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formes du terrain, comme les conditions climatiques imposent, le facies caractéristique des glaciers de plateaux ou de cirques largement ouverts.

A ce type appartient le glacier des Évettes.

Les Evettes constituent une superbe nappe de 600 hectares, faiblement accidentée, et se terminant sur un plateau à l'altitude de 2510-2514 mètres.

Au premier examen de la carte levée par M. Girardin, on est frappé par la forme concave du front du glacier. A 300 mètres en avant de l'alignement général de ce front avance, collée à la rive gauche, une bande de glace qui est un témoin de l'ancienne extension du glacier et qui s'est maintenue grâce à un épais revêtement morainique et à sa situation à l'abri des rayons solaires pendant la plus grande partie de la journée. Dans une note précédente nous signalions la forme également concave du front du glacier Nathorst (Spitsberg), et qui, lui aussi, est en retrait. Ce facies est caractéristique des glaciers en régression.

L'extrémité inférieure des Évettes se présente précédée de trois lignes de moraines: la plus éloignée, très bien conservée, à 400 mètres du bord actuel de la glace, la seconde, presque entièrement détruite, à 100 mètres en amont de la première, la troisième à 150-200 mètres de l'extrémité actuelle de l'appareil. Un quatrième dépôt, très peu distinct, s'observe à 135 mètres du glacier.

La première de ces formations remonte évidemment au grand maximum de la glaciation qui s'est manifesté dans toute l'étendue des Alpes durant les premières années du XIXe siècle, en 1818-1820. Le glacier voisin de Lepénaz a éprouvé ce phénomène de 1818 à 18261. Après ce maximum le recul des Évettes s'est opéré en trois échelons correspondant aux trois moraines espacées en arrière de la grande moraine marginale, lesquelles repèrent des stationnements plus ou moins prolongés de la nappe de glace.

La perte totale du glacier, depuis le maximum jusqu'en 1905, est de 19,8 hectares, se décomposant ainsi : 11,6 hectares entre le maximum et l'époque du dépôt de la troisième moraine, et 8,2 hectares depuis cette dernière date.

Grâce à des repères placés en 1893 par le prince Roland Bonaparte, seulement à partir de cette date, la valeur annuelle de la régression du glacier est connue avec certitude. De 1893 à 1905 les Évettes se sont retirés de 40 mètres environ, soit de 3 m. 30 par an. De 1818 à 1905, en admettant que la moraine marginale date de 1818, le recul moyen annuel aurait été de 4 m. 58. Il y a donc, depuis treize ans tout au moins, atténuation dans la rapidité de la fusion de la langue terminale. En revanche, depuis 1878, il y a eu diminution sensible de la glaciation dans le cirque supérieur du glacier, comme le montre la comparaison d'un croquis exécuté par nous le 5 septembre de cette même année avec une photographie de M. Paul Girardin reproduite dans la Zeitschrift für Gletscherkunde (B. I. 1, mai 1906, p. 33).

Une perte de 400 mètres en longueur en 86 ans est, en somme, insignifiante. Combien plus importante est l'ablation subie par les glaciers voisins. Celui de la Source de l'Arc a perdu en longueur 1110 mètres depuis 1856-1857, celui des Fours, 407 mètres depuis la même époque, dont 307 mètres depuis 1891. De 1863 à 1905

le glacier de la Galise qui forme la source de l'Isère a rétrogradé de 310 mètres et depuis 1875 celui de Rhème-Golette a reculé de 980 mètres!

D'autre part, la comparaison des cotes d'altitude des fronts donnés par la carte de l'État-Major à celles obtenues par M. P. Girardin met en évidence un recul considérable de plusieurs appareils dans le sens de la verticale: 322 mètres au glacier de la Source de l'Arc, 206 mètres à celui de Montet, 150 mètres et 145 mètres à ceux de Rhème-Golette et du Grand-Pissaillas.

