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Abstraction faite de la chaîne, l'altitude moyenne du plateau n'est guère que de 1 150 mètres. A l'est et au nord, il s'incline doucement vers la fente étroite et profonde où coule la Truyère et vient heurter, à 800 et 900 mètres d'altitude, les ramifications méridionales du Plomb du Cantal. Vers l'ouest et le sud, la pente est plus accentuée; le plateau s'arrête à pic sur la vallée du Lot, qu'il domine de 480 mètres et qui le sépare des Causses du Comtal et de Bozouls.

Le sol du plateau d'Aubrac est recouvert presque partout d'une couche d'humus de 0 m. 80 à un mètre d'épaisseur, due à la végétation forestière qui recouvrait autrefois la région sur toute son étendue. Elle est revêtue d'un gazon épais, élastique, formé de racines et de tiges entrelacées, qu'on appelle motte dans le pays et qui présente la particularité caractéristique de résonner, lorsqu'on frappe du pied.

Sur le versant occidental de la chaîne, les surfaces des coulées plus ou moins aplanies, dans tous les cas à relief peu accentué, n'offrent au regard du touriste que d'immenses pâturages, dominés par des sommets, dont l'altitude varie de 1 300 à 1471 mètres. Ils sont formés de laves compactes, mais ne présentent jamais de cratères analogues à ceux des puys d'Auvergne; la partie supérieure de ces émergences a été emportée sous l'action des glaciers, qui les ont nivelées et leur ont donné souvent la forme de terrasses tronconiques. Les basaltes s'arrêtent brusquement à l'origine des innombrables et profondes vallées, creusées dans les escarpements abrupts du plateau, constitués par les schistes cristallins et ardoisiers; les flancs de ces vallées, d'aspect sauvage, sont parsemés de blocs épars, de rocs en saillie, et présentent seulement par endroits quelques restes des anciennes forêts. Dans leurs talwegs, des torrents roulent leurs eaux tumultueuses et atteignent le Lot, en franchissant les calcaires jurassiques, situés à la base du plateau.

A l'est des monts d'Aubrac, la physionomie du pays est différente. A 500 mètres du Mailhebiau, point culminant de la chaîne, s'ouvre la vallée du Bès2; large et peu encaissée, elle reçoit les eaux qui descendent du versant oriental et des hauteurs qui courent entre le Bès et la Truyère. Les surfaces des roches granitiques ou basaltiques sont moutonnées et striées, parfois recouvertes de boue argileuse apportée par les anciens glaciers, qui ont déposé çà et là de nombreux blocs erratiques. Le pays est coupé de petits lacs et de tourbières en formes d'entonnoirs, et présente, dit-on, la plus grande ressemblance avec les hautes terres de l'Écosse. Cette région est absolument déboisée, bien que l'aune et le bouleau y fussent autrefois très abondants. Au delà de Marchastel, le terrain est exclusivement granitique:

1. Cette dernière côte est celle du Mailhebiau, situé à la limite des départements de la Lozère et de l'Aveyron.

2. En patois, Bès est le nom du bouleau.

les pâturages font place aux cultures entremêlées de bois de pins sylvestres et ne gardent pas la place prépondérante qu'ils occupent plus à l'ouest.

Le bassin supérieur du Bès est dominé à l'est par les hauteurs de Malbouzon, Usanges et Chaldecoste (1 182 à 1367 m. d'altitude), au sud par le Truc de la Garde et le Mailhebiau (1 361 et 1 471 m.), à l'ouest par les pics du Bartas, des Flèches et des Mossous (1341, 1315 et 1405 m.). Tous ces sommets, formés de gneiss et de schistes revêtus de basalte, décrivent un vaste hémicycle, dont la convexité est tournée vers le nord et qui se développe sur 35 kilomètres. Le fond du bassin est à 1151 mètres d'altitude, entre Marchastel et Montgros; là le ruisseau des Flèches, grossi par celui de la Garde, amène au Bès les eaux des lacs de Bord, de Saint-Andéol, des Salhiens et celles des dépressions marécageuses qui s'étendent sur tout le bassin. Presque à son centre, au nord-est du lac de Bord, s'élève la montagne du Peyrou (1 310 m.), butte basaltique qui est comme le promontoire terminal des contreforts du Mailhebiau, dans la direction du nordnord-est; les glaciers de l'époque quaternaire ont arraché à ses flancs des blocs de basalte, qu'on retrouve à 26 kilomètres de là sur des mamelons granitiques. Après un coude brusque vers l'ouest, laissant au sud le pic de la Sentinelle (1 270 m. d'alt.), le Bès se dirige au nord et va se jeter dans la Truyère, après un parcours total de 68 kilomètres.

