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du Bouissou, d'Ourtigouse, des Martiols et des Bastits, tributaires de la Boralde de la Poujade. Elle est grevée sur 80 p. 100 de son étendue de droits d'usage au bois et outils aratoires, concédés par les moines bénédictins de l'abbaye de Bonneval au profit des habitants de Curières; ceux-ci enlevaient chaque année de la forêt du bois en quantité illimitée, prenant les brins les plus droits et les plus élancés, laissant les sujets mal conformés et abandonnant sur place les branchages, si bien qu'en 1882 on dut leur interdire toute exploitation. Après un repos de dix ans, la forêt s'est reconstituée et il a été possible de permettre aux usagers de recommencer leurs exploitations, mais en les obligeant cette fois à respecter les règlements forestiers violés jusque-là. 137 hectares de la forêt, qui ne sont pas grevés de droits d'usage, constituent le Devez, magnifique futaie de hêtre de 100 à 150 ans, qui peut donner tous les ans 150 mètres cubes de bois de choix des plantations de sapin effectuées sous le couvert des hêtres sur 60 hectares environ ont admirablement réussi1.

De l'autre côté du ruisseau de Ménepeyre, qui sort d'un pli de terrain entre le puy du Trap et celui de Las Truques (1 442 m. d'altitude), s'étend la forêt communale de Condom, d'une contenance de 695 hectares. La plus grande partie était autrefois la propriété de l'hôpital d'Aubrac; sous prétexte de droits d'usage à l'herbe, au bois, au pâturage et au panage à eux concédés en 1276 par les religieux, les habitants de Condom se sont fait attribuer en 1811 la propriété de 540 hectares, au mépris des droits de l'État, possesseur des biens de la communauté depuis 1792.

A l'est de la forêt de Condom, nous traversons le canton forestier de Regambal, dépendant de la forêt domaniale d'Aubrac. Il est situé sur les pentes escarpées d'un mamelon que couronne le signal de Las Truques et sur les deux versants de la vallée profondément encaissée où coule le ruisseau de Canut, tributaire de la Boralde de la Poujade. Ce ruisseau prend sa source dans une sorte de cirque, dominé par les puys de Las Truques, de Gudette (1 435′ m. d'altitude) et de Regambal (1424 m. d'alt.), au pied de la croix dite des Trois-Évèques. Le peuplement de la forêt se compose d'un taillis fureté de hètre, mélangé d'alisier blanc sur les sommets et d'aune dans les parties basses. Sur le périmètre méridional, on a effectué en 1901 et 1903 des plantations d'épicéa, de sapin, de mélèze et de pin à crochets.

Le village d'Aubrac est à 1 200 mètres de là, exposé en plein midi, dominant la pittoresque vallée de la Boralde et protégé contre les vents du nord par une ceinture de sommets de 1 360 à 1 400 mètres d'altitude. L'air sain et vif, la siccité de l'atmosphère remplie pendant l'été de senteurs tièdes et par

1. Le sapin est presque introuvable sur le plateau d'Aubrac. A 15 kilomètres, au nord de Laguiole, on remarque cependant la belle sapinière de Guirande, à l'altitude de 1 050 mètres; sa contenance est de 32 hectares. Cette essence serait donc tout à fait à sa place sur les sommets et sur les flancs de la chaine d'Aubrac, où son introduction serait facile.

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fumées en font une station délicieuse. Combien plus agréable serait-elle cependant si l'on pouvait trouver dans les pâturages qui l'environnent l'ombre au pied de bouquets de mélèzes et de sapins que l'on y cherche en vain!

A 1 200 mètres d'Aubrac, sur la route qui conduit à Espalion, l'Adrech, petit bois de 17 hectares, offre aux gaspijayres (buveurs de petit lait) un abri contre la chaleur et des sièges moussus sous des voûtes de verdure. Mais l'Adrech n'est qu'un taillis de hêtre fureté, dont les branches sont courbées chaque année sous le poids de la neige et du givre; en suivant la route d'Aubrac à Saint-Chély, les promeneurs trouvent une magnifique futaie de hêtre de 100 à 120 ans, dont la belle végétation contraste singulièrement avec l'aspect des taillis de l'Adrech et de Régambal. C'est la futaie de Gandilloc, assise à 1160 mètres d'altitude moyenne sur un versant rapide, au pied duquel la Boralde roule ses flots écumants et rebondit de cascade en cascade sur des seuils de basalte, avant d'arroser les riches prairies du vallon de Saint-Chély.