Dans la Maurienne supérieure la limite climatique des neiges passerait vers 2900-2950 mètres d'après la méthode dite de la hauteur moyenne'; actuellement elle se confondrait presque avec la limite « locale » qui pendant ces dernières années s'est trouvée généralement vers 3 000 mètres à la fin de septembre. D'après M. Girardin, durant ces cinquante dernières années, en Maurienne et en Tarentaise, le relèvement de la limite climatique, conséquence directe du recul de la glaciation, aurait été de 145 à 208 mètres, soit le sixième du relèvement que les professeurs Penck et Brückner admettent pour les Alpes depuis la fin de la période glaciaire. Ainsi donc la phase actuelle de décroissance par laquelle passent nos glaciers entraîne une véritable déglaciation et a pour effet de modifier d'une manière très sensible l'aspect du paysage de telle sorte que des photographies de la même cime glacée prises à un intervalle de quinze à vingt ans offrent des images très différentes.

En 1905 l'étude méthodique des glaciers de la Savoie et du Dauphiné a été poursuivie grâce à des subventions de l'Hydraulique agricole. MM. G. Flusin, J. Offner et Ch. Jacob, de l'université de Grenoble, avec le concours de M. Lafay out commencé le lever au 10 000 des Grandes Rousses 2, tandis que M. P. Mougin, inspecteur des Forêts, relevait les contours des fronts de divers glaciers de la Maurienne et de la chaîne du Mont-Blanc et au moyen de lignes de pierres relevait. deux profils transversaux dans leur zone inférieure. Ces opérations répétées chaque année permettront de suivre les modifications en largeur et en épaisseur des glaciers et les variations de leur vitesse d'écoulement. De son côté, M. Girardin a poursuivi ses recherches personnnelles.

En 1906 la création d'un Comité scientifique de l'Hydraulique et des Améliorations agricoles a donné une nouvelle impulsion aux études glaciaires. Dans le sein de ce comité une section glaciaire a été constituée à l'effet de dresser, comme l'ont déjà fait les services hydrologiques étrangers dans les autres régions des Alpes, l'inventaire des glaciers et d'étudier la valeur de leurs écoulements liquides. Les projets établis par cette section, d'accord avec les ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées chargés de l'étude des forces hydrauliques dans les Alpes, ont été approuvés par M. Dabat, directeur de l'Hydraulique et des Améliorations agricoles,

1. Cette méthode consiste, comme on sait, à prendre la moyenne entre l'altitude où commence le glacier et celle où il finit. Si pour le choix de la dernière cote aucun embarras n'est possible, il n'en est pas de même de la première.

2. Charles Jacob, Rapport préliminaire sur les travaux glaciaires en Dauphiné pendant l'été 1905, in La Géographie, XIII, 6, 15 juin 1906, p. 437.

et, sur sa proposition, le ministre de l'Agriculture a bien voulu accorder les subventions nécessaires.

Durant l'été dernier, M. P. Mougin, a continué ses opérations de repérages et de mesures de vitesse en Maurienne et dans la chaîne du Mont-Blanc. De son côté, M. Ch. Jacob, a achevé le lever des Rousses et M. Flusin entamé celui du grand glacier du Mont de Lans (massif du Pelvoux). Enfin M. David Martin, conservateur du Musée de Gap, a été chargé d'établir la liste et la superficie des petits glaciers du revers méridional du massif du Pelvoux qui ont fondu ou presque entièrement fondu dans ces vingt dernières années et dont la disparition entraîne une sensible diminution des écoulements, particulièrement dommageable aux intérêts agricoles. Au point hydrologique il importe de connaître, non pas seulement l'étendue de la glaciation, mais encore son volume et par suite son épaisseur. Aussi bien, à la demande de M. de la Brosse, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, une mission composée de M. G. Flusin, de l'université de Grenoble, et, de M. Bernard, inspecteur adjoint des Forêts, est allée étudier à l'Hintereis-ferner (Tyrol), les appareils et les procédés de sondage à travers les glaciers, que le professeur Hans Hess emploie avec tant de succès.

Enfin, dans les Pyrénées, MM. Belloc et Gaurier ont continué leurs études et M. Eydoux, ingénieur des Ponts et Chaussées, a relevé au 5000 les glaciers orientaux du Pic Long.

