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Khartoum et l'œuvre de lord Kitchener. Lord Kitchener pressentit, dès 1896, la valeur de cette région. Aussi décida-t-il, d'abord, de faire un chemin de fer de Quadi-Halfa vers Khartoum, et de reconstruire cette ville, ancienne capitale du Soudan et résidence de Gordon. Elle est, d'ailleurs, le centre géographique de la contrée. Située au confluent des deux Nils, elle est au débouché des vallées qui viennent de l'Équateur et d'Éthiopie et sur la limite nord de la région des pluies. Près d'elle, à Omdourman, les caravanes viennent apporter les produits de l'ouest. A travers les décombres, on traça les avenues, les rues et les places. Mais les propriétaires fonciers réclamèrent leurs biens. Alors, par esprit de justice et aussi dans le but de s'attacher la population indigène, lord Kitchener décida de partager la ville en trois bandes parallèles au fleuve, de dimensions variables, et d'indemniser équitablement les anciens propriétaires. Puis, pour la facilité des transactions, on attribua une valeur égale d'un millième le pied carré à tous les terrains de la ville. Ce qui fait par mètre carré 1 piastre (0 fr. 26) environ. Malgré tout, la spéculation s'empara vite de l'œuvre. En mars 1906, on offrait 3 livres égyptiennes (78 fr.) le mètre carré d'un terrain de la première zone qui a vue d'un côté sur le Nil bleu. Mais le gouvernement a refréné et utilisé cette spéculation par un décret qui oblige tout acquéreur à construire une maison dans un délai fixé et d'une valeur déterminée sous peine d'expropriation. De plus, sûr de l'avenir, le gouvernement ne vend plus ses terrains urbains, il les loue par baux à longs termes, allant jusqu'à 70 ans. Aussi la ville prospère. Elle compte déjà 12 000 habitants, dont un quart peut-être de Grecs, Syriens ou Égyptiens. Les nègres, ne peuvent élever leurs cases qu'aux environs, ou à Omdourman, qui compte encore 48 000 habitants, grâce au commerce des caravanes et des barques à voile.

Les chemins de fer du Soudan égyptien. En réalité c'est le chemin de fer de Ouadi Halfa qui a créé Khartoum. Mais cette voie de 2347 kilomètres qui relie Khartoum à Alexandrie est trop longue et trop coûteuse. Pour la suivre, les marchandises doivent subir cinq transbordements. Débarquées à Alexandrie, elles changent de wagon à Louqsor où le chemin de fer devient à voie étroite. A chellal, elles prennent le bateau pour monter à Ouadi Halfa dans le chemin de fer du Soudan. A Khartoum nord, elles prennent encore le bateau pour débarquer sur la rive gauche gauche du Nil bleu. Aussi la tonne de charbon qui est de 27 à 30 francs à Alexandrie, s'élève à Khartoum à 90 ou 95 francs.

Ces conditions économiques firent décider la construction du chemin de fer Nil-mer Rouge, et en quinze mois le colonel Macaulay a jeté les 520 kilomètres de rails qui relient Souakim et Port-Soudan à la station de l'Atbara, où le chemin de fer se raccorde au réseau du Soudan. Mais pour achever avec rapidité et économie cette euvre gigantesque, le colonel se fit entrepreneur. Il recruta des nègres, les forma en équipes de 50 hommes obéissant chacune à un chef de même race et les paya fort bien. Le salaire du travailleur varia de 5 à 8 piastres tarif, alors qu'une famille indigène peut vivre par jour avec une piastre tarif. L'appât du gain portant le nègre à ne point se nourrir, le colonel se fit restaurateur; puis pendant le premier mois, il obligeait chaque ouvrier à travailler à la journée. Dès le second, après l'avoir réconforté, il le faisait travailler aux pièces. Et ainsi, les frais de construction ne s'élevèrent qu'à 35 612 500 fr., ce qui met le kilomètre à 66, 500 fr. et abaisse le prix du charbon à Khartoum à 45 et 50 fr.

Un tel succès sera suivi d'autres, avec d'autant plus de sécurité que le personnel à créer est formé, et l'on fait déjà les études d'une voie qui reliera Kassala à Thamiam sur la ligne Nil-mer Rouge; les travaux pour régulariser le débit du fleuve Gache sont commencés. Ce fleuve, en effet, ne pouvant s'ouvrir un passage vers la vallée de l'Atbara, transforme en marais la région qui s'y oppose; et celle-ci sera drainée et irriguée comme la Basse-Égypte. Elle contribuera à nourrir Port-Soudan et Souakim. En attendant, Kassala sera reliée à Khartoum par une route que les automobiles parcourront en douze heures.

