Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

dire un docteur de l'Eglise, complété par le martyre de ses souffrances, et, à ce titre, sa vie comme sa mort n'étaient-elles pas déjà dignes d'une étude scrupuleuse? N'était-ce pas aussi à ses instances réitérées que céda dom Coustant, lorsqu'il consentit à entreprendre ce magnifique recueil des Décrétales, si fatalement interrompu, et pour l'enrichissement duquel il offre ses remerciements à dom Martène en commençant cette lettre?

LETTRE 9.

Lettre de D. Constant à D. Martène.

Le 9 janvier 1708.

Mon révérend Père,

Je ne scay comment reconnoître votre vigilance à ce qui peut enrichir le recueil dont je suis chargé. Vous ne me pouviez faire d'étrennes plus agréables et plus utiles. Je ne puis vous en remercier assez. Vous me demandez quelques circonstances de la mort de D. J. Mabillon. J'espère que vous les pourriez mieux apprendre d'ailleurs. Cependant je puis assurer qu'elle a parfaitement respondu au reste de sa vie, et que si sa perte a été affligeante, la manière dont il est mort n'a pas été d'une petite consolation pour ceux qui l'aimoient d'un amour chrétien. L'on a sujet d'adorer les jugements de Dieu qui semble en avoir voulu faire un martyre. Il a permis que le Père Assistant le prit le 1er décembre pour assister à quelques professions qui se devoient faire le même jour à Chelles, et que dom Thierri (Ruinart), qui ne le quittoit pas, et qui apparemment auroit détourné le coup fatal, ne pût être de la compagnie. Dès Paris, le carrosse s'arrêta deux fois, et en ces deux rencontres D. Jean éprouva qu'il étoit attaqué d'une rétention d'urine. Au bois de Vincennes, il fut obligé de descendre de carrosse, et, au lieu de retourner à Paris, il poussa à pied vers Chelles, s'étant présenté près de deux cents fois sans pouvoir se décharger. Il tomba ensuite entre les mains d'un médecin de Lagni, qui ne connut point son mal, en sorte que l'on ne commença à le soulager par la sonde que le jour de la Conception, c'est-à-dire le huitième jour de son mal, où ensuite on le ramena à Paris. Le chirurgien et le médecin dirent dès lors qu'il falloit qu'il eût souffert des douleurs très-vives et très-aiguës, et depuis il n'a rendu aucune eau que par la sonde. Il dit à D. Thierri, qui l'alla trouver à Chelles dès le lendemain du jour de sa maladie : « Cher ami, il faut nous séparer. Comme je suis le plus âgé, il est juste que je commence le premier. » La fièvre étant survenue deux jours avant la Saint-Thomas, il demanda les derniers sacrements, quoi

qu'il parût que rien ne pressât. Ce fut pourtant un effet de la Providence, parce que la violence des frissons qu'il ressentit la nuit suivante auroit embarrassé si l'on n'eût pris cette précaution. J'ay été témoin comme il adoucissoit ses douleurs par la ferveur de ses prières, tantôt demandant à Dieu la patience, tantôt le bénissant; toujours le cœur élevé vers lui et ne pensant qu'à finir saintement. Il communia la nuit de Noël et parut se porter mieux, mais après-midi on s'aperçut qu'il crachoit le sang, et pour lors il fut désespéré. Le jour de Saint-Etienne, il cessa de cracher et on lui ôta la sonde pour le laisser passer plus doucement. On n'attendoit que l'heure de sa mort, mais il dit qu'il célébreroit la fête de Saint-Jean. Il demanda la sonde pour un peu se soulager, et ce ne fut que pour appesantir sa croix, car le chirurgien n'en put venir à bout, et, par ses efforts, ne fit qu'une excoriation dont il sortit une demi-écuelle de sang. Comme on tâchoit, sur le soir, de le tenir dans les bons sentimens dont il étoit rempli, son feu s'augmenta: il se mit à parler, d'une manière ravissante, de la grandeur de Dieu, de l'intégrité du sacrifice qui lui est dû, etc., en sorte que l'on crut devoir le communier incontinent après minuit. Dom Claude Guesnié lui dit la messe, et D. Jean, tout agonisant qu'il étoit, la dit avec lui en suivant et disant toutes les paroles, puis communia avec des sentiments très-vifs, et depuis ne cessa point de répéter le cantique Benedicite jusqu'à ce que la parole lui eût entièrement manqué, c'est-àdire environ deux heures avant sa mort, qui arriva le jour de Saint-Jean, à quatre trois quarts du soir.

M. de Harlay, le Premier Président, marqua par une lettre, le lendemain, combien il étoit sensible à la perte que faisoit la France, dont « notre Père étoit, dit-il, depuis longtemps un des principaux ornemens, » et à celle de << notre très-sainte congrégation, » pour me servir de ses termes, « qu'il honoroit, et où il édifioit ses confrères par sa vie régulière. » Je puis ajouter que plus il avançoit, plus il se préparoit à la mort. Il n'avoit pourtant rien de vieil. Sa vue étoit la même que quand vous l'avez vu, et même après sa mort, lui ayant ouvert les yeux pour le tirer, il en sortoit un feu surprenant.

L'on donne ces deux vers comme de M. de La Monnoie :

Ille Mabillonius jacet hic, qui vivere plura
Quam scripsit Patrum secula dignus erat.

