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la supposition prend un caractère plus spécieux lorsqu'on voit un membre de la famille de Monfort, Amaury de Monfort, chanoine de Rouen, lui constituer bénévolement un fief d'une certaine importance en spécifiant dans l'acte qu'il lui octoye ce don « par amour de lui et pour son service (1). Sans doute cette libéralité, faite seize ans après la mort du comte de Leicester, ne prouve pas que Beaumanoir ait été attaché à la personne de ce vaillant capitaine (2), mais elle prouve qu'il avait des liens dans cette illustre maison.

On objectera peut-être que si Beaumanoir avait visité l'Angleterre, il est étonnant qu'il n'ait pas dit un mot de ce pays dans ses coutumes de Beauvaisis, lorsqu'il parle longuement d'autres contrées étrangères; lorsque, par exemple, en discourant sur les communes, il entre dans une digression tirée de fort loin sur l'histoire des communes Lombardes. Le roman de Blonde d'Oxford répond encore sur ce point. Le prologue ne songe nullement à ceux qui vont en pays étranger pour observer les lois et coutumes; il ne parle que du jeune homme allant y goûter la vie de château, c'est-à-dire servir à table sa dame ou son seigneur, monter à cheval, exercer sa force aux armes et son adresse au jeu. C'était ce que Beaumanoir avait fait qui-même; il avait élé page et non clerc en Angleterre, et il était trop jeune alors pour y recueillir des observations de légiste.

Cependant Beaumanoir avait porté de bonne heure son atten. tion vers la pratique des tribunaux. Avant d'arriver aux fonc

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(1) Pièce justificative no XIV, en date du mois de juin 1282.

(2) Il semble même que la cause directe de cette libéralité d'Amaury de Montfort envers Beaumanoir, ait été dans quelque participation, à nous inconnue, que ce dernier aurait prise à la délivrance d'Amaury qui venait d'être retenu pendant six ans, de 1276 à 1282, captif en Angleterre. Il avait été pris en mer, conduisant Eléonore, princesse de Galles, qui était sa sœur, aux Gallois en état de rébellion. Ce fut une grave affaire dans laquelle le Saint-Siège intervint sous prétexte qu'Amaury était chapelain du Pape. (Voyez Rymer, 1, part. 2, p. 587 à 605.) Après de longues négociations, le prisonnier fut délivré le 21 avril 1282. Arrivé sur le continent, il remercia le roi, par une lettre, en date du 22 mai (Champollion, Lettres des rois, 1, 301), et la donation à Beaumanoir est du 22 juin.

T. VII.

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tions de bailli de Clermont (1279), il avait été prévôt de la seigneurie de Nanteuil-le-Haudouin (1). L'une des raisons qui le portèrent à composer son livre des Coutumes du Beauvaisis, « Si est, dit il, parce que nous devons avoir mieux en mémoire ce que nous avons vu user et juger, de notre enfance, en notre pays, que d'autres dont nous n'avons pas appris les coutumes et les usages. » De bonne heure certainement, mais on ne sait en quelle qualité, il assista aux séances du parlement ; c'est ce que mettent hors de doute cette expression qu'il répète à plusieurs reprises dans le courant de son ouvrage : « Et ce que nous avons dit, vimes nous passer par jugement en l'hôtel le roy (2)..

A l'intelligence claire et droite dont il était naturellement doué, Beaumanoir joignait donc la pratique des assises. Fils lui-même d'un bailli, il avait été probablement initié par son père aux affaires, comme on le verra plus tard à son tour initiant ses fils ou ses neveux.

C'est une chose remarquable que la sûreté et la rapidité avec lesquelles il composa ce livre des Coutumes du Beauvaisis, qui lui a valu tant d'éloges aussi bien des historiens que des jurisconsultes, et dont la renommée n'a cessé de grandir avec le temps. On a conservé quatre comptes par lui rendus comme bailli du comté de Clermont, et par conséquent comme administrateur des revenus de ce pays (3). 11 en existait récemment un

(1) D'après l'abbé Carlier, qui probablement avail vu un acte rendu par Beaumanoir, en cette qualité. Voici comment il s'exprime : « Beaumanoir, qui avait aussi pris part au gouvernement de la terre de Nanteuil-leHaudouin...... » (Hist. du duché de Valois, 1761, t. 1, p. 141,) Voyez aussi Coutum. de Beauv., ch. 1, § 32, et cf. avec la note de Beugnot, t. 1, p. 33, note a.

