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L'homme arrive au Mogol : on lui dit qu'au Japon "
La Fortune pour lors distribuoit ses grâces.

«

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y court. Les mers étoient lasses

De le porter; et tout le fruit

Qu'il tira de ses longs voyages,

Ce fut cette leçon que donnent les sauvages :
Demeure en ton pays, par la nature instruit.
Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme
Que le Mogol l'avoit été :

Ce qui lui fit conclure en somme

Qu'il avoit à grand tort son village quitté".
Il renonce aux courses ingrates 23,

Revient en son pays, voit de loin ses pénates,

Pleure de joie", et dit : « Heureux qui vit chez soi,
De régler ses desirs faisant tout son emploi 25!

20. Voyez à la fable vi de ce livre, p. 122, note 12.

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21. Vaste empire, industrieux et riche, dont alors l'imagination des Européens exagérait d'autant plus l'opulence, qu'il leur était interdit d'y pénétrer.

22. Voyez ci-après, fable x du livre VIII, vers 1.

23. Infructueuses: expression poétique empruntée au latin. 24. « La Fontaine, dit l'abbé Guillon, est admirable pour saisir ces traits de sentiment, qui prouvent dans le poëte une connaissance profonde de la nature. Penates a quelque chose de plus affectueux que le mot de toit ou de maison. C'étaient les dieux domestiques sous la protection desquels on mettait la maison et ses habitants. >>

25. Felix qui patriis ævum transegit in agris, etc.

(CLAUDIEN, épigramme II, vers 1.)

Heureux qui satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je suis attaché,
Vit dans l'état obscur où les Dieux l'ont caché!

(RACINE, Iphigénie, acte I, scène 1, vers 10-12.)
Racan avait déjà dit, dans ses stances sur la retraite :
Ô bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire

Il ne sait

Ce que c'est que

que par ouïr dire 26

la cour, la mer, et ton empire, Fortune, qui nous fais passer devant les yeux

Des dignités, des biens, que jusqu'au bout du monde
On suit, sans que l'effet aux promesses réponde 27.
Désormais je ne bouge, et ferai cent fois mieux. »
En raisonnant de cette sorte,

Et contre la Fortune ayant pris ce conseil,
Il la trouve assise à la porte

De son ami, plongé dans un profond sommeil 28.

Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, loin retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison, content de sa fortune,

A selon son pouvoir mesuré ses desirs!

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Faut-il rappeler aussi le Vieillard du Galèse, vers 125 et suivants du livre IV des Géorgiques de Virgile?

26. Littré, à l'Historique de l'article OUÏR, cite un exemple de par ouir dire, de Montaigne (livre I, chapitre xxiv, tome I, p. 184), et un du treizième siècle, de par oïr dire; mais, dans sa citation de notre exemple, à l'article OuÏ-DIRE, il donne la leçon altérée et rajeunie de 1708, 1729, et de la plupart des éditions modernes, à savoir le participe oui, au lieu de l'infinitif ouir.

27. « La Fontaine est toujours animé, toujours plein de mouvement et d'abondance, lorsqu'il s'agit d'inspirer l'amour de la retraite, de la douce incurie, de la médiocrité dans les désirs. Voyez cette apostrophe: Et ton empire, Fortune; et puis cette longue période qui semble se prolonger comme les fausses espérances que la Fortune nous donne, et l'adresse avec laquelle il garde pour la fin:

.... sans que l'effet aux promesses réponde.

Ce sont là de ces traits qui n'appartiennent qu'à un grand poëte. »> (CHAMFORT.)

28. Fortune, qui ne dort que lorsque nous veillons,

Et veille quand nous sommeillons....

(La Fiancée du roi de Garbe, conte xiv de la II partie, vers 399-400.)

André Chénier s'est souvenu de ce dernier vers, dans sa x° élégie du livre I (vers 15-18):

.... Sur mon seuil jamais cette volage (la Fortune)
N'a mis le pied. Mais quoi? Son opulent passage,
Moi qui l'attends plongé dans un profond sommeil,
Viendra, sans que j'y pense, enrichir mon réveil.

Pour que l'épilogue devienne une vraie moralité, un conseil de conduite, il suffit d'ajouter qu'à côté du proverbe : La Fortune vient en dormant, » il en est un autre : « Aide-toi, le Ciel t'aidera, » si bien mis en action dans le Chartier embourbé (fable xvi du livre VI).

