sur des fusils; les tirailleurs en loques de kaki sombre, mais leur prestige rehaussé par de grands chapeaux coniques de cuir rouge garnis d'une double rangée de plumes d'autruche recourbées en acanthes.

Notre intention première en rencontrant les Algériens fut de les réaccompagner jusqu'à Taodéni pour que les habitants du ksar fussent témoins de la rencontre du nord et du sud et que les populations nomades en soient par eux averties. Mais l'état de nos animaux et la petite quantité de nos vivres interdisaient toute randonnée supplémentaire; il fut donc décidé que les deux groupes resteraient quarante-huit heures au puits et que plusieurs caravanes bérabiches signalées dans le voisinage seraient convoquées, afin qu'il leur soit possible de répandre par la suite la nouvelle de cette jonction.

Pendant les deux jours passés ensemble à Gattara, la plus grande cordialité ne cessa de régner. Notre regret fut de voir s'écouler aussi vite ces minutes trop brèves. Chaque repas présidé par le colonel Lapérrine groupa tous ensemble les Européens des deux détachements; tirailleurs et Chambas, bien que se comprenant à peine, se traitèrent de leur mieux. Au nom de tous les Soudanais, je ne puis que remercier encore une fois le lieutenant-colonel Lapérrine de sa bienveillance, ses officiers, les lieutenants Niéger, Mussel et Laumonnier, de leur affectueuse camaraderie vis-à-vis de

nous tous.

Enfin, dans la nuit du 21 au 22 mai, après un toast d'adieu et quelques fusées de réjouissance, les deux détachements se remettaient en marche, l'un vers le nord, l'autre vers le sud, pour le Touat et pour l'Azaouad.

De Gattara à Inichaïg la distance est d'environ de 280 kilomètres. Le territoire compris entre ces deux points correspond sur cette direction à celui d'Araouan à Ounân, tant au point de vue de l'éloignement des puits qu'au point de vue des difficultés de la route. Les nomades de l'Azaouad considèrent, en effet, ces deux étapes comme le rempart naturel le plus sûr contre les invasions des pillards et ne cherchent nullement, pour cette raison à y rendre le voyage plus facile par le forage de nouveaux points d'eau.

d'épuisement et de fatigue inquiétant de nos animaux, nos peaux de bouc, hâtivement choisies à Araouan et réduites au strict minimum, étaient en fort mauvais état et laissaient se perdre chaque jour, une notable quantité de leur contenu. Pendant le séjour à Gattara, quelques chameaux avaient bien été réquisitionnés; les outres, de même, avaient reçu les réparations urgentes; mais ces moyens ne pouvaient suffire qu'à la condition formelle d'arriver à Inichaïg au jour prévu. On pouvait l'espérer, le guide Lahabib assurant ne point devoir se perdre d'autant que les traces des Algériens, demeurées dans le sable, pouvaient lui servir de repères fréquents.

Au sortir de l'oued Gattara, la plaine est tout d'abord faiblement ondulée et les cailloux y alternent avec les touffes d'herbages secs. Plus loin, quelques dunes mouvantes détournent le sentier qui, derrière elles, vient brusquement se heurter à l'arête rocheuse de Lernachich dont elles forment comme les contreforts avancés.

Cette arête de Lernachich est le prolongement probable du ressaut déjà rencontré sur la route d'Ounan à Taodéni; elle décrit ici, face au nord, un immense demi-cercle, plein d'anfractuosités, d'où descendent, lors des pluies, des oued maintenant à sec. Dans l'ouest éloigné, une série de pitons plus élevés la surmontent.

Comme, auprès d'Ounàn, la coupe générale de cette arête est celle d'une gigantesque muraille dont le plateau caillouteux du sud vient affleurer le sommet et qui surplombe la dépression septentrionale d'une soixantaine de mètres environ. Le chemin que nous suivons, en gravit le sommet par une longue fissure rocheuse, étroite et profondément encaissée, qu'il emprunte dans tous ses détours jusqu'à son débouché supérieur.