(2) Ou bien: « Noz vîmes en la cour le roy...... Et de tel cas vimes nous ce qui ensuit en la cour le roy. Et en tel cas nous les avons vu délivrer par jugement trois fois en l'hôtel le roy, avant que nous fissions cest livre, » etc. (Cout. de Beauv., ch. xxx, § 102; ch. XXXII, § 30; ch. LXI, § 41; ch. LXX, S 10, etc.

(3) Grande Bibliothèque de Paris. Voyez aux pièces justificatives ciaprès no XXI.

cinquième dont on n'a plus aujourd'hui que l'indication (1). Ces comptes ont été rendus aux époques suivantes :

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L'on possède aussi un jugement rendu par Beaumanoir, comme bailli de Clermont, le 14 avril 1282 (2).

Le second de ces documents, le compte de l'Ascension 1280, comprend, à l'article de la dépense, les gages du bailli pour une année. Les fonctions de Beaumanoir comme bailli de Clermont remontent donc au moins à l'Ascension de l'année précédente, 11 mai 1279. Je crois qu'elles ont duré jusqu'à l'Ascension (7 mai) de l'année 1282. En effet, il était bailli ailleurs en 1283; il ne porte déjà plus le titre de bailli dans l'acte rendu en sa faveur, au mois de juin 1282, par le comte de Clermont (3); en troisième lieu l'espace compris entre l'Ascension 1279 et l'Ascension 1282 forme juste la période de trois ans à laquelle étaient généralement limitées les fonctions baillivales. Quoiqu'il ne nous soit à peu près rien resté de l'histoire du Clermontois, on peut affirmer que ces fonctions étaient triennales par la seule raison qu'il en était ainsi dans les domaines du roi de France (4). Du moins les baillis de Clermont comptaient-ils aux trois termes de la Chandeleur, de l'Ascension et de la Toussaint, qui sont les mêmes où comptaient les baillis du roi.

(1) Dans les pièces justificatives en tête de l'édition des Coutum. de Beauv., donnée par La Thaumassière, in-fol., 1690 : « Compotus Philippi de Bello manerio ballivi Claromont. de præposituris Claromontis de termino omnium sanctorum м cc octuagesimo, communiqué par MM. d'Hérouval et Du Fourny. »- Brussel cite aussi cette pièce Usage des fiefs, p. 486.

(2) Et l'on a de plus un diplôme du comte de Clermont, en date probablement du mois d'août 1281, où Beaumanoir est cité comme ayant joué, au nom du comte, le rôle d'expert dans un procès avec l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais. Voy. ci-après pag. 88 et 175.

(3) Pièce justificative no XIV.

(4) Voyez Brussel, Usage des fiefs, 1, 481.

Beaumanoir dit, dans la préface de son ouvrage: « La grande espérance que nous avons en l'aide de Dieu nous donne talent de mettre notre cœur et notre entendement en étude et pensée de trouver un livre par lequel ceux qui désirent vivre en paix soient enseignés brièvement comme ils se défendront de ceux qui, à tort et par mauvaise cause, les assailliront de procès...; et pour ce que nous sommes d'icelui pays de la comté de Clermont en Beauvoisis et que nous sommes entremis de garder et de faire garder les droits et coutumes de ladite comté par la volonté du très haut homme et très noble Robert comte de Clermont, devons nous avoir plus grande volonté de trouver selon les coutumes dudit pays que d'un autre... Nous n'espérons pas en nous le sens par lequel nous puissions fournir ce livre et cette emprise; mais on a souvent vu avenir que maints hommes ont commencé bonnes œuvres qui n'avaient pas le sens en eux de fournir, mais Dieu qui connaissoit leurs cœurs et leurs entendements leur envoyoit sa grâce... Et si aucun a faim de savoir qui celui fut qui commença ce livre, nous ne le voulons pas nommer devant la fin si Dieu donne que nous le mettions à fin, car aucunes fois sont les bons vins refusés quand on nomme le terroir où ils ont crû, pour ce qu'on ne croit pas que tel terroir puisse tel vin porter... »

