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qui font partie de cette lumière que Dieu communique à tout homme dès son entrée dans le monde, tellement qu'aucun, à quelque culte qu'il appartienne, ne pourra justifier ses désordres par l'absence d'une loi qui les lui défende, à moins que, tout en la portant en lui-même, il n'ait pu, par des circonstances que la concupiscence a rendues communes, parvenir à l'y connaître. C'est ce qu'enseigne l'Apôtre dans les termes les plus énergiques, lorsqu'il écrit aux Romains que les Gentils n'ayant pas la loi donnée aux Juifs, et écrite sur la pierre, n'en sont pas moins tenus d'en produire les œuvres; puisqu'ils font naturellement les choses que la loi commande; loi qu'ils portent écrite dans leur conscience, et qui n'est pas distinguée de leur être même : Ipsi sibi sunt lex (1). Or, si, d'après l'Apôtre, cette loi est l'être de l'homme lui-même, ne faut il pas en conclure que c'est en le créant, en formant son être, que Dieu la lui a communiquée; ce qui est parfaitement d'accord avec la parole de Dieu, qui dit avoir fait l'homme à son image et à sa ressemblance. Et, si Dieu, comme nous n'en pouvons douter, est à lui-même sa loi, ainsi que l'exprime si bien saint Thomas (2), ne s'ensuit-il pas que l'homme est aussi, comme dit l'Apôtre, à lui-même sa loi; mais loi dépendante, comme tout son être, de la loi et de l'être de Dieu, dont il est l'œuvre, l'image et la ressemblance? En sorte que la loi, qui est la règle des actions (3), considérée dans le sujet réglé, est la raison de l'homme qui l'éclaire et s'appelle la conscience; tandis que, considérée dans le sujet qui règle, c'est en Dieu mème qu'il faut placer la loi, dans sa raison qui en renferme le texte original et éternel, en même temps que son amour en veut et en exige l'ob servation de toutes les créatures raisonnables et intelligentes. Or, la loi naturelle n'est que la communication de ce texte éternel que Dieu nous a faite, en imprimant sur nous la lumière de son visage; ce qui fait dire au Prophète : Sacrifiez le sacrifice de justice; puis comme répondant à ceux qui demandent quelles

(1) Cùm enim gentes, quæ legem non habent, naturaliter ea quæ legis sunt, faciunt, ejusmodi legem non habentes, ipsi sibi sunt lex: qui ostendunt opus legis scriptum in cordibus suis, testimonium reddente illis conscientia ipsorum. (Rom. 11, 14, 15.)

(2) Deus autem sibi ipsi est lex. (S. Thom., Summ., p. p. q. xxı, art. 1.) (3) Regula actuum. (S. Th.)

sont les œuvres de justice, il ajoute : Beaucoup disent : Qui nous montrera le bien ? et il répond: La lumière de votre visage, Seigneur, a été imprimée sur nous; comme s'il disait que la lumière de la raison naturelle, par laquelle nous discernons ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui appartient à la loi naturelle, n'est autre chose que l'impression de la lumière divine en nous, et qui renferme la loi naturelle justement définie : La participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable (1). Or, c'est encore ce que veut dire l'Évangile en enseignant que le Verbe, la raison de Dieu, est la lumière véritable qui illumine tout homme venant en ce monde (2); en sorte que l'homme, tout en étant à lui-même sa lumière, est pourtant une lumière qui a besoin d'être allumée, et qui peut s'éteindre et s'éteindrait, en effet, si la lumière incréée cessait un instant de l'illuminer.

Qu'importent après cela les déclamations de certains philosophes contre la raison, contre la loi naturelle, dans le but erroné de mieux établir, pensaient-ils, la nécessité de la révélation. Ils ne songeaient pas qu'en abolissant la conscience, en détruisant la raison, ils sapaient du même coup toute loi, toute religion, dont l'importance et la nécessité ne peuvent vraiment se déduire que de la raison de l'homme et de sa vraie nature. L'expérience même de tous les siècles ne s'élevait-elle pas contre leurs prétentions? Qu'est-ce en effet que la conscience? «< N'estelle pas la raison, la loi naturelle elle-même, nous montrant nos devoirs ; d'où naissent les cris intérieurs qui nous arrêtent sur le point de commettre le crime, et nous disent que nous sommes coupables, quand nous l'avons commis! Ou bien encore la conscience est la vue, la connaissance à laquelle l'homme ne peut totalement renoncer, encore qu'il affecte d'en distraire

(1) Unde cùm Psalmista dixisset; Sacrificate sacrificium justitiæ; quasi quibusdam quærentibus quæ sunt opera justitiæ, subjungit : Multi dicunt: Quis ostendit nobis bona? cui quæstioni respondens, dixit: Signatum est super nos, lumen vultus tui, Domine. (Ps. IV, 6.) Quasi lumen rationis naturalis, quo discernimus quid sit bonum et quid malum, quod pertinet ad naturalem legem, nihil aliud sit quam impressio luminis divini in nobis. Unde patet quòd lex naturalis nihil aliud est quam participatio legis æternæ in rationali creatura. (S. Thom., Summ., I, II, q. xcı, art. XI.)

