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COMPTES RENDUS DES SÉANCES

DE

L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

ET BELLES-LETTRES

PENDANT L'ANNÉE 1908

PRÉSIDENCE DE M. ERNEST BABELON

SÉANCE DU 6 NOVEMBRE

PRÉSIDENCE DE M. E. BABELON.

Le SECRÉTAIRE Perpétuel communique à l'Académie la lettre suivante qu'il a reçue de M. Maurice Besnier, professeur à l'Université de Caen, correspondant de la mission scientifique du Maroc :

Monsieur le Secrétaire perpétuel,

M. Michaux-Bellaire, chef de la mission scientifique du Maroc, et M. Buchet, chargé de mission du Ministère de l'instruction publique, viennent de faire à Tanger des découvertes intéressantes, qu'ils ont annoncées aussitôt, par une lettre du 25 octobre, à M. Le Chatelier, délégué général de la mission du Maroc, et qu'il ne sera sans doute pas inutile de porter dès à présent à la connaissance de l'Académie des inscriptions.

La Société Immobilière a entrepris de construire un quartier nouveau dans les terrains sablonneux qui s'étendent à l'Est de Tanger, sur le bord de la mer, entre la ville et l'Oued Badia. Au mois de

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janvier de cette année, en perçant un boulevard, on a rencontré deux tombeaux antiques encore en place; ils avaient la forme de fûts de colonne en maçonnerie, reposant sur un socle. L'un d'eux était orné extérieurement de guirlandes de feuillage de laurier; il est maintenant détruit. Le second, plus petit, avait été violé anciennement et ne renfermait plus aucun objet, mais deux de ses faces étaient décorées de peintures très bien conservées : « sur la face est, un oiseau rouge et vert entouré d'une guirlande droite formant cadre; sur la face nord, une double guirlande en volutes. » MM. Michaux-Bellaire et Buchet ont pris des calques et des photographies de ces ornements, et pour en assurer la préservation, ils ont détaché avec soin les surfaces peintes et les ont portées dans la maison de M. Buchet.

Pendant que les travaux de la Société se poursuivaient, un certain nombre d'autres tombeaux ont été reconnus et malheureusement détruits; on y a recueilli des fragments de vases et d'autres poteries en terre rouge. De l'un de ces tombeaux il reste la stèle qui le surmontait, portant une inscription, et un fragment de fresque provenant d'une de ses extrémités; des guirlandes ornaient toute sa partie supérieure. L'inscription est ainsi conçue :

COSCONI

VS CALVS

H.S.IIST

STTL

Cosconius Calus (pour Calvus) h(ic) s(itus) est; s(it) t(ibi) terra) levis).

La fresque représentait <<< un Romain tenant un fouet ou une cravache et placé entre deux chevaux ». La stèle et le fragment de fresque sont la propriété de la Société Immobilière.

A quelque distance de là, au Mahdi, sur la route de Fès, une seconde inscription funéraire a été trouvée en creusant les fondations d'une maison européenne :

D B M B

L. ANTON

P VERB

DVPLICAR'F

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D(is) Manibus). Lucius) Anton(ius) puer, Duplicari(i) f(ilius); vixit) an(nis) VIII, men(sibus) VIIII, dieb(us) XXIII; s(it) tibi) terra) levis).

Une nécropole romaine s'étendait donc dans ce quartier sablonneux, depuis la mer jusqu'au Mahdi. MM. Michaux-Bellaire et Buchet ont résolu de faire des fouilles méthodiques et suivies sur l'emplacement de ce cimetière, dont les travaux de la Société Immobilière leur avaient révélé l'existence. Ils ont déjà dégagé plusieurs tombeaux. Deux d'entre eux méritent d'être décrits. L'un est formé de six grandes tuiles enfoncées verticalement; l'urne cinéraire gisait en morceaux, avec les débris d'autres vases, à côté de la sépulture; malgré cette violation de la tombe à une époque ancienne, celle-ci contenait encore « un petit vase lacrymatoire en verre, en très bon état, un autre petit vase de terre rouge, trois boules d'ambre, une boucle d'oreille d'ambre et son crochet de cuivre, des débris de collier en verre noir et blanc ». Le second tombeau, analogue à ceux du mois de janvier, est renversé sur le côté; on y distingue les traçes de peintures très curieuses : « la face supérieure ne laisse plus voir que les pattes et le bas du ventre d'un oiseau; la face nord est ornée d'une sorte de léopard, la face sud, d'un paon »; en soulevant avec un cric le bloc renversé, on a pu apercevoir un oiseau peint sur la face tournée vers le sol. MM. Michaux-Bellaire et Buchet ont pris des calques du léopard et du paon; ils essaieront, ici encore, de détacher et de transporter en lieu sûr les parties peintes.

