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VERS

Qu'il mit au bas de son portrait qu'il avoit fait faire le jour même de son exécution, pour l'envoyer à sa femme et à ses enfants.

Ne vous étonnez pas, objets charmants et doux, Si quelque air de tristesse obscurcit mon visage, Quand un savant crayon dessinoit cette image, On dressoit l'échafaud, et je pensois à vous.

MONTJOURDAIN.

Montjourdain mourut sur l'échafaud révolution

naire; ce fut peu de temps avant d'être traîné à la mort qu'il composa la pièce que nous donnons ici.

ROMANCE.

L'HEURE avance où je vais mourir,
L'heure sonne et la mort m'appelle;

Je n'ai point de lâche désir,
Je ne fuirai point devant elle;

Je meurs plein de foi, plein d'honneur,

Mais je laisse une douce amie,
Dans le veuvage et la douleur!

Ah! je dois regretter la vie!

Demain mes yeux inanimés

Ne s'ouvriront plus sur tes charmes;
Tes beaux yeux à l'amour fermés,
Demain seront noyés de larmes;
Le froid glacera cette main
Qui m'unit à ma douce amie;
Je ne vivrai plus sur ton sein!
Ah! je dois regretter la vie!

Si dix ans j'ai fait ton bonheur,
Garde de briser mon ouvrage,
Donne un moment à la douleur ;
Donne à la raison ton bel âge.
Qu'un aimable époux à son tour
Vienne rendre à ma douce amie

Des jours de paix, des nuits d'amour;

Je ne regrette plus la vie.

Je revolerai près de toi,

Des lieux où la vertu sommeille

Je ferai marcher avec moi

Un songe heureux qui te réveille;

Puisse encore la volupté

Ramener à ma douce amie

L'amour aux bras de la beauté !

Je ne regrette plus la vie.

Si le coup qui m'attend demain
N'écrase pas mon triste père,

Si l'âge, l'ennui, le chagrin,
N'enlèvent pas ma tendre mère;
Ne les fuis pas dans ta douleur,
Reste à leur sort toujours unie,
Qu'ils me retrouvent dans ton cœur,
Ils aimeront encor la vie.

AUBERT.

LE LIVRE DE LA RAISON.

LORSQUE le ciel, prodigue en ses présents,
Combla de biens tant d'êtres différents,
Ouvrages merveilleux de son pouvoir suprême,
De Jupiter l'homme reçut, dit-on,
Un livre écrit par Minerve elle-même,
Ayant pour titre la Raison.

Ce livre, ouvert aux yeux de tous les âges,
Les devoit tous conduire à la vertu;
Mais d'aucun d'eux il ne fut entendu,
Quoiqu'il contînt les leçons les plus sages.
L'enfance y vit des mots, et rien de plus;
La jeunesse, beaucoup d'abus;
L'âge suivant, des regrets superflus;
Et la vieillesse en déchira les pages.

Le Miroir.

UN miroir merveilleux et d'utile fabrique,
Où se peignoit par art le naturel des gens,
Attiroit, au milieu d'une place publique,

Les regards de tous les passants.

J'ignore chez quel peuple; il n'importe en quel temps.
Chacun glose à l'envi sur ce tableau fidèle.
Arrive une coquette : elle y voit traits pour traits
Ses petits soins jaloux, et ses penchants secrets :
Sans mentir, voilà bien le portrait d'Isabelle !
Présomption, désirs, mépris d'autrui : c'est elle,
C'est son esprit tout pur, je la reconnois là.
Le joli miroir que voilà!

Et combien je m'en vais humilier la belle!
Un petit maître succéda,

Et la glace aussitôt présente pour image

Beaucoup d'orgueil, et fort peu de raison. Parbleu! je suis ravi que l'on ait peint Damon, S'écrie, en se mirant, l'important personnage;

Et je voudrois que, pour devenir sage, De ce miroir malin il prît quelque leçon. Après ce fat vint un vieil Harpagon D'une espèce tout-à-fait rare.

Il tire une lunette, et se regarde bien;

Puis ricanant d'un air bizarre :

C'est Ariste, dit-il, ce vieux fou, cet avare,

Qui se feroit fouetter pour accroître son bien;
J'aurois un vrai plaisir à montrer sa lésine,
Et paîrois de bon cœur cette glace divine,
Si l'on me la donnoit pour rien.

Mille gens vicieux, sur les pas de cet homme,
Tour-à-tour firent voir la même bonne foi;
Chacun d'eux reconnut dans le brillant fantôme,
Qui l'un, qui l'autre, et jamais soi.

Tout homme est vain, tout homme aime à médire :
On riroit moins des traits de la satire,

Si la présomption dont naquit le dédain
Entre eux et nous ne mettoit le prochain.

BOISSARD.

L'HISTOIRE.

La capitale d'un empire

Que le glaive du Scythe achevoit de détruire,
Par mille édifices pompeux

Du sauvage vainqueur éblouissoit la vue.

D'un prince qui régna dans ces murs malheureux

Il admiroit surtout la superbe statue.

On lisoit sur le monument:

A très-puissant, très-bon, très-juste et très-clément,

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