Au nord du plateau, les ruisseaux de Remontalou, de Lévandes et de Riols coulent dans des gorges sauvages, aux flancs déchirés, à travers des mamelons revêtus de pâturages alternant avec des bouquets de bois de pins et de bouleaux. Le roc du Cayla (1 300 mètres d'altitude), à sept kilomètres nord-est de Laguiole, peut être considéré comme le bastion le plus avancé de la chaîne d'Aubrac du côté du nord.

A l'ouest et au sud, de nombreux torrents, au cours impétueux, ont creusé leurs lits dans le granite, sillonnant le plateau en éventail. Ce sont l'Argencela-Morte, l'Argence-la-Vive, qui prend sa source au pied du roc du Cayla, et arrose ensuite les prairies verdoyantes de Sainte-Geneviève et d'Orlhaguet; la Selves, qui contourne le rocher de Laguiole, reçoit les eaux des ruisseaux de la Nuech et de Vayssaire, descendues des dépressions ombreuses de la forêt de Laguiole, traverse tout le plateau de la Viadène et va se jeter dans la Truyère, à 6 kilomètres en amont de son confluent avec le Lot; la Boralde1 des Bastits, qui naît au-dessous du pic de Roussillon (1 407 m. d'altitude), prend le nom de Boralde Flaujaguèse, après avoir reçu le ruisseau de Ménepeyre et la Boralde de la Poujade, dont les eaux descendent du pic de Las Truques (1 442 m. d'altit.), traverse la sombre gorge de Bonneval et atteint le Lot, entre Espalion et Saint-Come; la Boralde de Saint-Chély, qui prend

naissance dans les pâturages de Campiols, arrose le vallon étroit que domine Aubrac, avec sa vieille tour des Anglais, puis la pittoresque vallée où dort Saint-Chély', avec son clocher étrange, s'ouvre un passage étroit dans les schistes et va se jeter dans le Lot, en amont de Saint-Côme; les ruisseaux des Mousseaux, de Vieurols, de Bonance et du Doulou, qui descendent des terrasses mornes du Mailhebiau dans des coupures étroites et profondes, garnies de lambeaux de forêts.

Le climat du plateau est assez rigoureux. La végétation ne commence qu'à la fin de mai et encore les chutes de neige en mai et en juin ne sontelles pas absolument rares. La neige séjourne sur le sol pendant sept mois environ, d'octobre à mai; elle tombe pendant 35 jours environ avec une épaisseur moyenne de 5 à 8 centimètres, souvent de 15 à 20 centimètres et subsiste pendant près de quatre mois sur une épaisseur moyenne de 0 m. 50 à 0 m. 80.

La neige a subsisté du 29 janvier 1901 au 20 mars sur une épaisseur moyenne de 0 m. 70; on a observé des amas de 7 à 10 mètres de hauteur. A l'automne 1901, la première chute a eu lieu le 5 octobre sur 0 m. 05 d'épaisseur à partir du 23 novembre, l'épaisseur de la couche a été de 0 m. 75.

