Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

enfin la moralité de la fable, exprimée en un seul vers:

Plus fait douceur que violence.

Je n'y vois à critiquer que les deux mauvaises rimes de paroles et d'épaules. » (CHAMFORT.)

Borée et le Soleil virent un voyageur

Qui s'étoit muni par bonheur

Contre le mauvais temps. On entroit dans l'automne,
Quand la précaution aux voyageurs est bonne :
Il pleut, le soleil luit, et l'écharpe d'Iris*

Rend ceux qui sortent avertis

5

Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire ;
Les Latins les nommoient douteux, pour cette affaire.
Notre homme s'étoit donc à la pluie attendu :

Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte .

[ocr errors][merged small][merged small]

A tous les accidents; mais il n'a pas prévu

Que je saurai souffler de sorte

Qu'il n'est bouton qui tienne; il faudra, si je veux,
Que le manteau s'en aille au diable.

L'ébattement pourroit nous en être agréable :

[ocr errors]

15

Vous plaît-il de l'avoir ?— Eh bien, gageons nous deux, Dit Phébus, sans tant de paroles,

A qui plus tôt aura dégarni les épaules

2. Comparez les rimes saules et paroles, des vers 42 et 43 de la fable 1 du livre II.

I

3. Le vent du nord; Hérodote (livre VII, 189) rapporte qu'il avait un temple au bord de l'Ilissus.

4. L'arc-en-ciel. Ovide, dans ses Métamorphoses (livre XI, vers 589 et 590), en revêt de même la messagère de Junon:

....Induitur velamina mille colorum

Iris, et arquato cœlum curvamine signans....

5. Incertis mensibus, dit Virgile, parlant de l'automne et du printemps (Géorgiques, livre I, vers 115).

6. Voyez, p. 17 et note 9, un autre genre d'ellipse de verbe. 7. Ce tour si poli, cette courtoise façon d'inviter, suggère à

Du Cavalier que nous voyons.

Commencez je vous laisse obscurcir mes rayons. >>

:

Il n'en fallut pas plus. Notre souffleur à gage'
Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon,
Fait un vacarme de démon',

20

25

Siffle, souffle, tempête, et brise, en son passage,
Maint toit qui n'en peut mais 10, fait périr maint bateau,
Le tout au sujet d'un manteau 11.

14

Le Cavalier eut soin d'empêcher que l'orage
Ne se pût engouffrer dedans;

Cela le préserva. Le Vent perdit son temps:
Plus il se tourmentoit, plus l'autre tenoit ferme;

30

M. Taine (p. 109 et 110) la remarque suivante : « Écoutons Borée qui propose au Soleil de dépouiller un voyageur de son manteau. Je ne sache rien qui peigne mieux l'air dégagé et noble, la politesse élégante et digne.... Il ne propose pas rondement et nettement la partie de plaisir; vis-à-vis d'un gentilhomme l'air réservé est toujours d'obligation; il faut que l'invité puisse se dégager sans effort; on ne doit lui vanter un amusement qu'avec mesure et doute, ne pas l'entrainer, ne pas marquer un trop fort désir, ne pas le contraindre à la complaisance. »

8. C'est-à-dire soufflant comme s'il était payé pour cela, et comme devant l'être en effet s'il gagne la gageure. Littré fait remarquer avec raison que la Fontaine s'est écarté de l'usage en mettant le singulier on dit d'ordinaire : à gages, au pluriel. — Bien que, dans le nom, le sens du radical gage soit tout différent de celui qu'il a dans gager, on peut se demander si ce n'est pas l'emploi fait plus haut de ce verbe qui amène ici cette locution à gage.

9. « Il emprunte au peuple ses comparaisons, dit M. Taine (p. 301), même quand il s'agit d'un dieu, de Borée. »

10. « La Fontaine avait vu ce trait.... dans le Cymbalum mundi de des Perriers, » dit Nodier; et il cite ce passage du dialogue rer (vers la fin), où l'un des deux compagnons qui viennent de dérober à Mercure le livre de Jupiter, dit plaisamment à l'autre : « Ie ne crains que une chose : c'est que si Iupiter le voit et qu'il trouve son livre perdu, il n'en fouldroye et abysme tout ce poure monde icy, qui n'en peut mais, pour la punition de notre forfait. »

11. Du manteau dans l'impression de 1678 A.

a Déjà cité en partie, au tome I, p. 157.

12.

Il eut beau faire agir le collet et les plis 12.
Sitôt qu'il fut au bout du terme

Qu'à la gageure on avoit mis,
Le Soleil dissipe la nue,

Récrée13, et puis pénètre enfin le Cavalier 1
Sous son balandras 15 fait qu'il sue,

Le contraint de s'en dépouiller :

Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance.

12.

Plus fait douceur 16

que violence 17

[ocr errors]

35

17.

40

Ille magis duplicem lateri circumdat amictum
Turbida summotos qua trahit aura sinus.

13. Réchauffe, ranime.

(AVIANUS, vers 9 et 10.)

14. Chez Haudent, le Soleil a deux moyens successifs de dépouiller le Voyageur. Avant de le pénétrer, à cette fin, de ses rayons, de « ses raidz clers et luysants, » comme dit Corrozet, il fait tomber une grande pluie qui le force, une première fois, à ôter son manteau mouillé.

15. Espèce de long manteau, casaque de campagne. Regnier (satire xiv, vers 134) a employé la forme espagnole balandran, qui correspond à l'italien palandrana, au bas latin (treizième siècle) balandrana. 16. « La persuasion, » dit la fable de Babrius, ainsi que la plupart des fables grecques : πειθοῖ μᾶλλον ἢ βίᾳ.