Dès à présent d'autres études sont en voie d'achèvement pour faire refluer sur Khartoum tout le commerce de Soudan et faire de cette ville le véritable centre commercial de ces immenses régions. La ligne Ouadi-Halfa-Khartoum sera continuée vers le sud pen

dant quelques 50 ou 60 kilomètres et là bifurquera d'une part vers Kamlin pour remonter le Nil Bleu, d'autre part vers Doueim pour franchir le Nil Blanc. Le premier embranchement longeant plus tard la Didessa, empruntera ensuite la vallée de l'Omo et deviendra un des tronçons du Cap au Caire. Le second gagnant d'abord El-Obéïd sera prolongé dans un avenir plus éloigné jusqu'à El-Facher et au lac Tchad.

Dans ces projets, la province de Dongola n'est pas oubliée. Une nouvelle ligne vient d'être inaugurée sans bruit. C'est la ligne Abou-Hamed-Merowe (Meraoui), qui descendant le Nil à partir d'Abou-Hamed aboutit aujourd'hui un peu en aval de la quatrième cataracte et ramène ainsi vers Berber et Port-Soudan tout le trafic de la région au sud du 22o de Lat. N.

En fait, tous ces travaux qui assureront la prospérité de la région n'ont été possible que grâce à l'Égypte. C'est elle qui s'est faite le banquier du Soudan. Mais ce qui en a facilité l'exécution, c'est l'excellente organisation administrative de la domination anglaise.

Le recrutement du personnel colonial au Soudan. Sans doute les appointement magnifiques que reçoivent les fonctionnaires justifient l'empressement des candidats militaires et civils. Cependant nul officier ne peut solliciter un emploi s'il ne commence à parler l'arabe et si sa santé ne supporte pas le climat. De plus, tous, sauf le gouverneur, ont moins de quarante ans aussi apportent-ils une ardeur et une sagesse admirables à accomplir leur tâche. Quant aux civils, ils occupent les emplois techniques, irrigations, forêts, justice, enseignement. Ils se recrutent, en général, dans les universités, non au concours, mais après des examens à deux degrés. Ainsi, en 1905, il y avait deux cent cinquante jeunes gens d'inscrits pour conquérir douze ou treize places promises, tant en Égypte qu'au Soudan. Tous reçurent un questionnaire auquel ils devaient répondre de leur plein gré. Après enquête sur leur éducation et leur « respectabilité », il y en eut 200 d'éliminés. Les 50 autres furent examinés pendant trois quarts d'heure, et c'est parmi eux que furent choisis les 13 élus.

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L'irrigation au Soudan. L'œuvre principale de ces fonctionnaires sera, tôt ou tard, de pourvoir à l'irrigation au Soudan. Toutefois, présentement l'augmentation de la quantité d'eau disponible ne serait qu'un inutile bienfait. Son premier besoin, pendant nombre d'années encore, sera l'accroissement de la population. Mais tout est préparé en vue de permettre la mise en culture du domaine agricole. Déjà même une concession fut accordée avec une autorisation pour irrigation par pompe à vapeur. Mais cela souleva en Égypte une vive émotion. C'est qu'en effet toute prise d'eau du Nil compromet l'exploitation égyptienne. Lord Cromer le reconnut et déclara qu'il n'est que juste, puisque l'Égypte fournit les fonds, qu'elle ait le pas sur le Soudan dans la question de l'eau. Mais on songea à utiliser pour le Soudan l'eau des grands lacs qui se perd dans les marais du Bahr-el-Ghazal et celle que le courant du Nil, embarrassé par le sedd, perd dans son cours moyen. Ainsi ce qu'on donnerait au Soudan ne manquerait pas à l'Égypte. En vue de cette fin, M. Dupuis, chef de l'irrigation, est allé rechercher dans quelle mesure les eaux qui s'échappent du lac Tana peuvent être retenues par des réservoirs le long du Nil bleu pour être distribuées toute l'année. Enfin, avant d'accorder une concession avec prise d'eau, le gouvernement prend toutes garanties contre le concessionnaire, afin de récupérer, par l'impôt, le revenu des dépenses engagées mais productives.

Conclusion.