(2) Est lux vera quæ illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. (Ev. sec. Joann., 1, 9.)

son intelligence, et qui le suit partout, puisque la vérité, la loi qui en est l'objet, appartient à son être même; connaissance si importune, quand il nous arrive de commettre une action, qu'elle nous force de condamner, qu'elle nous fait dire à nous-mêmes, et comme malgré nous, jusque dans le silence des autres créatures: Voilà ce que tu devais faire; tu as mal agi!... Et encore, quand, après avoir cherché à disputer contre la loi qui nous condamne, alléguant, pour nous disculper, et nous persuader à nous-mêmes que nous sommes innocents, et les autorités et les raisonnements que nous pouvons lui objecter, nous ne réussissons pas à l'amener à notre sentiment, à obscurcir l'évidence du point que nous avons violé, la seule ressource qui nous reste, n'est-ce pas de chercher à en détourner nos regards, à en fuir la vue, en nous fuyant nous-mêmes, en ne rentrant jamais en nous-mêmes, en vivant dans des distractions que nous voudrions pouvoir rendre continuelles? Preuve manifeste que cette loi habite dans le fond de notre substance, n'est pas distinguée de notre être : Ipsi sibi sunt lex, et que c'est combattre une expérience de tous les jours, dépouiller la conscience de toute son autorité, en un mot, soutenir une opinion, aussi fausse que dangereuse, que de ne vouloir attribuer son existence qu'à une révélation extérieure, faite dès l'origine du monde et qui aurait passé jusqu'à nous par tradition; révélation nécessaire, mais qui ne pouvait changer la nature de l'àme. Et, comme le dit fort bien Bourdaloue, en niant les lumières de la raison, sous prétexte d'humilier l'homme, on favorise véritablement son libertinage, on l'accoutume à compter pour rien, à mépriser le cri de la conscience, dernier frein qui reste encore aux passions alors qu'elles ont secoué le joug de la foi.»

Ainsi donc, fondés sur le fait révélé que notre âme a été créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, nous n'avons encore étudié que l'être spirituel de l'âme, et déjà la nature de sa substance, l'origine et la nature de nos idées, l'autorité de la raison et de la loi naturelle commencent à se manifester à nous par une doctrine dont la liaison et l'enchaînement semblent ne rien offrir qui puisse choquer l'esprit le plus exact, en même temps que l'autorité la plus certaine en garantit la vérité. De même, en effet, que l'idée une et infinie, qui est toutes les idées,

est l'essence de Dien même, l'image de cette idée infinie est la substance de notre âme et le principe de toutes nos idées; de même que l'être de Dieu, principe sans principe, est sa forme et sa raison qui ne sont pas autres que son essence même, parce qu'il est tout acte et infini, l'être de notre âme, le principe de ses opérations, est la forme de sa substance, est sa raison distincte de sa substance, quoique subsistant en elle, parce que l'homme n'est pas tout acte et que son activité est successive, étant communiquée et par conséquent limitée et soumise aux conditions de sa création; de même enfin que l'être de Dieu, sa raison, est la loi éternelle qu'il ne peut jamais violer, à laquelle tout est nécessairement soumis, la raison de l'homme, participation de la lumière éternelle, impression de la raison de Dieu dans l'être de l'âme, est sa loi naturelle, substantielle, qui éclaire et dirige tous ses actes, tous ses mouvements. Et, telle est, dans la substance de l'âme, l'image et la ressemblance de l'essence divine, et, dans son être ou sa raison, l'image de l'être et de la raison de Dieu, du principe sans principe qui est appelé Père.

Mais outre l'être divin appelé le Père, il y a deux autres personnes dans la Trinité; ce sont, le Fils qui est aussi appelé le Verbe, la sagesse, l'intelligence, et le Saint-Esprit qui est l'amour mutuel du Père et du Fils. Il nous reste donc à étudier, dans l'âme humaine créée à la ressemblance de Dieu, l'intelligence et l'amour. Car ce ne n'est pas seulement dans son être spirituel que l'homme porte l'image et la ressemblance du Dieu qui l'a créé, mais aussi dans ses puissances et ses opérations qui sont, comme dit Bossuet, une image, bien qu'imparfaite, de ces opérations éternelles par lesquelles Dieu est fécond en lui

même.

LEÇON V.

THÉODICÉE ET PSYCHOLOGIE. de l'intelliGENCE EN DIEU

ET EN NOTRE AME.

Avec tous les théologiens et les philosophes, nous devons admettre que l'intelligence divine est cet acte infini, éternel, nécessaire, par lequel Dieu voit, connaît, comprend son être, ses idées ou son essence, la vérité, en un mot, tout ce qui est intelligible. C'est sous ce rapport que nous étudierons l'intelligence divine, d'abord en elle-même, puis dans son objet, afin de lui comparer ensuite l'intelligence humaine, pour la mieux connaître.

Les opérations de l'être divin en sont inséparables, comme lui, elles sont éternelles. Eternellement Dieu existe, éternellement il se voit, il se connaît; l'intelligence en Dieu est donc coéternelle, coexistante à son être, voilà son origine.

Saint Thomas va nous faire connaître sa nature d'abord l'intelligence en Dieu n'est ni une qualité, ni un attribut, ni une manière d'être qui perfectionne son essence infinie et qui lui soit surajoutée; l'intelligence de Dieu est son essence même, son être, mais son essence en action: l'être de Dieu, son essence infinie, n'est autre chose que l'idée une et infinie qui est toutes les idées, les formes et les raisons des êtres; elle est en lui tout ce qui est intelligible, et c'est tout son être ;. or, cet être intelligible, en se contemplant lui-même, a l'intelligence de tout ce qui est. L'intelligence divine est donc l'acte infini de l'être intelligible, acte par lequel il se comprend et se connaît. L'intelligence en Dieu et Dieu lui-même est un acte pur, qui ne saurait rien acquérir ni en étendue, ni en puissance, qui n'a rien de facultatif, rien de successif, rien d'intermittent, mais qui connaît et comprend tout nécessaire

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