D'après les renseignements qui nous sont parvenus, toutes ces missions ont obtenu d'excellents résultats scientifiques et pratiques. Aussi n'est-il que juste de faire remonter l'honneur de cette campagne, féconde à tous les points de vue, au directeur de l'Hydraulique agricole, M. Dabat, dont l'initiative éclairée a assuré la marche de ces études.

Enfin, grâce à une subvention de notre collègue, le prince Roland Bonaparte, les professeurs Jean Brunhes et Paul Girardin, assistés de plusieurs de leurs élèves, ont étendu les intéressantes recherches qu'ils poursuivent dans la Savoie méridionale, et que nous avons résumées plus haut. CHARLES RABOT.

La distribution de la population dans les Pouilles'. Les Pouilles présentent une répartition originale de la population que le professeur Théobald Fischer vient. de mettre en lumière dans une intéressante étude. Cette partie de l'Italie méridionale ne possède point de véritables villages, ses habitants ne vivant point épars dans la campagne, mais se concentrant dans des villes ou dans de gros bourgs.

Ce fait s'explique d'abord par la géographie. Le pays est sec; c'est une table calcaire dans les fissures de laquelle va se perdre le peu de pluie qui tombe. Des sources rares, des lits desséchés de cours d'eau, des dolines, des grottes, et, de grandes étendues dénudées, d'aspect karstique, les murgie: voilà ce qu'on y rencontre. Toutefois, des sédiments pliocènes recouvrent le calcaire en quelques points

1. Ansiedelung und Anbau in Apulien, in Th. Fischer, Mittelmeerbilder gesammelte Abhand

privilégiés de l'intérieur et le long de l'Adriatique, où ils forment une large bande côtière. Comme ils contiennent des lits d'argile imperméable, ce sont des îlots d'humidité dans cette région aride. Dans ce milieu, les habitants ont donc été obligés de se concentrer autour des rares points d'eau.

Le calcaire, en se décomposant, donne naissance à une argile limoneuse, le bolo. Ce sol recouvre les régions déprimées, la zone côtière et la péninsule d'Otrante, tandis qu'il manque sur les murgie élevées, balayées sans cesse par les vents et les pluies. C'est sur ce bolo que se localisent les établissements humains et les cultures. Le peuplement des Pouilles s'explique aussi par l'histoire. Au début du moyen âge, l'insécurité régnante a obligé les habitants à se réfugier en quelques points bien défendus. Plus tard, les mœurs féodales ont contribué à accuser ce phénomène.

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On peut distinguer deux régions principales dans les Pouilles : l'intérieur et la zone côtière. Dans l'intérieur, les centres habités sont très dispersés. Ils comprennent un noyau de maisons, que les paysans délaissent pendant le jour pour aller travailler au dehors, et, tout autour, une zone de jardins entretenus par l'eau des citernes. Là où l'agriculture est en progrès, on trouve, en outre, trois autres zones concentriques: une zone de bosquets d'arbres fruitiers, une autre de champs de céréales et une dernière de pâturages. Ainsi, à mesure que l'on s'éloigne du noyau d'habitations, l'activité agricole décroit. Tout autre est la région côtière. Sur le rivage même de l'Adriatique, de Barletta à Monopoli, les villes maritimes forment. une ligne ininterrompue, et parallèlement, à peu de distance dans l'intérieur, s'allonge une autre ligne de villes. La population est ici très dense (150-300 au kilomètre carré) : à Bari et dans les 22 centres circonvoisins, 260 000 habitants se pressent sur une surface de 600 kilomètres carrés. Mais, bien que la densité soit ici singulièrement plus forte que sur les murgie même, le mode de répartition de la population ne change pas sur la côte, comme dans l'intérieur, les habitants s'agglomèrent dans de gros centres.

Ce fait est d'autant plus remarquable que les deux régions diffèrent écono miquement. La région maritime vit de la viticulture et de la culture des arbres fruitiers méditerranéens, de l'olivier, en première ligne. C'est un pays de petite et de moyenne propriété. Dans l'intérieur, au contraire, les pâturages et les champs de céréales dominent, et, les vergers et les vignobles restent confinés autour des groupements humains. Ici la grande propriété est la règle.

