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rera. Assurément la colonie et son éminent commissaire général, M. Gentil, sont en droit de compter sur le concours du gouvernement justement soucieux des véritables intérêts du pays.

Chez le prétendant au Maroc; par M. René Moulin. M. le président a donné ensuite la parole à M. René Moulin, rédacteur en chef de la Revue hebdomadaire qui, avec une grande distinction de parole et beaucoup d'humour, a conté ses diverses visites au prétendant marocain.

De Tlemcem à la Kasbah de Selouen. Pour se rendre à la Kasbah de Selouen, M. René Moulin choisit la route de terre, quoique de beaucoup la plus difficile, parce que plus intéressante il part de Tlemcem, arrive à Lalla-Maghnia, franchit la frontière marocaine à l'oued Kiss, longe les derniers contreforts septentrionaux des Beni-Snassen, et après avoir passé la Moulouya, entre dans la région montagneuse des Kebdanas, à l'orée de laquelle se trouvait alors le camp du prétendant.

Les visites au prétendant. · Au cours des différents entretiens que le conférencier put avoir avec le prétendant, les sujets les plus divers furent traités; ce dernier insista souvent sur l'état lamentable des finances du sultan, le dénûment de ses troupes et sur les troubles qui allaient constamment en augmentant. Il affirma qu'une fois devenu le maître, il se chargerait bien vite de rétablir l'ordre et de faire en sorte « que chacun pût se coucher et dormir sur le bord des routes sans qu'une main fût levée sur le dormeur ». Il consentirait cependant à accepter l'aide de la France dans cette tâche de la police, car il avait pour notre pays des sentiments de sincère amitié; malheureusement les Français ignoraient les meilleurs moyens de répression, tels que le pétrole pour brûler les coupables, la noyade dans des sacs, la décapitation encore plus expéditive. Quant à la prétention d'implanter des réformes économiques, le prétendant la regardait comme une pure absurdité, car le pays ne les accepterait certainement pas.

L'identité du prétendant. Enfin, après bien des hésitations, M. René Moulin se décida à aborder l'épineuse question de l'identité du prétendant. On sait, en effet, qu'il se donne pour le frère aîné d'Abd el Aziz, jeté dans un cachot par son frère et miraculeusement échappé à la mort. Mais, d'après les déclarations formelles faites à M. René Moulin par le colonel Schlumberger, ancien chef de mission militaire auprès de Mouley Hassan, père du sultan actuel, et qui eut l'occasion de voir à plusieurs reprises le vrai Mouley Mohamed, celui-ci était borgne, alors que le prétendant actuel a seulement une légère taie sur l'œil, accident d'ailleurs assez fréquent chez les Arabes. Mouley Mohammed et le prétendant sont donc deux hommes bien distincts. M. René Moulin n'eut garde de laisser paraître son impression à cet égard, mais il insinua respectueusement qu'en France on semblait douter qu'il fût le véritable Mouley Mohammed, que certains déclaraient même avoir vu ce dernier à Fez où il vivait, et qu'il souhaiterait d'avoir un moyen de convaincre ses compatriotes comme il était convaincu lui-même. A cette invite, qui le piquait au vif, le prétendant répliqua avec le plus grand sang-froid que le fait de l'avoir vu fort loin de son camp n'était pas surprenant, attendu qu'il avait le pouvoir de paraître et de disparaître à volonté dans des endroits bien différents. Ainsi on pourrait affirmer l'avoir vu presque en même temps à Fez, à Paris, à Saint-Pétersbourg, sans jamais pouvoir le saisir.

En résumé, des entretiens que le conférencier a eus avec le prétendant, il a emporté l'impression d'avoir eu affaire à un homme énergique et intelligent certes, mais quelque peu« tartarin ».

Les forces du prétendant. M. René Moulin alla voir aussi le ministre de la Guerre du prétendant qui lui fit d'intéressantes déclarations. C'est ainsi qu'il apprit que l'effectif des troupes régulières ne dépassait pas 2 000 hommes, mais qu'il fallait y ajouter les contingents fournis par les tribus des territoires sur lesquels est établi le camp du prétendant. Ces contingents forment la plus grande partie de l'armée en campagne, puisque leur nombre peut

atteindre de 10 000 à 15 000 hommes. Ce chiffre est toutefois variable suivant que le prétendant attaque ou reste sur la défensive, et la raison en est très simple. Si le prétendant est attaqué, les tribus, en même temps que leur fidélité leur commande de le secourir, sont obligées de protéger leurs familles et leurs biens, que mettrait en péril une victoire du sultan; si, au contraire, le prétendant prend l'offensive, elles ne lui fourniront plus que des contingents dérisoires, car il leur faudra abandonner leurs femmes, leurs enfants, leurs tentes, leurs terres livrés pendant leur absence aux pillages et aux déprédations des tribus voisines. Conclusion. Les mêmes raisons s'appliquent aux troupes du sultan, de telle sorte que l'on peut établir en règle générale que le belligérant qui est attaqué a toujours pour lui l'avantage considérable du nombre, et par suite la certitude du succès. Ces intéressantes déclarations du ministre de la Guerre jettent, suivant l'avis de M. René Moulin, un jour nouveau sur les règles qui régissent les combats au Maroc. Elles permettent d'expliquer pourquoi s'éternise cette lutte entre sultan et roghi, sans résultat depuis cinq ans déjà, et pourquoi les combats sont aussi rares, chacun des deux belligérants préférant attendre son adversaire que d'engager un combat désavantageux.