Ce qui a donné lieu à un de nos confrères d'ajouter :

Non terris natus sed cœlo, æterna petivit

Sæcula, scribendo quæ meditatus erat.

Il est resté en 1147 de ses Annales. Vous voyez bien que D. Thierri est sur la route pour continuer, pourvu que Dieu lui donne la santé. La Diplomatique s'achève, et il ne reste à imprimer que quarante-six feuilles. Je

ne vois pas de nos confrères à qui vous pourriez faire voir votre ouvrage (Thesaurus novus anecdotorum?), sinon peut-être D. Jean Liron, qui a assez de connoissance et de critique. Si vous voulez tenter cette voye vous le pourriez faire par le moyen du très-révérend Père Général. Je finis en vous souhaitant une heureuse année, remplie des grâces du ciel. J'espère aussi que devant Dieu vous ne m'oublierez pas, qui suis, avec un parfait attachement, mon révérend Père, votre très-humble et affectionné confrère.

Fr. P. COUSTANT.

Je présente au R. P. Prieur mes profonds respects. J'embrasse aussi Fr. René et lui souhaitte une sainte année.

Au révérend Père Dom Edmond Martène, religieux bénédictin
de Marmoutiers, à Tours.

Outre son intérêt tout spécial, cette lettre nous fournit une nouvelle preuve de l'intérêt que prenait D. Martène à l'édition des Lettres des Papes, et nous fait aussi penser que D. Coustant n'avait pas assisté en indifférent à tous les détails qu'il donne des derniers moments du saint religieux. Il se proposait certainement déjà de l'imiter même en cela, et de chercher à mourir avec cette foi et cette ferveur. Sa fin, nous le savons, répondit à ces sentiments, et, comme D. Mabillon, la mort le saisit au milieu d'un travail des plus importants, mais pour lequel, contrairement à lui, il ne devait pas trouver de continuateur. Il est vrai qu'il faudrait, nous a-t-il été dit à nous-même, pour éditer les deux volumes (des Lcttres), qui sont entièrement préparés, « autant de science et de zèle qu'en avait D. Coustant lui-même. »>

Nous saisissons avec empressement cette occasion pour dire, circonstance peu connue aujourd'hui, que les manuscrits de ces deux ou même trois volumes non imprimés se trouvent à Rome, dans la bibliothèque du Vatican, où ils ont été placés à la mort du cardinal Fesch, qui les avait, en France, sauvés de la destruction. Nous avons pu voir et feuilleter (en 186C) les dix cartons, portant encore l'étiquette du papetier de la rue du Montblanc, à Paris, qui les avait fournis au cardinal, et renfermant tous les manuscrits des volumes préparés. Nous avons pu constater le soin, l'attention, la minutieuse exactitude avec lesquels étaient recueillis et classés tous ces matériaux, placés soit en

interligne, soit en marge, soit sur des feuilles volantes, simples ou doubles, intercalées entre les pages décousues d'une édition des Décrétales, du cardinal Caraffa. Mgr San Marsano, premier bibliothécaire du Vatican, à la complaisance duquel nous sommes redevable de cette intéressante communication, a fait le plus bel éloge de l'orthodoxie du pieux auteur, en nous disant que ces manuscrits avaient été dernièrement encore consultés par plusieurs savants, italiens, pensait-il, désireux sans doute de trouver, dans les décrets des Pontifes, la justification de certaines hardiesses de principes, et que ces personnages avaient promptement renoncé à leur entreprise. Nous avons eu, à la même époque, la satisfaction de recueillir un éloge des plus complets et des plus explicites de la bouche même du savant cardinal Pitra. Son opinion, semblable à celle des contemporains, à un siècle et demi de distance, est aussi qu'après D. Mabillon, D. Pierre Coustant est peut-être l'homme le plus remarquable de la congré gation de Saint-Maur.

A ces éloges, qu'il nous soit permis d'en joindre encore un semblable venu d'un ancien ministre de l'Instruction publique, de celui auquel est due l'initiative entière de la dernière restitution du Panthéon au culte. En présence de tous ces témoignages, il est facile de comprendre que c'est avec un légitime orgueil et une pieuse vénération que nous recueillons, que nous ne cesserons de recueillir tout ce qui peut concerner l'infatigable travailleur, l'austère religieux, et que nous essayons de faire revivre son souvenir dans le pays qui peut être fier de lui avoir donné le jour.

H. COUSTANT D'YANVILLE.

NOTICE

SUR

UN CIMETIÈRE FRANC

DÉCOUVERT A ANGY (OISE EN 1868.

CHAPITRE I.

De la route d'Angy à Clermont (voir le plan), on aperçoit, à droite, un coteau calcaire presque inculte, entrecoupé de monticules et de très-petits vallons, ou plutôt de dépressions qui s'étendent successivement jusqu'aux carrières de Mérard. Arrivé à la dernière maison (maison Devergie), en suivant un sentier qui la cotoye, à une distance de 50 mètres environ, on parvient au lieu dit les Carrières, dont le sol se compose d'une couche mince de terre végétale, de cran et de sable presque dolomitique.

C'est dans cet endroit, en février 1868, que M. Prince Dennebecq, en creusant des trous pour planter des arbres, rencontra deux sarcophages en pierre munis d'un couvercle. J'en eus connaissance, et aussitôt je fis exécuter des fouilles. Leur résultat donna la preuve que cet emplacement était un lieu de sépulture franque.

« ZurückWeiter »