Le gouvernement, en effet, est soucieux avant tout d'éviter la spéculation et d'assurer à l'indigène la part qui lui revient. Car il pense qu'une classe prospère de paysans propriétaires est appelée, en définitive, à être bien plus utile au territoire qu'une classe de grands propriétaires fonciers qui, en leur qualité d'étrangers, n'habiteront certainement pas dans leurs propriétés. Aussi partout les gouverneurs s'efforcent de faire comprendre à l'indigène que sa sérurité est désormais assurée et de le lui prouver. En outre, pour assurer son éducation, ont été fondés à Khartoum le Gordon College et une école militaire. Dans le premier, l'instruction est donnée par des Égyptiens. Elle comprend une école primaire, une école de cheikhs, professeurs ou cadis; une école spéciale pour

ingénieurs, arpenteurs et surveillants; une école professionnelle pour forgerons, serruriers et menuisiers. Bien plus, le gouvernement fait de l'admission à cette école une marque d'honneur même pour la famille de l'enfant. Enfin, c'est parmi les enfants des officiers supérieurs de l'armée soudanaise que sont choisis les premiers sujets de l'école militaire. Et c'est de cette remarquable façon que lord Cromer applique la politique qu'il

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caractérise ainsi dans son rapport sur le Soudan: « Le progrès du Soudan dépendra d'une combinaison d'efforts permanents, continus et modestes, mis au service d'une politique nettement définie et de laquelle il ne faudra pas s'écarter. »

L'oasis de Siouah. Le distingué conférencier entretient ensuite son auditoire de l'oasis de Siouah. Un peu perdue dans l'immensité du désért, elle occupe une dépression qui se trouve dans la direction d'une autre série d'oasis telles que Farafra, Dakhel, Kharga et Baharia. Cette oasis de Siouah, aujourd'hui abandonnée, a une histoire :

Présentement, elle n'est peuplée que de 9 000 habitants qui vivent là dans un état de civilisation rudimentaire. Ils sont divisés en deux sectes, Senoussites et Madanites, en guerre entre elles, quand elles ne sont pas obligées de se réunir pour repousser l'ennemi commun le Bédouin du désert. S. A. le khédive, désireux de se rendre compte par lui-même de ce qu'il était possible de faire pour améliorer le sort des habitants, avait décidé de la visiter. Le capitaine eut l'honneur d'être invité à l'accompagner. Il partit donc le 11 février d'Alexandrie par le chemin de fer que le khédive fait construire à ses frais dans la Marmorique, en compagnie d'un médecin, d'un chimiste, chargés d'étudier le paludisme et et aussi d'un jeune archéologue allemand. Après avoir fait, en un jour, les 132 kilomètres du chemin de fer, les voyageurs prirent un automobile qui leur permit de rejoindre leur hôte. Le temps fut froid pendant ce voyage. Jamais le thermomètre ne marqua plus de 3o à sept heures du matin, et plus de 19° à deux heures de l'après-midi.

De la Marmorique à Siouah. Ce désert de la Marmorique revêt plusieurs formes, tantôt aride, tantôt tapissé d'une végétation touffue. D'ailleurs toute la région était cultivée autrefois. On en tirait du grain et auprès du lac Mariout un raisin renommé, des figues et quelques légumes. Le 13 février, vers onze heures, la suite khédiviale arrivait en vue de Mersa Matrouh. Ce point appelé jadis Parœtonium, fut un port assez important pour abriter la flotte d'Alexandre et pour offrir un asile à celle d'Antoine battu à Actium, courant après Cléopâtre. Aujourd'hui ce n'est plus qu'un des centres de la pêche des éponges où s'installe de mai à octobre une assez nombreuse colonie grecque. Là fut organisée la caravane. Elle comprenait 304 chameaux ou dromadaires, 44 chevaux et 206 hommes. Les chameaux portaient surtout l'eau nécessaire aux hommes et aux chevaux. Le départ fut facile et les 14 et 15 février le camp fut dressé près de citernes, qui datent de trois époques reculées. Le 16, une autre citerne fournit assez d'eau (4 à 5000 litres) pour toute la caravane. Le lendemain, on pénétrait tout à fait dans le désert, surveillant les guides, la boussole à la main et suivant la route que les caravanes ont tracée en pistes parallèles. On traversa pendant quatre jours un plateau uniforme de 208 kilomètres de large, qui n'offre pas une aspérité, pas un mouvement du sol. Tous les jours on levait le camp à six heures et on marchait jusqu'à cinq heures et demie ou six heures, afin d'avoir juste assez de jour pour dresser les tentes. Le 20, vers quatre heures du soir, quelques monticules se dressèrent à l'horizon; c'était la limite sud du désert. Trois brèches sont connues des guides dans la falaise qui borde le plateau.