En 1902, la neige a fait son apparition le 2 octobre, mais elle n'a pas persisté. Nouvelles chutes de neige les 17 novembre, 2 décembre, 19 décembre, 24 décembre; la neige persiste pendant trois à dix jours, avec une épaisseur moyenne de 10 centimètres. La neige retombe le 29 décembre. Du 11 janvier 1903 au 15 mai, il se produit 22 chutes de neige; le sol est resté sans neige pendant 50 jours à huit reprises différentes, et définitivement depuis le 1er mai; la neige tombée les 4, 9 et 15 mai a fondu aussitôt.

Du 14 septembre 1903 au 25 novembre, il s'est produit sept chutes de neige, mais elle n'a pas persisté. Le sol reste couvert du 25 novembre 1903 au 15 avril 1904 sur une épaisseur moyenne de 0 m. 44. La neige tombe encore les 23 avril, 6, 7, 9, et 23 mai.

A l'automne 1904, on observe neuf chutes de neige du 21 septembre au 24 décembre, avec une épaisseur moyenne de 0 m. 09. La neige subsiste du 8 au 23 décembre et retombe sur une grande épaisseur le 31 décembre (observations de M. Grandet, brigadier des Eaux et Forêts).

A Aubrac, la neige ne disparaît jamais complètement à l'exposition nord et on trouve encore des amas de neige (congères) à la fin de mai et en juin. Le nombre des jours de pluie est de 48 à 50 par an; l'épaisseur moyenne

1. On devrait écrire Sanch Ely (Saint Éloi).

annuelle de la tranche d'eau pluviale est de 1 m. à 1 m. 40. Les pluies sont fréquentes et souvent torrentielles; les effets des orages sont parfois terribles. Le 3 septembre 1884, pendant un orage d'une violence inouïe, un seul coup de tonnerre tua 480 moutons dans un parc de 1 700 têtes'.

Les vents soufflent avec une extrême violence sur ce plateau que rien n'abrite, surtout pendant l'hiver. Les vents dominants sont ceux du nord et du nord-ouest, qui soufflent 54 jours sur 100; ceux du sud, du sud-est et du sud-ouest ne soufflent que 24 jours sur 100. Le vent du nord (cantaléso) détermine des froids intenses; souvent il enlève la neige en épais tourbillons et produit ainsi d'effroyables tourmentes, appelées ciro, pendant lesquelles la circulation est impossible, tout au moins très dangereuse.

Les brouillards sont fréquents. Par contre la rosée, la gelée blanche sont très rares, grâce à la sécheresse de l'air et au faible rayonnement nocturne. La grêle est aussi tout à fait exceptionnelle.

L'air est très sec et pur, l'évaporation active. La tension de la vapeur d'eau ou humidité absolue est inférieure de 4 millimètres à celle de la plaine; elle est beaucoup plus faible en hiver qu'en été. L'humidité relative varie de 51 p. 100 en mars à 88 p. 100 en janvier.

Le soleil reste au-dessus de l'horizon pendant trois heures et demie à quatre heures en hiver, treize à quinze heures au printemps et pendant l'été. On peut compter 170 jours d'insolation absolue et 195 jours de pluie ou neige, ou pendant lesquels le ciel est couvert de nuages.

La pression barométrique à Aubrac oscille entre 628 et 670 millimètres. La moyenne générale est de 650 millimètres; elle est atteinte généralement au printemps et à l'automne; le maximum est observé en été et le minimum en hiver. Pendant l'hiver, les faibles variations barométriques ne se font pas. sentir; elles sont très sensibles en été et suivent de près les changements de temps.

La température annuelle moyenne est de + 9° (0° en hiver, +18° en été). En hiver, la température moyenne est de + 3° pendant le jour, avec des minima de -12° à 20° pendant la nuit. Elle s'élève au printemps à +6° et +13° pendant le jour et descend la nuit à -1° et-12°. Au mois de juin, le thermomètre ne descend pas au-dessous de 0°; les pluies sont de courte durée et suivies de belles journées, surtout en avril et mai.

