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Le changea bientôt de logis.

Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvége
Prendre le soin d'une maison

En tout temps couverte de neige;

Et d'Indou qu'il étoit on vous le fait Lapon".
Avant que de partir, l'Esprit dit à ses hôtes:
« On m'oblige de vous quitter:

Je ne sais pas pour quelles fautes;

Mais enfin il le faut. Je ne puis arrêter1

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Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine :
Employez-la; formez trois souhaits, car je puis
Rendre trois souhaits accomplis,

Trois sans plus. » Souhaiter, ce n'est pas une peine
Étrange et nouvelle aux humains.

Ceux-ci, pour premier væu, demandent l'abondance; 35 Et l'abondance, à pleines mains,

Verse en leurs coffres la finance 19,

En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins : Tout en crève 20. Comment ranger cette chevance"?

17. C'est-à-dire habitant de l'extrémité septentrionale de l'Europe. Au reste, ce qui peu importe ici, l'expression était même juste géographiquement : la Laponie se divisait autrefois en trois parties, dont l'une était la norvégienne ou danoise.

18. Prolonger mon séjour, comme morari en latin: comparez fable v du livre III, vers 30; et Molière dans le Misanthrope (acte III, scène Iv, vers 1031):

Autant qu'il vous plaira vous pouvez arrêter.

19. Finance est pris de même pour argent dans la fable vi du livre VI, vers 24, et dans la Iv° du livre X, vers 2.

20. Virgile a dit de même (Géorgiques, livre I, vers 49):

Illius immense ruperunt horrea messes.

21. Ces biens; de chevir, venir à chef, à bout: voyez le Dictionnaire de Littré. Nous avons trouvé le mot dans la fable xx du livre IV, vers 15; et il est aussi dans le conte v de la IIo partie, vers 359, et le x1o de la IIIo partie, vers 415.

Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut ! Tous deux sont empêchés si jamais on le fut.

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Les voleurs contre eux complotèrent ;

Les grands seigneurs leur empruntèrent "; Le Prince les taxa. Voilà les pauvres gens

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Malheureux par trop de fortune.

:

Ôtez-nous de ces biens l'affluence importune,
Dirent-ils l'un et l'autre heureux les indigents!
La pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse 25.
Retirez-vous, trésors, fuyez; et toi, Déesse,
Mère du bon esprit, compagne du repos 26,
Ô Médiocrité, reviens vite.» A ces mots
La Médiocrité revient; on lui fait place;
Avec elle ils rentrent en grâce",

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22. Quelle tenue de registre pour inscrire les comptes! 23. « Le maître et la maîtresse » nommés plus haut, un peu loin il est vrai, au vers 9.

24. « Comme la Fontaine, dit Chamfort, glisse cette circonstance avec une apparente naïveté ! » Voyez un semblable trait de satire, lancé hardiment à la cour de son temps, au début du conte Ix de la IIe partie, vers 17 et 18. Ces grands seigneurs rappellent le Dorante du Bourgeois gentilhomme. Et Mme de Sévigné ne songeait pas seulement à des aventuriers quand, parlant à Bussy (tome V, p. 459) des onze cent mille écus de dettes dont le cardinal de Retz s'était déjà acquitté, elle ajoutait : « Il n'a reçu cet exemple de personne, et personne ne le suivra. »

25. Pour l'importunité et la lassitude des richesses, tout lecteur, de lui-même, rapprochera de cet endroit la fable 1 du livre VIII, le célèbre apologue du Savetier et le Financier.

26. Addition à la strophe, si connue, d'Horace, et la complétant par deux qualificatifs on ne peut mieux choisis et rendus :

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27. La personnification continue. « Ne dirait-on pas que c'est une souveraine, remarque Chamfort, à la clémence de laquelle il faut

Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux 28
Qu'ils étoient, et que sont tous ceux

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Qui souhaitent toujours et perdent en chimères
Le temps qu'ils feroient mieux de mettre à leurs affaires :
Le Follet en rit avec eux29.

Pour profiter de sa largesse 3,

Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point", 60 Ils demandèrent la sagesse :

C'est un trésor qui n'embarrasse point.

recourir quand on a fait l'imprudence de la quitter pour la Fortune? >>

28. Chanceux, ironiquement, au même sens que notre auteur donne à cet adjectif avec peu dans une lettre à l'abbé Verger du 4 juin 1688:

Peu chanceux, et vous et moi.

29. « La Fontaine, au commencement de cette fable, a établi que le Follet était l'ami de ces bonnes gens, et s'intéressait véritablement à eux. Cependant le Follet n'a aucun regret qu'ils aient perdu cette abondance tant désirée. Il en est au contraire fort aise, parce qu'il voit qu'ils seront plus heureux dans la médiocrité. Peut-on rendre la morale plus aimable et plus naturelle? » (Chamfort.)