De l'autre côté de la Boralde s'étend sur 1613 hectares le grand bois d'Aubrac. Ce vaste ténement occupe le plateau de Monterbosc (1 310 m. d'altitude), circonscrit au nord par le ruisseau de Campiols, à l'ouest par la Boralde, au sul et à l'est par le ruisseau des Mousseaux et les pentes rapides qui vont du haut plateau de Tournécoupe (1 388 mètres d'alt.) aux ruisseaux des Mousseaux et de Vieurols. Il revêt ainsi de ses masses sombres les versants abrupts de l'immense cirque qui termine brusquement la vallée du ruisseau des Mousseaux, les pentes escarpées des versants du Soutou et du Martinet, couvertes de rocs basaltiques et dominées par des falaises de rochers à pic de plus de 100 mètres de hauteur. Dans la vallée, les futaies de la Verrière et du Martinet occupent 277 hectares; la profondeur du sol et l'abri que leur prètent les hauteurs voisines contre les vents permettent aux arbres d'acquérir de belles dimensions; nous avons compté dans cette partie de la forêt 302 hètres, mesurant 0 m. 70 de diamètre à 1 m. 30 du sol et de 18 à 20 mètres de hauteur totale de fût. Sur les plateaux et les versants, on trouve 1336 hectares de taillis furetés, généralement clairiérés, rabougris, souvent dépérissants, ruinés par les abus de toute sorte qui y ont été exercés depuis plusieurs siècles. L'origine de cette situation désastreuse remonte vraisemblablement à l'époque de la guerre de Cent ans et des guerres de Charles VII contre Jean V, comte de Rodez et d'Armagnac; en tout cas, elle a été constatée officiellement en 1658, lors de la visite des forêts de l'abbaye d'Aubrac par les commissaires réformateurs et a été aggravée singulièrement à la fin du xvm siècle et pendant tout le cours du xix". Jusqu'en 1898, en dépit des efforts de l'administration des Eaux et Forêts, les habitants des communes de l'Aveyron, de la Lozère et du Cantal les plus rapprochées de cette partie de

texte d'exercer de prétendus droits d'usage, que différentes décisions judiciaires et administratives avaient malheureusement reconnus fondés, malgré la faiblesse des arguments invoqués et l'invraisemblance manifeste des prétentions émises 1.

A deux kilomètres et demi du grand bois d'Aubrac, sur les pentes escarpées du versant est de la vallée du ruisseau des Mousseaux, le canton des Fouilloux étale entre 560 et 840 mètres d'altitude sa futaie de 80 ans, élancée, bienvenante; le hêtre domine à la partie supérieure du versant, les chènes sont nombreux dans la partie inférieure et vont jusqu'à l'altitude de 800 mètres. De l'autre côté de la vallée, la forêt communale de Prades présente un misérable taillis fureté, coupé de bruyères qui servent d'asile aux renards.

La forêt d'Aubrac appartenait, avant 1792, à l'hôpital fondé vers 1120, à Aubrac même, par Adalard, fils d'un comte de Flandre, pour recevoir et secourir les voyageurs et spécialement les pèlerins allant à Roc-Amadour, à Saint Jacques de Compostelle, à Saint Sauveur d'Oviède, en Estramadure et à Jérusalem. Elle avait été donnée à l'hôpital par le comte de Rodez et le marquis de Canillac et s'étendait au xvII" siècle sur 3 788 hectares. Si l'on tient compte des 540 hectares attribués en 1811 à la commune de Condom, on voit que la contenance actuelle de la forêt ne représente plus que 76 p. 100 de la surface boisée il y a 250 ans; le déboisement s'est donc étendu sur un quart de la surface boisée, et il s'agit d'une forêt abbatiale, soumise au régime forestier par le titre XXIV de l'ordonnance de 1669, visitée par les officiers des maîtrises jusqu'à la Révolution, réunie depuis au domaine de l'État. Si la déforestation a pu s'opérer dans de telles proportions dans une propriété soumise au contrôle des agents du pouvoir central, on peut en induire ce qui s'est produit dans les bois des particuliers de la région.

