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Debout, guidant l'essor de deux coursiers rapides,
Il s'approche écartant de ses lèvres livides

Un crâne ensanglanté, coupe affreuse où la mort
A versé l'hydromel, nectar des Dieux du nord.
Tyr agite en marchant un javelot fidèle,
Qui reconnoît la voix du Dieu qui le rappelle,
Retourne vers la main prompte à le diriger,
Siffle et court de nouveau dans le sang se plonger,
Près de lui Thor balance une énorme massue,
Que son bras vigoureux lève et tient suspendue,
Et Balder le plus beau de tous les Dieux du nord,
Balder, en déployant la grâce de son port,
Incline un front charmant et laisse à l'aventure
Flotter en boucles d'or sa blonde chevelure:
Un arc d'argent se courbe et brille dans sa main;
La flèche retentit dans son carquois d'airain.
Plus loin, toujours frappé d'une aveugle démence,
L'horrible loup Fenris ouvre sa gueule immense,
Qui pourroit à la fois toucher le front des airs
Et le dos écumant de la plaine des mers.
Il dévore en espoir dans sa rage profonde

Le soleil expirant sur les débris du monde ;
Plus loin, rampe et se glisse en replis tortueux,
L'affreux serpent d'Asgard dragon impétueux,
Qui du couchant aux lieux où l'aurore commence,
S'élève, s'arrondit et forme un cercle immense;
Il l'élargit encore, et cet orbe mouvant,
Dont la voûte des cieux presse l'émail vivant,

Laisse voir dans son centre une tête hideuse
Qui s'alonge en dardant sa langue venimeuse.

FONTANES.

Louis, marquis de Fontanes, né à Niort en 1762, s'est placé par des essais malheureusement trop rares, au premier rang de nos orateurs et de nos poètes. Les hautes fonctions qui lui furent confiées ne lui laissaient que fort peu de loisir pour la culture des lettres, et ce fut pour elles une véritable perte. Son Eloge de Washington est une des plus belles pro. ductions de l'éloquence française. Ses vers pleins d'harmonie et d'élégance, se distinguent encore par un goût pur et éminemment classique. « La mélodie des paroles, a dit M. Villemain, s'y confond avec l'émotion de l'âme, et l'on croit entendre au loin quelques sons à peine affaiblis de la lyre de Racine. » Le marquis de Fontanes est mort le 17 mars 1821. Il était membre de l'Académie française et pair de France, Il avait été sénateur et grand-maître de l'Université sous le régime impérial.

LA CHARTREUSE DE PARIS.

VIEUX cloître où de Bruno les disciples cachés, Renferment tous leurs vœux sur le ciel attachés; Cloître saint, ouvre-moi tes modestes portiques! Laisse-moi m'égarer dans ces jardins rustiques

Où venoit Catinat méditer quelquefois,
Heureux de fuir la cour, et d'oublier les rois.

J'ai trop connu Paris : mes légères pensées,
Dans son enceinte immense au hasard dispersées,
Veulent en vain rejoindre et lier tous les jours
Leur fil demi-formé, qui se brise toujours.
Seul, je viens recueillir mes vagues rêveries.
Fuyez, bruyants remparts, pompeuses Tuileries,
Louvre, dont le portique à mes yeux éblouis,
Vante après cent hivers la grandeur de Louis!
Je préfère ces lieux où l'âme moins distraite,
Même au sein de Paris, peut goûter la retraite :
La retraite me plaît, elle eut mes premiers vers.
Déjà de feux moins vifs éclairant l'univers,
Septembre loin de nous s'enfuit, et décolore
Cet éclat dont l'année un moment brille encore.
Il redouble la paix qui m'attache en ces lieux;
Son jour mélancolique, et si doux à nos yeux,
Son vert plus rembruni, son grave caractère,
Semblent se conformer au deuil du monastère.
Sous ces bois jaunissants j'aime à m'ensevelir;
Couché sur un gazon qui commence à pâlir,
Je jouis d'un air pur, de l'ombre et du silence.

Ces chars tumultueux où s'assied l'opulence, Tous ces travaux, ce peuple à grands flots agité, Ces sons confus qu'élève une vaste cité,

Des enfants de Bruno ne troublent point l'asile;
Le bruit les environne, et leur âme est tranquille.
Tous les jours, reproduit sous des traits inconstants,
Le fantôme du siècle emporté par le temps,
Passe, et roule autour d'eux ses pompes mensongères.
Mais c'est en vain : du siècle ils ont fui les chimères;
Hormis l'éternité, tout est songe pour eux.
Vous déplorez pourtant leur destin malheureux!
Quel préjugé funeste à des lois si rigides
Attacha, dites-vous, ces pieux suicides?

Ils meurent longuement, rongés d'un noir chagrin;
L'autel garde leurs vœux sur des tables d'airain;
Et le seul désespoir habite leurs cellules.

Eh bien! vous qui plaignez ces victimes crédules,
Pénétrez avec moi ces murs religieux :

N'y respirez-vous pas l'air paisible des cieux?
Vos chagrins ne sont plus, vos passions se taisent,
Et du cloître muet les ténèbres vous plaisent.

Mais quel lugubre son du haut de cette tour,
Descend et fait frémir les dortoirs d'alentour?
C'est l'airain qui du temps formidable interprète,
Dans chaque heure qui fuit, à l'humble anachorète
Redit en longs échos: Songe au dernier moment.
Le son sous cette voûte expire lentement;
Et quand il a cessé l'âme en frémit encore.
La méditation qui, seule dès l'aurore,

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Dans ces sombres parvis marche en baissant son œil,
A ce signal s'arrête, et lit sur un cercueil,
L'épitaphe à demi par les ans effacée,

Qu'un gothique écrivain sur la pierre a tracée.
O tableaux éloquents! oh! combien à mon cœur
Plaît ce dôme noirci d'une divine horreur,
Et le lierre embrassant ces débris de murailles,
Où croasse l'oiseau chantre des funérailles,
Les approches du soir, et ces ifs attristés,
Où glissent du soleil les dernières clartés,
Et ce buste pieux que la mousse environne,
Et la cloche d'airain à l'accent monotone;

Ce temple où chaque aurore entend de saints concerts,
Sortir d'un long silence, et monter dans les airs,
Un martyr dont l'autel a conservé les restes,
Et le gazon qui croît sur ces tombeaux modestes
Où l'heureux cénobite a passé sans remord
Du silence du cloître à celui de la mort!

Cependant sur ces murs l'obscurité s'abaisse,
Leur deuil est redoublé, leur ombre est plus épaisse,
Les hauteurs de Meudon me cachent le soleil;
Le jour meurt, la nuit vient : le couchant moins vermeil,
Voit pâlir de ses feux la dernière étincelle.
Tout-à-coup se rallume une aurore nouvelle,
Qui monte avec lenteur sur les dômes noircis
De ce palais voisin qu'éleva Médicis 1;

'Le Luxembourg.

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