En terminant sa conférence, M. René Moulin a adressé un affectueux salut à tous ses compagnons de voyage et notamment à son ami, M. Soulard, au dévouement et à l'initiative duquel il a reporté l'honneur que venait de lui faire la Société de Géographie.

FRÉDÉRIC LEMOINE.

Cette curieuse et piquante conférence s'est terminée par un pittoresque défilé de projections photographiques montrant le pays parcouru et le camp du roghi. Après l'avoir félicité sur ses qualités d'orateur, M. le président a fait ressortir l'initiative et l'audace qu'a déployées le jeune explorateur en s'aventurant au milieu des rebelles marocains.

Candidats présentés.

Mme Roy née RENAUD (Marie-Louise-Eugénie), professeur au lycée de jeunes filles d'Amiens, présentée par MM. Paul DUPUY et Louis RAVENEAU.

MM. ROUSSEAU (Robert-Pierre-Victor), présenté par MM. VIDAL DE LA BLACHE et Henri
SCHIRMER.

GILBERT DE VOISINS (comte), présenté par MM. Louis BINGER et LE MYRE DE VILERS.
SYMONET (Jean-Henri-Albert), présenté par MM. le baron J. de WITTE et J. COLLARD.
DECOCK (Philippe), ingénieur des arts et manufactures, présenté par MM. Georges
BLONDEL et le baron HULOT.

DYÉ (Léon), docteur, présenté par MM. Guillaume GRANDIDIER et le lieutenant de
vaisseau Alfred DyÉ.

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La Société a perdu MM. J. Cottin, Léon Guérin, Louis Lefebvre de Viefville, Alexandre Lesouef, Paul Larrouy, Paul Duchesne-Fournet.

Larrouy Paul, né en 1847, est mort ministre de France en Argentine. Dans nos rapports avec le gouvernement argentin nous eûmes à recourir à sa grande obligeance et nous gardons le souvenir des services qu'il rendit à l'expédition antarctique française du docteur Charcot. Chancelier au Japon, consul à Messine puis à Dublin, résident général à Madagascar, il mit à profit dans ces différents postes sa connaissance des langues, parlant indifféremment l'anglais, l'italien, le japonais ou le malgache. Son goût si marqué pour la philologie put encore se donner libre carrière lors de son inspection des consulats français des deux Amériques.

Duchesne-Fournet (Paul), ancien manufacturier, sénateur et membre du conseil général du Calvados, chevalier de la Légion d'honneur, est mort le 30 novembre dans sa soixantedeuxième année. Ses obsèques, d'une simplicité voulue, eurent lieu à Lisieux, où se rendit M. Le Myre de Vilers, qui, en qualité du plus vieil ami de la famille, prononça une courte mais poignante allocution, rappelant ainsi ce que fut Duchesne-Fournet : « Je l'ai vu naître, j'ai assisté à ses débuts. J'ai applaudi à ses premiers succès. Tous, vous connaissez les qualités maîtresses dont il a fait preuve pendant vingt-sept ans au conseil général, pendant seize ans à la Chambre et au Sénat la fermeté du caractère, la sûreté des relations, la fidélité à tenir ses engagements, la persévérance dans ses résolutions. Sous un aspect un peu rude, il était plein de cœur et de générosité; s'inspirant des traditions de ses parents, dont les libéralités se comptent par millions, il ne refusait jamais son appui et son aide aux déshérités de la fortune : j'en parle en connaissance de cause, ayant souvent fait appel à son concours. C'est là un des côtés de sa vie d'autant plus ignoré qu'il s'efforçait de dissimuler sa bonté. » Puis, M. Le Myre de Vilers évoque le souvenir de ceux qui ont précédé son ami dans la tombe, et surtout de son fils Jean, victime des fatigues subies au cours de son exploration en Abyssinie.

Après une allusion aux deux enfants qui sauront honorer son nom et qui entourent de leur affection Mme Herbet «qui trouve sa consolation dans l'exercice d'une charité inlassable » il adresse un suprême adieu à Duchesne-Fournet.

La donation faite à la Société de Géographie par M. Duchesne-Fournet et ses deux enfants date du 29 juin 1904. Elle alimente un prix de 6 000 francs décerné tous les deux ans à un explorateur français ayant le plus contribué soit à notre expansion coloniale ou au développement de l'influence française, soit à la mise en valeur du domaine colonial au point de vue économique ou au point de vue du développement de nos relations commerciales. Cette donation prévoit le cas où le prix Jean Duchesne-Fournet ne serait pas décerné. Il y aurait lieu alors d'utiliser ces fonds soit pour une bourse de voyage soit pour la publication des résultats d'une exploration répondant aux conditions cidessus énumérées.

Nous avons tenu à reproduire ici les dispositions essentielles de la fondation établie 'sur l'initiative de M. Duchesne-Fournet, ce qui est encore honorer sa mémoire. Le secrétaire général de la Société de Géographie.

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