Le hêtre est l'essence dominante des forêts que nous venons de décrire; il y occupe 90 p. 100 de la surface. On le trouve depuis 500 mètres d'altitude. (forêt de Lestrade) jusqu'à la limite des pâturages. Le châtaignier ne se rencontre pas dans les forêts; très abondant sur les pentes du plateau, dans la vallée du Lot, il ne dépasse pas l'altitude de 750 mètres. Le chène ne s'élève pas au-dessus de 700 mètres; on ne le rencontre que dans la forêt des Fouilloux, à la partie la plus basse du versant, et à l'exposition sud-est.

Après le hêtre, l'essence qui occupe la plus grande surface (7 p. 100

1. Voir notre étude sur Aubrac, son monastère, ses forels, ses pâturages, Rodez, 1903, imprimerie E. Carrère.

2. Le monastère d'Aubrac fut d'abord gouverné par des supérieurs qui prirent le nom de dom (latin dominus), d'où la dénomination de domerie donnée à l'hôpital, qui fut érigée en 1467 en abbaye commendataire. En 1780, les revenus de l'abbaye étaient évalués à plus de 80 700 livres, soit plus de 161 500 francs, valeur actuelle. (Abbé Deltour, Aubrac, son ancien hôpital, ses montagnes, sa flore, Rodez, 1892, imprimerie Colomb).

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environ) est l'alisier blanc, qui se montre à partir de 900 mètres d'altitude. L'aune glutineux se rencontre sur le bord des ruisseaux, en petite quantité. Le coudrier noisetier se trouve dans les clairières. On ne voit le genévrier que dans un vide du canton des Rajâls, à 1 300 mètres d'altitude.

Le tilleul, l'érable champêtre, le cerisier-merisier ne se rencontrent que dans la forêt de Pommiers, entre 650 et 800 mètres d'altitude. Le houx est rare dans le massif d'Aubrac; il est abondant à Pommiers et aux Fouilloux. La bourdaine (Rhamnus frangula L.). et le daphné bois-gentil (Daphne mezereum L.) sont assez rares; la ronce-framboisier (Rubus idæus L.) est rare. L'airelle myrtille (Vaccinium myrtillus, L.) se rencontre en grande quantité sur le plateau de Monterbose; on trouve le sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia L.) presque partout, mais en pieds isolés. La pervenche (Vinca minor L.) forme d'épais tapis sous la futaie de la Verrière.

Parmi les autres plantes caractéristiques de la flore du bois d'Aubrac, nous citerons : Dianthus sylvaticus, Hoppe; Stellaria nemorum, L.; Hypericum quadrangulum, L.; Geranium nodosum, L.; Impatiens noli tangere, L.; Rosa rubrifolia, Will.; Epilobium montanum, L.; Ribes alpinum, L.; Chœrophyllum aureum, L.; Knautia sylvatica, Duby; Senecio cacaliaster, Lam.; Gentiana campestris, L., dans les clairières; Rumex obtusifolius, L., Calamintha grandiflora, Moench'; Thesium alpinum, L.; Lilium martagon, L.; Allium ursinum, L.; Asphodelus albus, Willd; Epipactis viridiflora Hoffm; Neottia nidusavis, Rich.; Orchis mascula, L.; Orchis sambucina, L.; Luzula nivea, D. C.; Calamagrostis sylvatica, D. C.; Milium effusum, L.; Festuca gigantea, Will.; Elymus europaeus, L.; Polypodium phegopteris, L.; etc.