Bien qu'elles viennent à peine de commencer, les fouilles systématiques qui ont succédé aux rencontres accidentelles de la Société Immobilière ont donné dès maintenant d'heureux résultats. Elles seront continuées très activement par la mission du Maroc. Il importe de saisir cette occasion qui s'offre d'explorer la nécropole antique avant que les environs de Tanger aient été transformés par les constructions européennes. Ce qui peut faire surtout l'intérêt des recherches de MM. Michaux-Bellaire et Buchet, c'est la présence de ces décorations picturales de tombeaux, que les sables secs et perméables ont préservées de l'humidité, et par suite de la ruine. Veuillez agréer, etc.

Il est procédé à la nomination d'un membre ordinaire, en remplacement de M. Barbier de Meynard, décédé.

Le PRÉSIDENT donne lecture des articles du règlement relatifs à l'élection d'un membre ordinaire. Il rappelle les noms des candidats MM. Paul Girard, Clément Huart, Camille Jullian, le P. Scheil et Psichari.

Il y a 33 votants. Majorité 17.

Au 1er tour de scrutin, M. Scheil obtient 14 suffrages; M. Paul Girard, 12; MM. C. Jullian et Psichari, chacun 3; M. Huart, 1. Au 2e tour de scrutin, M. Paul Girard obtient 17 suffrages; M. Scheil, 15; M. C. Jullian, 1.

M. Paul Girard, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, est proclamé élu par le Président. Son élection sera soumise à l'approbation de M. le Président de la République.

L'Académie décide que les deux élections de membres ordinaires qui restent à faire auront lieu le même jour. L'exposition des titres des candidats est fixée au 27 novembre.

L'Académie procède à la nomination de deux commissions qui seront chargées de présenter des listes de candidats aux places vacantes parmi les correspondants étrangers et parmi les correspondants français. Sont nommés :

Commission des correspondants étrangers: MM. Delisle, Senart, Paul Meyer, Leger.

Commission des correspondants français: MM. Delisle, Héron de Villefosse, H. Omont, Thomas.

M. Gustave Glotz fait une communication sur les esclaves et la peine du fouet en droit grec :

« Le droit pénal des Grecs prévoit dans un grand nombre de cas une sanction double : l'amende pour les hommes libres, la flagellation pour les esclaves. Entre ces deux peines les Athéniens ont établi une exacte proportionnalité et même l'égalité quantitative. Ils ont posé les règles suivantes: 1° le nombre des coups à recevoir par l'esclave est égal au nombre des drachmes à payer par l'homme libre; 2o le taux légal des coups de fouet est un maximum, et la peine doit toujours être proportionnelle au délit; 3o les fonctionnaires de police n'ont pas le droit de

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faire infliger plus de 50 coups. Mais le reste de la Grèce n'a pas appliqué les principes de la philanthropie athénienne dans les petites cités comme dans les grandes monarchies, la loi livrait le corps de l'esclave à une exécution arbitraire, ou bien spécifiait un minimum de coups. Ainsi ressort une fois de plus l'éclatante supériorité du droit athénien dans les sociétés antiques 1.

COMMUNICATION

LES ESCLAVES ET LA PEINE DU FOUET EN DROIT GREC,
PAR M. GUSTAVE GLOTZ.

C'était une opinion universellement répandue chez les Grecs, que la peine du fouet, la dypocía páctiž, convenait seulement aux esclaves. Elle paraissait, non pas trop douloureuse, mais trop infamante, pour les hommes libres. D'une façon générale, leur dignité ne s'accommodait pas des peines corporelles. « Voulez-vous savoir, dit un orateur, la différence qu'il y a entre l'esclavage et la liberté? La plus remarquable consiste en ce que le corps de l'esclave répond de tous ses méfaits et que l'homme libre, fût-il au dernier degré de la misère, reste au moins maître de cela 2. >> Les Grecs étaient donc obligés de prévoir dans un grand nombre de cas une sanction double, l'amende pour les hommes libres et la flagellation pour les esclaves.

Cette dualité de peines se retrouve constamment dans les règlements de police. Elle servait à réprimer les contraventions et les délits commis sur la voie publique, dans les marchés, dans les sanctuaires. Dès qu'un document reconnaît le droit de punir, soit aux commissaires préposés à la

1. Voir ci-après.

2. Dém., C. Androt., 55; cf. C. Timocr., 167.

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