En été, il y a peu d'écart entre la température diurne et la température nocturne; la première oscille entre 20 et + 22°, exceptionnellement + 24° à 26°, la seconde entre 1° et + 3°. L'air est toujours frais, grâce à la présence constante du vent et au défaut de vapeur d'eau dans l'atmosphère. L'absence de terrains cultivés dans la région des pâturages rend plus difficile

l'absorption de la chaleur pour le sol, couvert d'herbes épaisses. A partir du 15 septembre, la température diurne varie de +10° à +15°; la nuit, on observe 4o ou-501.

D'innombrables sources d'eau vive prennent naissance dans les replis des pâturages et vont former des ruisseaux, dont les eaux retombent souvent en cascades écumantes sur des seuils de basaltes. Nous citerons seulement : la cascade du moulin du Roc, où les eaux du lac des Salhiens se déversent sur 30 mètres de hauteur, au milieu de prismes et de dykes basaltiques, du haut d'un rocher qui surplombe une curieuse excavation de 10 mètres de profondeur la cascade du ruisseau des Plèches, affluent du Bès, où les eaux se sont frayé un passage à travers des prismes basaltiques qu'elles ont nivelés peu à peu, en leur donnant l'aspect de gradins la cascade d'Ourtigouse, sur le ruisseau de même nom, affluent du Ménepeyre, où les eaux tombent d'une hauteur de 20 mètres celle du Saut del Grel, à 800 mètres au sudouest d'Aubrac celles de la Boralde, entre Aubrac et Saint-Chély.

Une des particularités caractéristiques du pays d'Aubrac, c'est la présence de nombreux lacs dans les dépressions du plateau. La plupart sont en voie de dessèchement et ne sont plus que des tourbières dont l'accès est des plus dangereux. Trois de ces lacs sont intéressants. Ce sont : 1° à trois kilomètres et demi de Nasbinals, le lac des Salhiens, mesurant 400 mètres dans sa plus grande longueur, et une largeur de 150 à 300 mètres; 2° 4500 mètres plus loin, le lac de Saint-Andéol, barré au nord-ouest par une moraine (2 km. de circonférence; profondeur maxima: 30 mètres); le lac de Bord, long de 330 m. et large de 300 m.

Le plateau des lacs offrait autrefois des ressources considérables pour la chasse des oiseaux d'eau. On n'y trouve plus que le martin-pêcheur, le petit chevalier et le cyncle plongeur; les bécassines, les canards et les sarcelles, jadis abondants, ont disparu. Sur le reste du plateau, le gibier est rare; les cailles et les perdrix s'y rencontrent cependant. Dans la forêt d'Aubrac et dans les forêts voisines, les chasseurs trouvent encore renards et sangliers; le loup semble avoir disparu entièrement depuis 1880.

1. Nous avons emprunté la plupart des détails qui précèdent à la thèse de M. le D' Andrieu, Aubrac, climat et sanatorium. Paris, 1901, Carré et Naud. Il ne faut pas perdre de vue que la station d'Aubrac, étant abritée contre les vents par une ceinture de sommets de 4 360 à 1 400 mètres d'altitude, se trouve dans une situation privilégiée et que par suite l'action des vents se fait sentir beaucoup plus sur tout le plateau. L'action thérapeutique du climat d'Aubrac paraît très efficace dans les cas d'anémie, de neurasthénie, de prédisposition à la tuberculose pulmonaire. M. le D' Saunal dirige un sanatorium qui se trouve à 300 mètres du village d'Aubrac, sur le versant méridional du puy de Regambal, entouré de prairies et d'un petit bois de hètres, dont la présence amortit la violence des vents du nord, déjà brisée par la montagne de Regambal et les puys voisins (las Truques, Puy de Gudette, Mossous); cet établissement, construit d'après les principes les plus nouveaux, est exposé au midi et renferme 30 chambres de malades, pouvant donner chacune un cube d'air de 56 mètres cubes.

2. Les annales de l'abbaye d'Aubrac font mention du plus beau vol de hérons que le roi François Ier ait vu de sa vie, près du lac des Salhiens, en juillet 1533.

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