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La fécondité du sol et les dentelures du littoral sollicitaient doublement les colons d'Occident. L'histoire se répète à deux mille et trois mille ans de distance, et aujourd'hui encore les Grecs forment la partie la plus industrieuse de la population.

Les villes antiques. Parmi les noms de villes antiques de premier ordre, on peut citer au hasard Nicée, Pergame, Éphèse, Hiérapolis. D'abord le panorama de Nicée et de son lac se déroule du haut d'un massif de montagnes; voici ces murailles épaisses fortifiées par Constantin et au-dessus desquelles jaillit, floraison d'un autre âge, le fût svelte des minarets. Voici ses portes voûtées, son aqueduc alimentant encore le village qui remplace la ville. On conjecture simplement l'emplacement du concile de 325. Parmi les monuments musulmans, il faut admirer les émaux de la mosquée verte.

Troie, à la suite des fouilles faites par Schliemann, découvre assez nettement la superposition de sept ou huit civilisations depuis les temps mythiques jusqu'aux périodes néoromaines. A mesure qu'on descend vers le sud, les noms historiques n'offrent pas moins d'éclat; c'est d'abord Pergame et sa cité antique dominant pittoresquement la contrée d'alentour, puis les riches vallées de l'Hermos et du Méandre, et l'on n'en finirait pas si l'on énumérait tous les noms de localités historiques se rattachant à la région. Priène, Milet, Héraclée, Didyme, Magnésie, Sardes, brillent parmi ceux du premier rang; Éphèse dont les ruines imposantes se déploient aux contours d'une montagne et où l'on parcourt pas à pas le tracé d'une ancienne métropole. Le théâtre se signale notamment par l'ensemble de sa conservation. Remontant la vallée du Méandre, on arrive à Gondscheli, pauvre village gisant entre deux emplacements de villes antiques, Loodicée et Hiérapolis. A Hiérapolis, les merveilles de la nature rehaussent l'éclat des vestiges archéologiques. Du plateau où s'élevait la ville jaillit une source d'eau chaude gazeuse et chargée de chaux, qu'elle a déposée en étonnantes formations sur toutes les parois de ce plateau.

De toutes parts, ce plateau est revêtu de blanches pétrifications que, de loin, on croit voir ruisseler comme des cataractes. C'est une des merveilles de l'Anatolie. La ville antique découvre des ruines classiques, thermes, théâtre, basiliques, nécropole cette dernière est peut-être la partie la plus curieuse et la mieux conservée.

Avant de quitter l'ouest, on parcourt encore une ligne de chemin de fer français, la ligne de Cassaba, allant de Smyrne sur les hauts plateaux, et dont l'exécution a nécessité de la part des ingénieurs une certaine hardiesse en raison des pentes qui s'imposaient.

Puis on avance vers le centre de la péninsule jusqu'à Angora, dont le nom résonne d'une façon familière comme la patrie de races de chèvres et de chats. La ville se déroule à flanc de hauteur pour finir brusquement au bord d'un escarpement inaccessible. Cette forte position porte les marques de trois civilisations successives: romaine, byzantine, seldjoucide. C'est dans cette ville que se dresse encore le temple d'Auguste, fameux par le testament bilingue de ce personnage. On retrouve dans l'ethnographie de la région des indices des anciennes colonies gauloises.

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Sur la ligne Afion Kara Hissar. En descendant vers le sud par la ligne de chemin de fer allemande, on passe par la ville d'Afion Kara Hissar qui se déploie d'une façon impres sionnante autour d'un massif rocheux conique que couronne une vieille forteresse turque. L'humeur des habitants reste quelque peu farouche. En allant maintenant vers l'est, on gagne Koniah, ancienne capitale seldjoucide; divers monuments, notamment des mosquées de toute beauté, parlent éloquemment de ce passé glorieux. C'est à Koniah que se trouve le fameux couvent des derviches mervlawi et que réside leur prince, chef spirituel de tous les derviches tourneurs, et qui est tenu ici dans une semi-captivité. Les habitants sont assez fanatiques. Dans les environs de Koniah, l'on peut citer des sites pittoresques, notamment le vieux couvent grec de Saint-Chariton, ainsi que le gracieux village de Sileh. Enfin, en rayonnant plus loin, on peut étudier la vie du paysan turc, dans ses villages et ses yaïla.

