Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Le lilas flatte plus les regards de l'Aurore,
Que les rubis de l'Inde et les perles du Maure;
Et les zéphyrs légers, voltigeant sur le thym,
Nous rapportent le soir les parfums du matin.
Ah! lorsque le printemps, d'une amoureuse haleine,
De nos champs embellis vient ranimer la scène,
Quel œil inanimé voit sans ravissements
Après ces longs frimas ces spectacles charmants?
Quel est le voyageur, monté sur la colline,
Qui, voyant quel tableau devant lui se dessine,
Ne promène ses yeux sur le vaste contour
D'un horizon superbe éclairé d'un beau jour;
Sur la tranquillité de ces plaines fertiles,
Sur ces hameaux exempts des passions des villes,
Sur ces sites heureux, et ces aspects touchants
Qu'étale en ces lointains l'immensité des champs?
Accourez avec moi, vous, peintres, vous, poètes,
Palès réclame ici vos luths et vos palettes:
Savants, abandonnez vos asiles secrets;

Vous, belles, vos réduits; et vous, grands, vos palais;
Venez tous avec moi sur ces monts de verdure
Rendre hommage au printemps, et bénir la nature.

La Chimie.

IL fallut séparer, il fallut réunir,

Le peintre à son secours te vit alors venir,
Science souveraine, ô Circé bienfaisante!
Qui sur l'être animé, le métal et la plante,

Règnes depuis Hermès, trois sceptres dans la main; Tu soumets la nature et fouilles dans son sein; Interroges l'insecte, observes le fossile;

Divises par atôme et repétris l'argile ;

Recueilles tant d'esprits, de principes, de sels,
Du corps que tu dissous moteurs universels:
Distilles sur la flamme en philtres salutaires
Le suc de la ciguë et le sang des vipères;
Par un subtil agent réunis les métaux,
Dénatures leur être au creux de tes fourneaux;
Du mélange et du choc des sucs antipathiques
Fais sortir quelquefois des tonnerres magiques;
Imites le volcan qui mugit vers Enna,
Quand Typhon, s'agitant sous le poids de l'Etna,
Par la cime du mont qui le retient à peine,
Lance au ciel des rochers noircis par son haleine.

La paix des Champs, et l'agitation des Villes.

PROPICE agriculture, art des premiers humains,
L'homme a trop dédaigné la tâche de ses mains;
Mais, en quittant le soc que guidoient ses ancêtres,
Il a payé bien cher l'oubli des soins champêtres.
Loin du bruit des combats, loin d'un féroce honneur,
Sous un abri de chaume il trouvoit le bonheur.
La terre, à ses besoins prodiguant ses largesses,
Faisoit germer pour lui d'innocentes richesses.
Il avoit pour trésors des grottes, des ruisseaux,

Des fontaines, des lacs et de riants coteaux,

La force, la santé, le sommeil sous un hêtre,
La paix, la paix du cœur, fruit du travail champêtre,
Une table frugale et ses enfants autour,
Compagnons de sa peine, et doux objets d'amour.
Quel insensé quitta ces demeures tranquilles,
Pour grossir un vain peuple assemblé dans les villes,
Pour courir en esclave aux portes des palais
Mendier le coup-d'œil d'un tyran sous le dais?
Quel barbare mortel reforgea pour la guerre
Le fer qui dans nos mains fertilisoit la terre,
Chassa le laboureur d'un champ riche et fécond,
Que hérissa bientôt la ronce et le chardon;
Au lieu des blonds épis éleva dans les plaines
Les panaches flottants des légions hautaines,
Et dans le choc pressé de tant de bataillons,
Par des ruisseaux de sang inonda les sillons!

Le Jour des Morts.

ENTENDEZ-VOUS ces sons mornes et répétés,
Retentissant autour de nos toits attristés?
De cent cloches dans l'air le timbre monotone,
Qui si lugubrement sur nos têtes résonne,
Avertit les mortels rappelés à leur fin,
D'implorer pour les morts un tranquille destin,
D'apprécier la vie ouverte à tant de peines,
De ne point consumer en mutuelles haines

Ce fragile tissu de moments limités,

Qu'aux humains fugitifs la nature a comptés.
Quels enclos sont ouverts! quelles étroites places
Occupe entre ces murs la poussière des races!
C'est dans ces lieux d'oubli, c'est parmi ces tombeaux
Que le temps et la mort viennent croiser leurs faux.
Que de morts entassés et pressés sous la terre!
Le nombre ici n'est rien, la foule est solitaire.
Qui peut voir sans effroi ces couches d'ossements,
Tous ces débris de l'homme abandonnés aux vents?
Ah! si du sort commun que ce lieu nous retrace,
Le spectacle fatal nous saisit et nous glace,
Qu'un retour plus cruel sur les pertes du cœur
Eveille en nous de peine et répand de douleur!
L'époux pleure à genoux un objet plein de charmes;
Sur un frère chéri la sœur verse des larmes ;
La mère pleuré un fils frappé dans son printemps,
Et sur qui reposoit l'espoir de ses vieux ans.
Pour vous qui les versez ces pleurs sont chers encore,
De vos gémissements l'humanité s'honore;

Mais ceux que vous pleurez ont subi leur arrêt,
Leur sort fut de mourir, et le jour n'est qu'un prêt.
Qu'est-ce que chaque race? une ombre après une ombre.
Nous vivons un moment sur des siècles sans nombre,
Nos tristes souvenirs vont s'éteindre avec nous :
Une autre vie, ô temps, se dérobe à tes coups.
Mortel, jusques aux cieux élève ta prière;
Demande au Tout-Puissant, non pas que la poussière

Qu'on jette sur ces morts soit légère à leurs os;
Ce n'est point là que l'homme a besoin de repos;
Et l'âme, qui du corps a dépouillé l'argile,
Cherche au sein de Dieu même un éternel asile.

ROUCHER.

J. A. Roucher, littérateur et poète, né à Montpellier le 22 février 1745, mort à la fin de juillet 1794 sur l'échafaud révolutionnaire, est auteur du poëme des Mois, divisé en douze chants, qui offre quelques beautés au milieu de tous les défauts du genre descriptif.

FRAGMENTS DU POÈME DES MOIS.

Le Printemps et les Fleurs.

Du milieu de cette île, un berceau toujours frais
Monte, se courbe en voûte, et s'embellit sans frais
De touffes d'aubépine et de lilas sauvage,

Qui, courant en festons, pendent sur le rivage.
Plus loin ce même enclos se transforme en verger,
Où l'art négligemment a pris soin de ranger
Les arbustes nombreux que Pomone rassemble:
Autour d'eux je vois naître et s'élever ensemble,
Et des plantes sans gloire et de brillantes fleurs;

« ZurückWeiter »