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dans une fituation plus heureufe de n'avoir ni mal à craindre ni bien à efperer de perfonne, que de s'être foumis à une dépendance univerfelle, & de s'obliger à tout recevoir de ceux qui ne s'obligent à leur rien donner.

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N'ALLONS pas furtout conclure avec Hobbes que pour n'avoir aucune idée de la bonté, l'homme foit naturellement méchant, qu'il foit vicieux parce qu'il ne connoît pas la vertu, qu'il refufe toujours à fes femblables des fervices qu'il ne croit pas leur devoir, ni qu'en vertu du droit qu'il s'attribue avec raison aux chofes dont il a befoin, il s'imagine follement être le feul propriétaire de tout l'Univers. Hobbes a très bien vû 'le défaut de toutes les définitions modernes du droit Naturel: mais les conféquences qu'il

tire de la fienne, montrent qu'il la prend dans un fens, qui n'est pas moins faux. En raifonnant fur les principes qu'il établit, cet Auteur devoit dire que l'état de Nature étant celui où le foin de nôtre confervation est le moins préjudiciable à celle d'autrui, cet état étoit par conféquent le plus propre à la Paix, & le plus convenable au Genre-humain. Il dit précisément le contraire, pour avoir fait entrer mal à propos dans le foin de la conservation de l'homme Sauvage, le befoin de fatisfaire une multitude de paffions qui font l'ouvrage de la Société, & qui ont rendu les Loix néceffaires. Le mechant, dit-il, eft un Enfant robufte; Il refte à favoir fi l'Homme Sauvage eft un Enfant robufte; Quand on le lui accorderoit, qu'en conclueroit-il? Que fi, quand il eft robufte, cet homme

étoit auffi dépendant des autres que quand il eft foible, il n'y a forte d'excès auxquels il ne fe portât, qu'il ne battît fa Mére lorsqu'elle tarderoit trop à lui donner la mamelle, qu'il nétranglât un de fes jeunes freres, lorsqu'il en feroit incommode, qu'il ne mordît la jambe à l'autre, lorsqu'il en feroit heurté ou troublé; mais ce font deux fuppofitions contradictoires dans l'état de Nature qu'être robufte & dépendant; L'Homme eft foible quand il eft dépendant, & il est émancipé avant que d'être robufte. Hobbes n'a pas vû que la. même caufe qui empêche les Sauvages d'ufer de leur raison, comme le prétendent nos Jurifconfultes, les empêche en même tems d'abufer de leurs facultés comme il le prétend lui-même; de forte qu'on pourroit dire que les Sauvages ne font pas

méchans précisément, parce qu'ils ne fçavent pas ce que c'eft qu'être bons; car ce n'eft ni le développement des lumiéres, ni le frein de la Loi, mais le calme des paffions, & l'ignorance du vice qui les empêche de mal faire; tanto plus in illis proficit vitiorum ignoratio, quàm in his cognitio virtutis. Il y a d'ailleurs un autre Principe que Hobbes n'a point apperçû & qui, ayant été donné à l'homme pour adoucir, en certaines circonftances, la férocité de fon amour propre, ou le défir de

fe conferver avant la naiffance de cet a(* 12.) mour, (* 12.) tempere l'ardeur qu'il a pour fon bien-être par une répugnance innée à voir fouffrir fon femblable. Je ne crois pas avoir aucune contradiction à craindre, en accordant à l'homme la feule vertu Natu relle, qu'ait été forcé de reconnoître le De

trac

tracteur le plus outré des vertus humaines. Je parle de la Pitié, difpofition convenable à des êtres auffi foibles, & fujets à autant de maux que nous le fommes; vertu d'autant plus univerfelle & d'autant plus utile à l'homme, qu'elle précede en lui l'usage de toute réflexion, & fi Naturelle que les Bêtes mêmes en donnent quelquesfois des fignes fenfibles. Sans parler de la tendreffe des Méres pour leurs petits, & des périls qu'elles bravent, pour les en garantir, on obferve tous les jours la répugnance qu'ont les Chevaux à fouler aux pieds un Corps vivant; Un animal ne paffe point fans inquiétude auprès d'un animal mort de fon Efpéce: Il y en a même qui leur donnent une forte de fepulture; Et les tristes mugiffemens du Bétail entrant dans une Boucherie, annoncent l'im

pres

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