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Sur la ligne de Bagdad. Prenant maintenant à Koniah la ligne de Bagdad, on va à Eregli, près de son terme actuel, à 200 kilomètres de là, en vue des contreforts du

revers d'une gorge, un curieux bas-relief de style « hittite », cet art antique particulier à l'Asie Mineure.

La montagne les Portes Ciliciennes. C'est d'Eregli que l'explorateur a gagné la bande du littoral cilicien, en trois longues journées tour à tour de voiture et de cheval, par la célèbre passe des Portes Ciliciennes d'une importance majeure dans l'histoire de la stratégie. Cette grande artère commerciale, la seule voie encore praticable dans cette région du Taurus, en attendant que la ligne de Bagdad la remplace un jour, voit se succéder avec une grande fréquence des caravanes et des convois transportant leur chargement de denrées, de tabac, de sel, etc. La plupart des sites qu'elle traverse sont d'une sauvagerie grandiose, et l'œil ne perd pas de vue une couronne de neiges éternelles.

A l'étape du soir, dans les pauvres khans de caravane, on éprouve un intime frisson de délaissement dû à l'isolement de la contrée. A partir du Gulek Boghaz, la pente se déroule à travers une région semi-boisée de pins, et on arrive à huit heures du soir, le troisième jour, dans la plaine détrempée de Tarse, lieu natal de l'apôtre Paul, où quelques monuments sans grand intérêt ont emprunté son nom. De là un chemin de fer local conduit à Mersine. FRÉDÉRIC LEMOINE.

En remerciant M. de Nettancourt d'avoir réservé à la Société la primeur de cette communication sérieusement documentée, M. le président rend hommage à son souci de l'exactitude, à sa clarté et à la diversité de ses connaissances.

La prochaine séance est fixée au vendredi 9 novembre.

Membres admis.

M. CHAUTARD (Jean), M. NIVOIT (Paul).

Candidats présentés et admis.

S. A. la Princesse Marie BONAPARTE, présentée par MM. LE MYRE DE VILERS et HULOT.
MM. CONSTANS, ambassadeur de France à Constantinople, présenté par MM. LE MYRE DE
VILERS et Ch.-E. BOMIN.

BOURGEOIS (Charles), lieutenant au 112 d'Infanterie, présenté par MM. LE MYRE DE
VILERS et le baron HULOT.

DUPONT (Charles-Louis-Joseph), commis des Affaires indigènes, présenté par MM. le lieutenant BROT et GEORGES BROUSSEAU.

FLEURIEU (le comte Alphonse de), présenté par M. LE Myre de Vilers et Bouquet de LA GRYE.

HALAIS (Charles), Gouverneur honoraire des Colonies, professeur à l'École des Hautes Études commerciales, présenté par MM. le baron DE GUERNE et le baron HULOT. ZÉDÉ (Laurent lieutenant au 1er régiment Étranger, présenté par MM. LE MYRE DE VILERS et le baron HULOT.

MOULIN, rédacteur en chef de la Revue hebdomadaire, présenté par MM. le baron HULOT et le comte Gabriel de LABRY.

IDEVILLE le baron Jean d'), par MM. le lieutenant DESPLAGNES et le baron Hulot.

NÉCROLOGIE

La Société a été éprouvée par la perte de plusieurs de ses membres Mme la comtesse de Beaumont; MM. Bischoffsheim; Aimé Pastré; Paul Fazendé; J. Colette; Archambault; Georges Sanville; le comte d'Alcantara; le comte de Cintré.

Le Secrétaire général de la Société.

Le gérant P. BOUCHEZ.