En effet, dans les manuscrits, c'est seulement après la dernière ligne de l'ouvrage que se trouve le nom de l'auteur:

« Ici définit Philippe de Beaumanoir son livre... 1283 » (1). Il avait donc entrepris ce travail étant déjà bailli de Clermont et il l'avait terminé au plus tard un an ou dix-huit mois après être sorti de charge (2). Or, les devoirs du bailli étaient si mul

1) Le manuscrit dont s'est servi La Thaumassière portait, en tête, cette rubrique, mais à en juger par ses termes même, ajoutée postérieurement << Chi commenche li livres des coustumes et des usages de Biauvoisins, selonc ce qu'il couroit ou tans que cist livres fu fez, c'est assavoir en l'an de l'Incarnation Nostre Seigneur M. CC. LXXX et trois. >>

:

(2) Le bailli sortant de charge était tenu de rester un certain temps sur les lieux qu'il avait administrés, afin de répondre de sa gestion. Dans une ordonnance de 1256, on trouve ce temps fixé à quarante jours pour les baillis royaux. Voyez Brussel, 1, 481 a.

tiples et si urgents que ce court espace donné à la rédaction de l'ouvrage le plus considérable et le plus profond que nous ayons sur l'ancien droit français, dénote chez Beaumanoir une facilité de travail bien d'accord avec celle dont il avait fait preuve dans les deux longs poëmes qu'il avait déjà composés.

Il serait vraisemblablement devenu l'un des plus féconds écrivains du moyen-âge, comme il est l'un des plus variés, s'il ne fût mort peu âgé et s'il n'eût été jusqu'à la fin de ses jours complétement livré à la pratique administrative. A partir de 1283, il ne cessa pas d'être un des plus grands baillis du roi.

Un auteur assez recommandable, l'historiographe Louvet, dans ses Anciennes remarques de la noblesse de Beauvoisis (1640, in-8°), rapporte que Beaumanoir avait présidé les assises à Senlis en 1273 (1). Louvet a commis en cet endroit une erreur de date. Nous possédons en effet une pièce dans laquelle Beaumanoir, comme bailli de Senlis, prononce en assise une adjudication (2), mais elle est datée de 1293 et non de 1273. Philippe n'avait guère que vingt-six ans en 1273; il était trop jeune pour être déjà grand-bailli, surtout dans le district important de Senlis, qui fut celui où notre jurisconsulte rendit au contraire les derniers services de sa carrière. D'ailleurs, le bailli de Senlis, en 1273, était Gilles de Courcelles (3).

C'est à partir de son entrée au bailliage de Clermont, en 1279, que commence véritablement la carrière administrative de Beaumanoir. Je ne tâcherai pas d'apprécier ici le caractère juridique de ses actes d'après les données trop incomplètes qui nous en sont restées, mais seulement de chercher ses traces en le suivant pas à pas. Dans l'édition des Coutumes de Beauvaisis donnée par La Thaumassière et dans le courant du texte des Olim du Parlement, se trouve l'indication de neuf circonstances dans lesquelles Beaumanoir agit à raison de ses fonctions. J'ai pu relever

(1) Assertion que la plupart des biographes ont répétée.

(2) Voyez pièces justificatives.

(3) Brussel, 1, 486. On a donc été trop vite en attribuant à Beaumanoir, sur la foi de Louvet, les actes du bailli de Senlis, datés de 1273, et dans lesquels le nom du bailli n'est pas exprimé. Voyez Cout. de Beaur., édition Bengnot, préf. p. xvIII, et les Olim, 1, 937, XXXI

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