FABLE XIII.

LES DEUX COQS.

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Ésope, fab. 145, 'Alexтopes (Coray, p. 86-88, sous quatre formes); 'Aλéxtopes xal 'Astós (Coray, p. 343-345, sous deux formes). - Babrius, fab. 5, Αλεκτορίσκοι. Aphthonius, fab. 12, Fabula Gallinaceorum, adhortans ad moderationem in rebus prosperis (c'est la 3° des formes données par Coray). Pantaleo Candidus (Weiss), fab. 121, Galli gallinacei. Haudent, 2o partie, fab. 30, de Deux Coqz et d'un Aigle. Cette fable est aussi le sujet de la vie du Choix de fables arméniennes (1825, p. 13) et du quatrain 153 de Benserade :

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Deux Coqs, étant rivaux, se battoient de bon cœur.
L'Aigle vint tout à coup fondre sur le vainqueur,
Qui faisoit trop de bruit à cause de sa gloire,
Et laissa le vaincu jouir de la victoire.

Mythologia sopica Neveleti, p. 207, p. 331.

Une fable d'Abstemius, de Gallis inter se pugnantibus (no 160, p. 602-603 de Nevelet), débute par le récit d'une rivalité semblable et du même insolent triomphe, mais pour aboutir à un dénouement et à une moralité tout autres : le Coq vaincu, laissant son ennemi s'amollir dans l'inaction et les plaisirs, se retire parmi les Paons et les Corneilles, avec lesquels il s'exerce journellement à combattre; puis il revient prendre une revanche facile.

Deux Coqs vivoient en paix : une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.

Amour, tu perdis Troie1; et c'est de toi

que vint

1. « Quelle rapidité! quel mouvement! quel rapprochement heureux des petites choses et des grands objets! C'est un des charmes du style de la Fontaine. » (CHAMFORT.) — La Motte, dans son Discours sur la fable (p. xxvII, 1719), parle, à propos de ce même pas

Cette querelle envenimée

Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint*! 5
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint.

Le bruit s'en répandit par tout le voisinage :
La gent qui porte crête au spectacle accourut;
Plus d'une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut :
Il alla se cacher au fond de sa retraite,

Pleura sa gloire et ses amours,

Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite,

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sage, de la « gaîté philosophique » qu'il y a « à nous faire sentir tout à coup une analogie très-étroite entre le petit et le grand. » - Même souvenir de Troie dans le conte xvi de la IVo partie, vers 200-205; et chez Scarron, dans le Roman comique (1re partie, premières lignes du chapitre xix) : « L'amour, qui fait tout entreprendre aux jeunes et tout oublier aux vieux, qui a été cause de la guerre de Troie et de tant d'autres, etc. »

2. Au Ve chant de l'Iliade, Vénus et Mars sont blessés par Diomède: voyez vers 330 et suivants, et vers 855 et suivants; dans le XXIe chant (vers 385 et suivants), tous les Dieux prennent part au combat, et Mars est renversé par Minerve.

3. A propos de ce même écrit sans s, Boissonade dit : « Les grammairiens condamnent cette façon d'écrire en prose; en vers elle est autorisée. » (Lettre inédite, déjà citée à la page 131, note a.) Voyez le Lexique de Corneille, tome II, p. 81-82.

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4. « Ce beau vers est un peu gàté, dit Chamfort, par la dureté des deux dernières syllabes,» mais dureté qui se peut, sinon sauver entièrement, du moins atténuer par la prononciation, au moyen d'une légère pause. Le Xanthe, rendu célèbre par Homère et par Virgile, était, comme l'on sait, une rivière de la Troade, à l'ouest de Troie; on l'appelait aussi Scamandre. Il sortait de l'Ida par deux sources et se jetait dans l'Hellespont, près du promontoire de Sigée, après avoir reçu le Simoïs.

5. Assimilation de même espèce que ce début de la fable xvIII du livre VI: « Le Phaéton d'une voiture à foin. » — << Rien de plus naturel que cette expression, après avoir parlé de la guerre de Troie. » (CHAMFORT.) On peut, en se rappelant certaines épithètes homériques, en dire presque autant de la locution précédente: « qui porte crête ».

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