Description et constitution de l'oasis du Siouah. Ce qui frappe en descendant dans la dépression, c'est l'étendue de cette oasis : 50 à 55 kilomètres sur une largeur variant de 5 à 12 kilomètres. Elle est loin d'être cultivée partout. Sa surface entière est uniformément composée d'une couche de sel épaisse de 20 à 40 centimètres. Le 21 au matin eut lieu l'entrée officielle. La ville se présentait au fond, bâtie sur une colline qu'une autre domine à l'ouest. Trois cents sources ont miné la surface salée du sol, formant des bassins dont ont peut faire monter le niveau par la pression même des sources. L'eau est dirigée par des rigoles à travers les carrés de terre que l'on veut irriguer, et qui sont entourés de petits talus pour laisser l'eau s'infiltrer lentement. Cette terre est d'une fertilité merveilleuse. Les dattiers y donnent un fruit súpérieur à celui de l'Égypte et les olives fournissent plus de la moitié de leur poids d'huile. Malheureusement, les eaux sont sans écoulement et deux grands lacs se sont formés, alimentés eux-mêmes par des sources inutilisées.

Le plus petit a 5 kilomètres de long sur 2 de large; le plus grand, 10 à 12 sur 4 à 5, avec un niveau de 50 centimètres supérieur à celui du petit. L'eau de source contient peu de sei; elle est done potable; sa température varie de 19o à 29o. Plusieurs sources entin, dégagent de l'acide carbonique qui fait bouillonner l'eau par instant.

Cette oasis, qui renferme peu de vestiges archéologiques, est administrée par un mamour et cinquante agents de police changés tous les ans. L'impôt qu'elle donne s'élève à 44 528 fr. dont 23 000 fr. sont dépensés pour l'administration. Il est perçu par famille et le chef ou cheikh en est responsable. Les trente cheikhs forment une assemblée qui

élit huit membres constituant un tribunal que préside le mamour et qui juge au civil et au criminel.

A la suite de la visite du khédive, ce qui bouleversera la vie intérieure de l'oasis, ce sera la création d'une piste carrossable, tracée à travers le désert en suivant la ligne la plus directe. Ainsi, mis en communication directe et constante avec l'Egypte, les habitants ne pourront plus maintenir leurs esclaves dans une dépendance aussi étroite.

Leurs produits s'échangeant, la richesse achèvera leur transformation. Plus tard, le chemin de fer que construit le khédive assurera leur prospérité. L'an dernier, il a transporté 22 500 tonnes de marchandises payantes et délivré 132 000 billets. La paille d'orge, qui ne se vendait pas jadis, vaut 10 fr. 40 la charge du chameau. Ainsi la richesse s'annonce et un avenir nouveau s'ouvre à ce pays, grâce à l'initiative du khédive qui consacre toute son activité à cette noble fin « la grandeur de sa patrie ».

FRÉDÉRIC LEMOINE.

M. le président s'est fait l'interprète du sentiment unanime en félicitant M. le capitaine de Saint-Exupéry dont l'exposé méthodique et clair, fait dans une langue très pure et illustré par de fort belles photographies, a particulièrement intéressé l'auditoire. L'étude précise de l'œuvre menée à bien par l'Angleterre dans ce riche pays, révèle l'esprit sagace et observateur du brillant officier. S'il a rendu un juste tribut d'éloges à l'ardeur et à l'intelligence de ses collègues anglais aux colonies, il a prouvé qu'il saurait, à l'occasion, rivaliser avec eux par les connaissances, l'activité et l'énergie.

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M. CHAUTARD (Jean), chef du Service géologique et des mines de l'Afrique occidentale française, présenté par MM. LE MYRE DE VILERS et Louis GENTIL.

M. NivoIT (Paul), présenté par Mme BEL et M. LE MYRE DE VILERS.

Séance du 15 juin 1906.

Présidence de M. le baron de GUERNE.

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Congrès de Dunkerque. Dans une improvisation charmante, M. Dumont, maire de Dunkerque, qui a pris place au bureau, esquisse à grands traits le programme des travaux du congrès national des sociétés françaises de géographie qui se réunira dans cette ville à la fin de juillet. Le 29, en effet, aura lieu l'ouverture solennelle du congrès. Le travail des sections commencera le lendemain et se poursuivra jusqu'au 2 août. Entre temps, des congressistes visiteront le port, les ateliers, le sanatorium de Zuydcoote et feront une excursion à Tourcoing, puis du 3 au 6 août un excursion maritime à bord d'un paquebot

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