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ESMENARD.

Joseph-Alphonse Esmenard, né à Pelisane, en Provence, en 1770, doit sa réputation au poème de la Navigation qui renferme des beautés du premier ordre, surtout dans le genre descriptif. Esmenard est mort d'une chute, au mois de juillet 1811. On lui doit encore, entr'autres ouvrages, les paroles du Triomphe de Trajan, et celles de Fernand Cortez (en société avec M. Jouy.)

LA PRIÈRE DU SOIR

A bord d'un Vaisseau.

CEPENDANT le soleil, sur les ondes calmées,
Touche de l'horizon les bornes enflammées;
Son disque étincelant qui semble s'arrêter,
Revêt de pourpre et d'or les flots qu'il va quitter!
Il s'éloigne, et Vesper commençant sa carrière,
Mêle au jour qui s'éteint sa timide lumière,
J'entends l'airain pieux, dont les sons éclatants
Appellent la prière et divisent le temps.
Pour la seconde fois, le nautonier fidèle
Adorant à genoux la puissance éternelle,
Dès que l'astre du jour a brillé dans les airs,
Adresse l'hymne sainte au Dieu de l'univers.

Entre l'homme et le ciel sur des mers sans rivages,
Un prêtre en cheveux blancs conjure les orages:
Son zèle des nochers adoucit les travaux,
Epure leur hommage, et console leurs maux,

« Dieu créateur! dit-il, toi dont les mains fécondes, Dans les champs de l'espace ont suspendu les mondes; Dieu des vents et des mers, dont l'œil conservateur

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« De l'Océan qui gronde arrête la fureur,

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« Et d'un regard chargé de tes ordres sublimes,

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Suis un frêle vaisseau flottant sur les abimes,

Que peuvent devant toi nos travaux incertains? Dieu, que sont les mortels sous tes puissantes mains? Par des vœux suppliants nos alarmes t'implorent; Bénis, Dieu paternel, tes enfants qui t'adorent;

Rends-les à leur patrie, à ton culte, à ta loi:

La force et la vertu ne viennent que de toi.

‹ Daigne remplir nos cœurs; éloigne la tempête; ‹ Que le sombre ouragan se dissipe et s'arrête

Devant ces pavillons qui te sont consacrés;

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‹ Et qu'un jour nos drapeaux, par toi-même illustrés',
« Aux doutes de l'orgueil opposant nos exemples,
Appellent le respect et la foi dans tes temples! »
Il dit, et prie encor; ses chants consolateurs
D'espérance et d'amour pénètrent tous les cœurs:
O spectacle touchant, ravissantes images!
Tandis que l'œil fixé sur un ciel sans nuages,
Du prêtre dont la voix semble enchaîner les vents,
Les nautoniers émus répètent les accents,

Le couchant a brillé d'une clarté plus pure;
L'Océan de ses flots apaise le murmure;

Et seule interrompant ce calme solennel,
La prière s'élève aux pieds de l'Eternel.

L'Egypte.

MÈRE antique des arts et des fables divines,
Toi, dont la gloire, assise au milieu des ruines,
Etonne le génie et confond notre orgueil;
Egypte vénérable, où, du fond du cercueil,
Ta grandeur colossale insulte à nos chimères;
C'est ton peuple qui sut, à ces barques légères
Dont rien ne dirigeoit le cours audacieux,
Chercher des guides sûrs dans la voûte des cieux.
Quand le fleuve sacré qui féconde tes rives
T'apportoit en tribut ses ondes fugitives,
Et, sur l'émail des prés égarant les poissons,
Du limon de ses flots nourrissoit tes moissons,
Les hameaux, dispersés sur les hauteurs fertiles,
D'un nouvel Océan sembloient former les îles;
Les palmiers, ranimés par la fraîcheur des eaux,
Sur l'onde salutaire abaissoient leurs rameaux;
Par les feux du Cancer Syène poursuivie,
Sans ses sables brûlants sentoit filtrer la vie;
Et, des murs de Péluse aux lieux où fut Memphis,
Mille canots flottoient sur la terre d'Isis.

Le foible papyrus, par des tissus fragiles,

Formoit les flancs étroits de ces barques agiles, Qui, des lieux séparés conservant les rapports, Réunissoient l'Egypte en parcourant ses bords.

Mais, lorsque dans les airs la Vierge triomphante
Ramenoit vers le Nil son onde décroissante,
Quand les troupeaux bêlants et les épis dorés
S'emparoient à leur tour des champs désaltérés,
Alors d'autres vaisseaux, à l'active industrie
Ouvroient des aquilons l'orageuse patrie.
Alors, mille cités que décoroient les arts,
L'immense pyramide, et cent palais épars,
Du Nil enorgueilli couronnoient le rivage.
Dans les sables d'Ammon, le porphyre sauvage,
En colonne hardie élancé dans les airs,
De sa pompe étrangère étonnoit les déserts.
O grandeur des mortels! O temps impitoyable!
Les destins sont comblés: dans leur course immuable,

Les siècles ont détruit cet éclat passager
Que la superbe Egypte offrit à l'étranger.

La Péche de la Baleine.

L'ANGRE mord les glaçons, vieux enfants de l'hiver.
Les monstres bondissants sur cette affreuse mer,
L'ours, monarque affamé de ses sombres rivages,
Et le phoque timide, et les morses sauvages,
Et l'horrible baleine à qui, le fer en main,

Le Batave a du pôle enseigné le chemin,
Et qu'il poursuit encor sous la glace éternelle;
Voilà les ennemis que son courage appelle!
Leur sanglante dépouille excite ses transports.
A peine de l'Islande a-t-il quitté les ports,
Sur les flots apaisés, s'il voit l'eau jaillissante
Que lance dans les airs d'une haleine puissante
Le colosse animé que cherche sa fureur,

A l'instant tout est prêt. Sans trouble, sans terreur,
Sur un esquif léger le nautonier s'élance;

Le bras levé, l'œil fixe, il approche en silence,
Mesure son effort, suit le monstre flottant,

Et d'un fer imprévu le frappe en l'évitant.

Soudain la mer bouillonne en sa masse ébranlée;
Un sang épais se mêle à la vague troublée;
D'un long mugissement l'abime retentit:

Dans des gouffres sans fond le monstre s'engloutit;
Mais sa fuite est cruelle, et sa fureur est vaine.
Un fil, au sein des flots poursuivant la baleine,
Au Batave attentif rend tous ses mouvements :
Par l'excès de sa force elle aigrit ses tourments:
Rien ne peut les calmer. Le fer infatigable,
Image du remords qui poursuit le coupable,
La perce, la déchire, et, trompant son effort,
Enfonce dans ses flancs la douleur et la mort.
Lasse enfin de lutter sous l'Océan qui gronde,
De ses antres glacés sur l'écume de l'onde

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