30. De sa générosité, de la promesse qu'il leur avait faite et dont il leur devait l'accomplissement final.

31. Ellipse facile à suppléer à l'aide du premier hémistiche. 32. Exemple à retenir de la figure que la rhétorique nomme litote, et qui atténue l'expression pour fortifier la pensée.

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fab. 20, méme titre. — Gueroult, à la suite de l'emblème 11 (p. 31-33),

du Lyon, du Regnard, et de la Brebis.

Jacques Regnier, Apologi

Phædrii, Ire partie, fab. 33, Leo, Asinus, Lupus et Vulpes.

Mythologia sopica Neveleti, p. 435.

Mme de Sévigné parle de cette fable dès 1674; dans sa lettre du 22 mai de cette année (tome III, p. 408), elle écrit au comte de Grignan : « Voilà une fable des plus jolies; ne connoissez-vous personne qui soit aussi bon courtisan que le Renard? »

On n'a que le début de la fable de Phèdre, neuf vers, huit seulement d'après Nevelet et plus d'un éditeur après lui, qui ne regardent pas le neuvième comme étant là à sa place. Ces vers ne contiennent guère que la morale et l'exposition; on peut supposer que le Romulus nous a conservé le reste, quant au fond. Là le Lion, inaugurant son règne et voulant se faire un renom de justice, promet solennellement de réformer ses goûts sanguinaires; mais bientôt, incapable de dompter sa nature, et voulant revenir à son ancien régime, il imagine une question captieuse qu'il adresse aux animaux sur l'odeur de son haleine; qu'ils répondent oui ou non, ou se taisent, ils sont invariablement dévorés. Interrogé à son tour, le Singe croit se sauver par une flatterie énorme, dont d'abord le tyran demeure com omme confondu. Mais, plus tard, le Lion se ravise: il feint de tomber en langueur, et les médecins conseillant quelque mets léger qui puisse réveiller son appétit, il déclare que la chair du Singe, dont il n'a pas encore tâté, aurait sans doute cet effet'. — Gueroult a peut-être fourni à la Fontaine son

1. Cette croyance que le lion malade trouvait dans le sang léger du singe un excellent remède apéritif, auquel il recourait d'instinct, appartient bien à l'antiquité : voyez Pline l'ancien, livre VIII, $ 19; et Élien, Histoires diverses, livre I, § 9. - Boire le sang d'une guenon ou d'un renard le guérit de la fièvre, dit J. Regnier.

introduction: c'est aussi chez lui un édit de convocation qui rassemble les animaux; le Lion les consulte sur le vice de son haleine, qui, à ce qu'il voit, le rend odieux; il ordonne à la Brebis d'approcher, et d'en dire son avis; elle n'a pas fait mine de répondre qu'il jette sa griffe sur elle; le Renard, interpellé ensuite, s'excuse, alléguant un grand mal de tête et la perte de l'odorat; et c'est toute la fable, avec cette lâche moralité :

Cecy nous est un exemple notable
Que quelque foys dissimuler il faut
Du Roy cruel le vice et le deffaut,

Pour n'esmouvoir son courroux redoubtable.

Chez Jacques Regnier, le Lion, qui vient de se repaître d'un corps mort, interroge successivement, aussi sur son haleine, un Ane, un Loup et un Renard; il fait expier au premier sa bonne foi, au second son impudent mensonge, et laisse aller l'autre qui a esquivé la réponse. Ni Gueroult, ni Regnier, ni la Fontaine n'ont probablement connu la fable de Romulus, et chez la Fontaine lui-même la matière semble appauvrie. Au contraire, dans une fable, en prose latine, du moyen âge, que Robert a publiée (tome II, p. 561 et 562), et dans la fable toute semblable de Marie de France (no 37, dou Lions qui en autre pais volt converser, tome II, p. 185194), le sujet de Romulus a été complétement approfondi et développé; l'action en est compliquée de la façon la plus intéressante: c'est tout un drame inspiré par les souvenirs de l'histoire; une circonstance y est d'abord tout particulièrement significative: la bête scélérate qui gouvernera, le Loup, est élue par les animaux eux-mêmes, et pour l'unique motif qu'il sera fort contre leurs ennemis; ils lui demandent un serment, connaissant sa félonie; de là aussi sort, au lieu de la moralité, à tout le moins petite et frivole, de la fable moderne, celle-ci qui contient une vraie leçon de morale et de politique: .... Monet sapiens hominem nequam nullatenus ad dominandum debere admitti. Talis enim promissiones quaslibet parvi pendens, suam tantummodo conabitur assequi voluntatem.

Pur ce, li Saiges mustre bien

Que um ne deit pur nulle rien (nulle chose)
Felun humme fere segnur

Ne traire le à haute honur :

Jà ne gardera loiauté

Plus à l'estrange k'au privé....

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