Ce mode de répartition de la population offre de très grands inconvénients, d'après le professeur Théobald Fischer. Les paysans perdent beaucoup de temps pour se rendre au lieu de leur travail ou en revenir. Ils ne peuvent toujours se faire aider par leurs femmes et leurs enfants, qui restent à la maison. Ils n'ont point le loisir d'augmenter leur gain en se livrant au jardinage, à l'élevage des pores, des poulets, etc. Ils achètent les denrées et objets dont ils ont besoin et les paient cher, à cause des droits d'octroi que perçoivent les villes obérées par l'entretien des indigents concentrés dans leurs murs. De plus, ces villes ne sont pas saines le typhus y règne, la mortalité infantile y est élevée. Enfin, ces paysans gagnent à peine leur vie, et le rassemblement en certains points de tant de travailleurs mal rémunérés, favorise et a souvent favorisé des troubles sociaux.

On a essayé de provoquer une dispersion des paysans par la création de villages. Mais ces efforts se sont heurtés à la difficulté de trouver de l'eau.

L. PERRUCHOT.

ASIE

La situation économique de la Turquie d'Asie. Contrée fertile, la Turquie d'Asie doit uniquement sa richesse à l'agriculture, mais la population agricole est pauvre et ruinée par les usuriers. Manquant d'argent comptant, les paysans sont contraints de vendre leurs récoltes sur pied et de contracter des emprunts à des conditions désastreuses. La rareté de la main-d'œuvre et l'insécurité des campagnes s'opposent à l'extension des cultures. D'autre part, l'insuffisance des voies de communication rend très difficile, sinon impossible, la vente et l'exportation des produits de l'agriculture. Enfin, l'absence de cadastre et de toute garantie pour la délimitation de la propriété, l'ignorance extraordinaire des agriculteurs, sont autant de causes qui contribuent à maintenir l'agriculture de ce pays dans un état de grande infériorité, en raison surtout de la capacité productive de la terre. Tel est, en résumé, le tableau que présente la situation de la Turquie d'Asie, spécialement de l'Anatolie septentrionale, le lieutenant de vaisseau Lamberto Vannutelli, qui a été chargé, dans ce pays, en 1904, d'une mission de géographie commerciale par la Société de Géographie italienne'.

La condition du commerce se ressent de cette situation. En Turquie, la grande industrie n'existe pas; aussi les Turcs consomment-ils des produits étrangers. C'est du dehors qu'ils tirent les tissus de coton et de laine, les articles d'un usage domestique, le café, le riz, les métaux, etc. Mais les Turcs sont des clients pauvres, qui n'ont pas de réserve d'argent. La capacité d'achat des agriculteurs dépend de la récolte, et l'importation est réglée sur l'exportation.

D'après M. Vannutelli la production agricole actuelle n'est pas en rapport avec la richesse du sol et les conditions climatiques. D'autre part, les transactions commerciales sont difficiles. Les relations directes avec les petits commerçants ne sont pas possibles pour les producteurs européens qui ignorent la langue, les usages et les coutumes du pays. Il faut recourir à l'emploi d'un agent intermédiaire et son intervention est encore nécessaire pour ce motif qu'il est difficile, dans ce pays, de distinguer le client honnête et solvable de celui qui ne l'est pas. Seuls les producteurs anglais de filés et de cotons traitent directement avec delgros importateurs indigènes, qui ont des offices pour leurs achats dans les centres anglais de fabrication.

Le mouvement commercial rencontre aussi en Turquie des difficultés provenant du régime douanier et des variations du change.

Depuis quelques années les capitaux étrangers ont trouvé en Turquie deux modes principaux d'emploi, ou la souscription à des emprunts d'État, ou la parti

1. Lamberto Vannutelli, tenente di vascello, In Anatolia, Rendiconto di una missione di geografia commerciale inviata dalla Societa geografica italiana. Aprile-agosto 1904. I. Vilajet settentrionali. Rome, Presso la Societa geografica italiana, 1905, in-8°, 374 p., 77 illustrations, 3 petites cartes et 1 carte hors texte.

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