Coulommiers. - Inp. PAUL BRODARD

Le plateau d'Aubrac

A 35 kilomètres au sud du Plomb du Cantal, la Truyère, issue des monts de la Margeride, roule ses flots écumants dans une gorge profonde et sauvage, en décrivant une immense courbe dont la convexité est tournée du côté du nord. Au delà de cette vallée d'un pittoresque grandiose, s'étend une région de pâturages peu connue des touristes, parce qu'elle est peu accessible, mais à laquelle son immense solitude, la richesse et la variété de sa flore, le nombre et la beauté des troupeaux qui y séjournent pendant la belle saison, donnent un caractère tout particulier « de grandeur et d'originalité ». C'est là le pays d'Aubrac si magistralement décrit par M. E.-A. Martel dans son bel ouvrage sur les Cévennes '.

L'Aubrac occupe un plateau de forme elliptique, de 35 kilomètres de longueur sur 40 kilomètres de largeur. Circonscrit à l'est, au nord et à l'ouest par la Truyère, qui le sépare du Cantal, il est borné au sud par le Lot, dont les eaux tumultueuses se pressent dans une gorge resserrée, aux parois abruptes hérissées de rochers, qui s'élargit seulement entre Saint-Côme et Estaing pour former le riche bassin d'Espalion, au sud-est par la Colagne, qui descend du Truc de Randon (1 554 m. d'altitude) pour se joindre au Lot, près de Chirac. Le plateau se rattache vers l'est aux monts de la Margeride par une série de hauteurs resserrées entre les vallées de la Truyère et de la Colagne, formant une sorte d'isthme dont la largeur ne dépasse pas 1300 mètres entre Estables et Laubies et aboutissant au Truc de Randon.

Sur le pourtour, le plateau, que nous venons de décrire, offre la configuration mollement ondulée des régions granitiques. C'est, en effet, le granite et les schistes qui en forment le substratum; mais ce substratum est recouvert dans la partie moyenne du plateau par des coulées basaltiques qui constituent le faîte et les contreforts de la chaîne d'Aubrac. L'altitude moyenne de ce massif, dirigé du sud-est au nord-ouest en travers du plateau et recourbé en forme de croissant, est de 1300 mètres; ses points culminants atteignent 1451 et 1 471 mètres.

1. E.-A. Martel, Les Cévennes, Paris, 1890, Delagrave.

Abstraction faite de la chaîne, l'altitude moyenne du plateau n'est guère que de 1 150 mètres. A l'est et au nord, il s'incline doucement vers la fente étroite et profonde où coule la Truyère et vient heurter, à 800 et 900 mètres d'altitude, les ramifications méridionales du Plomb du Cantal. Vers l'ouest et le sud, la pente est plus accentuée; le plateau s'arrête à pic sur la vallée du Lot, qu'il domine de 480 mètres et qui le sépare des Causses du Comtal et de Bozouls.

Le sol du plateau d'Aubrac est recouvert presque partout d'une couche d'humus de 0 m. 80 à un mètre d'épaisseur, due à la végétation forestière qui recouvrait autrefois la région sur toute son étendue. Elle est revêtue d'un gazon épais, élastique, formé de racines et de tiges entrelacées, qu'on appelle motte dans le pays et qui présente la particularité caractéristique de résonner, lorsqu'on frappe du pied.

Sur le versant occidental de la chaîne, les surfaces des coulées plus ou moins aplanies, dans tous les cas à relief peu accentué, n'offrent au regard du touriste que d'immenses pâturages, dominés par des sommets, dont l'altitude varie de 1 300 à 1471 mètres. Ils sont formés de laves compactes, mais ne présentent jamais de cratères analogues à ceux des puys d'Auvergne; la partie supérieure de ces émergences a été emportée sous l'action des glaciers, qui les ont nivelées et leur ont donné souvent la forme de terrasses tronconiques. Les basaltes s'arrêtent brusquement à l'origine des innombrables et profondes vallées, creusées dans les escarpements abrupts du plateau, constitués par les schistes cristallins et ardoisiers; les flancs de ces vallées, d'aspect sauvage, sont parsemés de blocs épars, de rocs en saillie, et présentent seulement par endroits quelques restes des anciennes forêts. Dans leurs talwegs, des torrents roulent leurs eaux tumultueuses et atteignent le Lot, en franchissant les calcaires jurassiques, situés à la base du plateau.