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Aubrac n'est pas la localité la plus importante du plateau, bien que ce village lui ait donné son nom. Il ne compte que 40 habitants à peine. Les seuls édifices qu'on y remarque et qui subsistent des constructions du célèbre monastère, appelé jadis « le Saint Bernard du Plateau central », sont l'église, dont la construction remonte aux XII et XIe siècles, la tour carrée, dite des Anglais, édifiée en 1353 pour protéger l'hôpital contre les attaques des routiers, et l'ancien hôpital qui date du XIe siècle et sert de logement aux préposés forestiers. Ces constructions, aux formes massives, n'ont ni gràce ni élégance et la teinte sombre du basalte qui a servi à les élever leur donne un aspect singulièrement triste.

La situation privilégiée d'Aubrac qui, malgré son altitude considérable

1. Les feuilles et les tiges du Calaminthe à grandes fleurs sont récoltées dans toute la région; employées en infusion, elles donnent une boisson très appréciée, connue sous le nom de thé d'Aubrac. Il est à craindre que cette plante, arrachée sans ménagements, ne finisse par disparaître.

(1 310 m. d'alt.), jouit pendant l'été d'une température relativement élevée, en raison de son exposition favorable et de la présence de sommets qui le garantissent contre les vents du nord, y attire depuis une dizaine d'années tous les étés deux à trois mille personnes qui viennent y faire une cure d'air et de petit-lait. Il faut se garder de croire qu'Aubrac offre aux personnes habituées à la vie compliquée des stations balnéaires les distractions nombreuses et le confortable auxquels elles tiennent tant: Tout y est primitif. Dans le patois du pays on donne aux buveurs du petit-lait le nom de gaspijeyros; ce sont généralement des Parisiens, originaires du Cantal ou de l'Aveyron.

Les environs d'Aubrac peuvent offrir au touriste d'agréables excursions. En dehors des promenades aux bois de l'Adrech et de Gandilloc, dont nous avons parlé plus haut, il lui est facile de se rendre en moins d'une heure sur les Puys de Régambal, des Mossous et de Gudette, d'où l'œil embrasse Nasbinals, la vallée du Bès, l'ensemble du plateau d'Aubrac avec ses immenses pâturages et ses innombrables troupeaux. Du pic de las Truques, l'horizon s'étend des cimes aiguës du Sancy et du Cantal à la terrasse de l'Aigoual, des monts de la Margeride aux sommets arrondis des Palanges et du Levezou; par un temps très clair, on découvre au loin la chaîne des Pyrénées et ses pics neigeux. Si le touriste est bon marcheur, il peut pousser jusqu'au Mailhebiau et aux lacs de la Lozère, ce qui demande une bonne journée de marche.

D'Aubrac à Laguiole, le trajet est un perpétuel enchantement, à travers les pâturages ou les hêtraies verdoyantes; la route ne s'éloigne guère de la ligne de faîte, ce qui permet au voyageur d'avoir presque constamment une vue très étendue à droite et à gauche, sur les pâturages sans fin ou sur les gorges aux flancs boisés.

Laguiole, chef-lieu de canton de 1 890 habitants, est la vraie capitale de la montagne. Elle est bâtie en amphithéâtre, au confluent de la Selves et du ruisseau de Vayssaire, sur le penchant d'une butte de basalte que couronne l'église et d'où le regard s'étend fort loin. Laguiole est le centre d'un commerce important de fromages et de coutellerie.

A 22 kilomètres à l'ouest, sur le plateau de la Viadène, le bourg de SainteGeneviève est, comme Laguiole, le rendez-vous, pendant l'été, de nombreux étrangers qui viennent y chercher l'air pur et la fraîcheur ou s'y livrer au plaisir de la pêche.

Dans la partie lozérienne du plateau, Nasbinals, village de 1300 habitants, bâtie à 1 155 mètres d'altitude sur un affluent du Bès, est aussi fréquentée pendant la belle saison par les amateurs de villégiature que n'effraient pas ses ruelles malpropres et ses maisons sordides. Nasbinals est, avec Laguiole, l'entrepôt des fromages fabriqués sur le plateau. C'est aussi la résidence d'un rebouteur, Pierre Brioude, dit Pierrounet, d'une réelle habileté, dont la répu

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