17. Dans Ysopet-Avionnet :

On sieult (latin « solet ») par debonnaireté

Vaincre plus que par cruaulté.

On a déduit de la fable un sens moral tout différent, mais qui, ce nous semble, en sort beaucoup moins bien : « La raison et la constance soutiennent un homme contre tous les efforts de la malice et de la mauvaise fortune; mais dans la bonace on perd le courage et la fermeté faute d'occasion de les exercer. » (Les Fables d'Ésope et de plusieurs autres excellents mythologistes, accompagnées du sens moral et des réflexions du chevalier Lestrange, traduites de l'anglois, Amsterdam, 1714, in-4o, p. 84.) — L'emblème de Corrozet est sous la rubrique : « Plus par doulceur que par force, » et la morale diffère à peine de celle de la Fontaine :

Ainsi amytié et doulceur

Fait plus que force et violence.

FABLE IV.

JUPITER ET LE MÉTAYER'.

Faërne, fab. 98, Rusticus et Jupiter. Verdizotti, fab. 99, del Contadino e Giove. La fable 265 d'Ésope, Пlatηp xai Ouɣatépes (Coray, p. 175 et 176, p. 394, sous trois formes), qu'on a rapprochée de celle-ci, n'a, pour l'action comme pour la morale, presque aucun rapport avec elle; c'est Florian qui, en imitant la fable d'Esope dans son Prêtre de Jupiter, y a accommodé la morale nouvelle citée plus loin (note dernière). Dans Faërne, l'action est double après la déconvenue du Métayer, Jupiter reprend le gouvernement des saisons, et la moisson prospère, les greniers regorgent. Son récit ne nous montre pas, comme celui de la Fontaine, le Métayer, les yeux fermés sur les belles récoltes de ses voisins, s'obstinant, une autre année encore, dans sa présomption.

Cette fable a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses (1671), tome III, p. 360 (par erreur, pour p. 364).

Jupiter eut jadis une ferme à donner.

Mercure en fit l'annonce', et gens se présentèrent,
Firent des offres, écoutèrent :

Ce ne fut pas sans bien tourner;

L'un alléguoit que l'héritage

Étoit frayant et rude, et l'autre un autre si*.

5

1. Le Paysan de Faërne est aussi un métayer au sens propre : les fruits doivent être partagés par moitié (voyez ci-après la fin de la note 8).

à

2. « Le crieur des Dieux est Mercure; c'est un de ses cent métiers. » (Psyche, livre II, tome III de M. Marty-Laveaux, p. 122.) 3. Demandait beaucoup de frais, de dépenses, coûterait gros mettre en valeur. « Ce terme, dit l'abbé Guillon (en 1803), n'est usité que dans les provinces de Picardie et de Champagne. » Le Dictionnaire de Littré donne des exemples, des quatorzième et quinzième siècles, d'un verbe frayer, se mettre en frais.

4. Une autre objection, une autre difficulté. M. Taine, rassem

Pendant qu'ils marchandoient ainsi,

Un d'eux, le plus hardi, mais non pas le plus sage, Promit d'en rendre tant, pourvu que Jupiter

Le laissât disposer de l'air,

Lui donnât saison à sa guise,

ΙΟ

Qu'il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise, Enfin du sec et du mouillé,

Aussitôt qu'il auroit bâillé.

15

Jupiter y consent. Contrat passé 7; notre homme Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme

blant tous les traits dont se compose le personnage du Paysan chez la Fontaine, a relevé celui-ci : « Ils sont réfléchis en affaires, dit-il (p. 155), difficultueux, retors.... Ils ne concluent un marché qu'après des préliminaires et des chicanes d'avocat. >>

5. Nunc uvidum, nunc sudum aera, dit Faërne (vers 10).

6. C'est-à-dire aussitôt qu'il aurait ouvert la bouche, sans même avoir besoin de parler. Dans les éditions originales, ainsi que dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, l'orthographe du mot est baaillé; on a donc eu tort, dans quelques éditions, d'écrire baillé, et de faire venir ce participe d'un verbe bailler, qu'on explique par passer bail, et qu'on trouve en vieux français au sens de « donner à bail », mais non, croyons-nous, dans celui de « prendre à bail ».

7. Ce vers est ainsi ponctué dans toutes les éditions originales. Le sens est : « Le contrat est passé; et notre homme........ » Le texte de 1679 (Amsterdam) et bon nombre d'éditions modernes n'ont qu'une virgule après Contrat passé, ce qui donne une tournure de même sens que celle du vers 15 de la Tortue et les deux Canards (fable 11 du livre X), où on lit dans l'édition originale (1679):

Marché fait, les oiseaux forgent une machine

Pour transporter la pèlerine.

8. « Ces mots pleut, vente, pour dire fait pleuvoir, fait venter, ne sont pas français en ce sens, dit Chamfort. Ce sont de ces verbes que les grammairiens appellent impersonnels, parce que personne n'agit par eux; mais la Fontaine a si bien préparé ces deux expressions par ce mot tranche du roi des airs; ces mots pleut, vente semblent en cette occasion si naturels et si nécessaires, qu'il y aurait de la pédanterie à les critiquer. L'auteur brave la langue française et a l'air de l'enrichir. Ce sont de ces fautes qui ne réussissent qu'aux grands maitres. » Faute n'est certes pas le vrai mot; c'est une

[ocr errors]
« ZurückWeiter »