A l'est des monts d'Aubrac, la physionomie du pays est différente. A 500 mètres du Mailhebiau, point culminant de la chaîne, s'ouvre la vallée du Bès2; large et peu encaissée, elle reçoit les eaux qui descendent du versant oriental et des hauteurs qui courent entre le Bès et la Truyère. Les surfaces des roches granitiques ou basaltiques sont moutonnées et striées, parfois recouvertes de boue argileuse apportée par les anciens glaciers, qui ont déposé çà et là de nombreux blocs erratiques. Le pays est coupé de petits lacs et de tourbières en formes d'entonnoirs, et présente, dit-on, la plus grande ressemblance avec les hautes terres de l'Écosse. Cette région est absolument déboisée, bien que l'aune et le bouleau y fussent autrefois très abondants. Au delà de Marchastel, le terrain est exclusivement granitique:

1. Cette dernière côte est celle du Mailhebiau, situé à la limite des départements de la Lozère et de l'Aveyron.

2. En patois, Bès est le nom du bouleau.

les pâturages font place aux cultures entremêlées de bois de pins sylvestres et ne gardent pas la place prépondérante qu'ils occupent plus à l'ouest.

Le bassin supérieur du Bès est dominé à l'est par les hauteurs de Malbouzon, Usanges et Chaldecoste (1 182 à 1367 m. d'altitude), au sud par le Truc de la Garde et le Mailhebiau (1 361 et 1 471 m.), à l'ouest par les pics du Bartas, des Flèches et des Mossous (1341, 1315 et 1405 m.). Tous ces sommets, formés de gneiss et de schistes revêtus de basalte, décrivent un vaste hémicycle, dont la convexité est tournée vers le nord et qui se développe sur 35 kilomètres. Le fond du bassin est à 1151 mètres d'altitude, entre Marchastel et Montgros; là le ruisseau des Flèches, grossi par celui de la Garde, amène au Bès les eaux des lacs de Bord, de Saint-Andéol, des Salhiens et celles des dépressions marécageuses qui s'étendent sur tout le bassin. Presque à son centre, au nord-est du lac de Bord, s'élève la montagne du Peyrou (1 310 m.), butte basaltique qui est comme le promontoire terminal des contreforts du Mailhebiau, dans la direction du nordnord-est; les glaciers de l'époque quaternaire ont arraché à ses flancs des blocs de basalte, qu'on retrouve à 26 kilomètres de là sur des mamelons granitiques. Après un coude brusque vers l'ouest, laissant au sud le pic de la Sentinelle (1 270 m. d'alt.), le Bès se dirige au nord et va se jeter dans la Truyère, après un parcours total de 68 kilomètres.

Au nord du plateau, les ruisseaux de Remontalou, de Lévandes et de Riols coulent dans des gorges sauvages, aux flancs déchirés, à travers des mamelons revêtus de pâturages alternant avec des bouquets de bois de pins et de bouleaux. Le roc du Cayla (1 300 mètres d'altitude), à sept kilomètres nord-est de Laguiole, peut être considéré comme le bastion le plus avancé de la chaîne d'Aubrac du côté du nord.

A l'ouest et au sud, de nombreux torrents, au cours impétueux, ont creusé leurs lits dans le granite, sillonnant le plateau en éventail. Ce sont l'Argencela-Morte, l'Argence-la-Vive, qui prend sa source au pied du roc du Cayla, et arrose ensuite les prairies verdoyantes de Sainte-Geneviève et d'Orlhaguet; la Selves, qui contourne le rocher de Laguiole, reçoit les eaux des ruisseaux de la Nuech et de Vayssaire, descendues des dépressions ombreuses de la forêt de Laguiole, traverse tout le plateau de la Viadène et va se jeter dans la Truyère, à 6 kilomètres en amont de son confluent avec le Lot; la Boralde1 des Bastits, qui naît au-dessous du pic de Roussillon (1 407 m. d'altitude), prend le nom de Boralde Flaujaguèse, après avoir reçu le ruisseau de Ménepeyre et la Boralde de la Poujade, dont les eaux descendent du pic de Las Truques (1 442 m. d'altit.), traverse la sombre gorge de Bonneval et atteint le Lot, entre Espalion et Saint-Come; la Boralde de Saint-Chély, qui prend

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