A partir de là, et dès qu'est franchi le rebord caillouteux du Lernachich, nous entrons dans l'infinie succession des dunes mobiles qui se pressent, comme les vagues d'une mer en furie, jusqu'au delà d'Inichaïg, presque jusqu'à Bou-Djebeha.

Mais tandis que dans la partie sud du désert, de Tombouctou jusqu'à la ligne Araouan-Guir-El Mraheti, toutes les dunes faiblement inclinées au sud ont leurs pentes à pic tournées vers le nord, dans la partie médiane du Sahara que nous allons traverser, les dunes vont, au contraire, présenter au nord leur surface allongée garnie parfois de quelques touffes de had' et tourner leur versant abrupt, toujours aride, vers le sud.

Entre leurs ondulations successives s'étendent tantôt de larges vallées à fond uni de sable fin, ou garnies de petites collines rocheuses, tantôt d'étroits. couloirs que balayent les vents, entraînant les sables avec eux.

Que de fois, durant ces nuits de marches, n'avons-nous pas dû longer,

1. Ou hâdz.

perpendiculairement à la direction du chemin, la crête supérieure de ces dunes, avant de trouver vers le sud un passage possible pour nos animaux! Que de renversements. de bagages, que de chutes durant ces descentes, dans le sable croulant, toujours difficultueuses pour des bêtes aussi peu souples que le sont les chameaux!

Décrire plus longuement la route ne serait plus qu'énumérer l'un après l'autre ces passages successifs au milieu d'une région toujours désertique avec de très rares et très maigres pâturages de hâd. Avant de trouver des pacages suffisants il faudra presque atteindre El Mraheti1, c'est-à-dire l'Azaouad.

D'après les dires du guide, comme d'après nos calculs, le 26 mai au matin, nous devions être rendus au puits d'Inichaïg. Le troisième jour après le départ, le vieux Lahabib avait bien perdu les traces du colonel Lapérrine, jusqu'alors visibles dans le sable, mais il montrait une telle confiance dans sa connaissance de la route que cette divergence n'avait inquiété personne.

Cependant le 25 au soir, le détachement avait vidé ses dernières peaux de bouc. Le vent brûlant et la chaleur extrême (50° sous les abris!) avaient les jours précédents activé l'évaporation de notre provision d'eau à tel point que le rationnement du précieux liquide avait été insuffisant. Ce soir-là, le vieux guide Lahabib certifiait la proximité du puits et assurait qu'on l'atteindrait avant le jour. « Des montagnes rocheuses l'entourent, disait-il, dont la tonalité sombre tranche de loin sur l'horizon jaune clair des sables et permettent d'en reconnaître l'emplacement sans hésitation possible.

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Hélas! le 26 au petit jour, après une nuit que la soif avait rendue pénible, à perte de vue, vu d'une crète dominante, le miroir infini du désert ne se tachait d'aucune ombre.

L'espoir, cependant, ne nous abandonne pas. De dune en dune, d'horizon en horizon, dans la chaleur croissante, la route se poursuit âprement derrière le guide qui commence à se montrer inquiet.

Vers neuf heures du matin, deux méharistes coup sur coup tombent sans connaissance; quelques gouttes d'eau conservées pour les malades les raniment un peu. Bientôt l'allure se ralentit; les chameaux sont épuisés par une marche ininterrompue de dix-sept heures et les tirailleurs, la gorge sèche, les oreilles bourdonnantes, n'avancent plus que poussés..

Il est alors décidé que le guide, le sergent Ribbe et deux hommes partiront en avant sur les animaux encore dispos, avec les peaux de bouc vides. Coûte que coûte, à toute allure, ils atteindront le puits, y rempliront les outres et reviendront au-devant de nous qui plus lentement allons suivre désespérément leur piste.

Dès lors, durant des heures et des heures l'allure se poursuit incertaine,

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