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L'autre femelle avoit achalandé ce lieu.

Cette dernière femme eut beau faire, eut beau dire,
« Moi devine'! on se moque : eh! Messieurs, sais-je lire?
Je n'ai jamais appris que ma croix de par Dieu1o;
Point de raison: fallut" deviner et prédire,

Mettre à part force bons ducats,

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Et gagner malgré soi plus que deux avocats 1.
Le meuble et l'équipage 13 aidoient fort à la chose :
Quatre siéges boiteux, un manche de balai",
Tout sentoit son sabbat et sa métamorphose 15.

Quand cette femme auroit dit vrai

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9. Voyez ci-dessus, la note 3. Certains emplois de divinus, divina en latin rendent bien raison de l'origine, en ce sens, des mots devin, devine: un, par exemple, Horace, livre III, ode xxvII, vers 10; un de Martial, livre III, épigramme LXXI, vers 2.

10. « Croix de par Dieu, croix de par Jésus, alphabet où l'on apprenait à lire aux enfants, ainsi dit parce que le titre est orné d'une croix, qui se nommait croix de par Dieu, c'est-à-dire croix faite au nom de Dieu. » (Dictionnaire de Littré, à l'article CROIX, 8°.) Molière, que cite aussi Littré, avait mis l'expression dans la bouche de l'Apothicaire de Monsieur de Pourceaugnac (1669, acte I, scène v): « C'est un homme qui sait la médecine à fond, comme je sais ma croix de par Dieu. »

11. Littré, à l'Historique du mot, donne plusieurs exemples de cette ellipse archaïque du pronom sujet.

12. « C'est en partie ce qui arriva au Médecin malgré lui de Molière. » (CHAMFORT.)

13. Tout le contenu et l'arrangement du logis.

14. Regnier a décrit ainsi un bouge d'autre espèce (satire x1, vers 181-190):

.... Sous mes pieds je rencontre

Un chaudron ébresché, la bourse d'une montre...,

Un balai, pour brusler en allant au sabat,

Une vieille lanterne, un tabouret de paille,

Qui s'estoit sur trois pieds sauvé de la bataille, etc.

15. C'est-à-dire c'était bien en pareil logis qu'on imaginait des métamorphoses de sorcière, un départ pour le sabbat, l'assemblée des sorciers.

Dans une chambre tapissée,

On s'en seroit moqué la vogue étoit passée

:

Au galetas; il avoit le crédit.
L'autre femme se morfondit.

L'enseigne fait la chalandise 16.

J'ai vu dans le Palais une robe mal mise

Gagner gros": les gens l'avoient prise
Pour maître tel, qui traînoit après soi
Force écoutants. Demandez-moi pourquoi.

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Vieux mot dont

16. Fait, attire les chalands, met en vogue. on peut voir dans Littré des exemples des quinzième et seizième siècles et plusieurs encore du dix-septième.

17. Parlant d'honneur, non de chalandise, il a dit aux vers 11-12 de la fable XIV du livre V:

D'un magistrat ignorant

C'est la robe qu'on salue.

FABLE XVI.

LE CHAT, LA BELETTE, ET LE PETIT LAPIN.

Cette fable, qui paraît bien de source indienne, se trouve, avec quelque variété quant au choix des personnages, dans tous les recueils orientaux, sauf l'Hitopadésa, et dans leurs diverses traductions: voyez Benfey, tome I, p. 350 et suivantes. Les titres sont, dans le Pantschatantra de Benfey (tome II, p. 231 et suivantes), le Chat juge entre le Moineau et le Lièvre; dans le Pantchatantra de Dubois (p. 152 et suivantes), les Deux Lapins et le Chat1; dans le Calila et Dimna (tome I, p. 197 et suivantes, de la traduction allemande de Wolff), le Lièvre, l'Autour et le Chat. Le premier des deux originaux indiens, et la version arabe, sont de tous points charmants. C'est celle-ci qui a le plus heureusement développé la dernière scène : le moment venu de rendre la sentence, remarquant que les deux plaideurs sont restés à distance prudente, le Chat se recueille et leur adresse une exhortation sur la crainte de Dieu, le détachement des biens terrestres et la charité; à mesure qu'il parle et donne plus d'onction à son discours, le Lièvre et l'Oiseau se rapprochent; dès qu'ils sont bien à portée, le saint arrête son sermon et leur fait sentir sa griffe et sa dent. Le sujet a été reproduit, mais fort en abrégé, dans plusieurs ouvrages antérieurs à la composition de la fable de la Fontaine : le Directorium humanæ vitæ

1. Là le sujet de la querelle est différent et la circonstance qui fait choisir le Chat pour juge fort plaisante.

2. Au lieu de l'Autour, il y a le Rossignol dans la traduction anglaise de Knatchbull: Benfey dit que la signification du mot arabe traduit de ces deux façons est incertaine, mais que, dans l'original indien, c'est probablement d'une Perdrix qu'il s'agissait. La traduction grecque de Siméon Seth (édition princeps de Stark, Berlin, 1697, p. 262-266) parle d'un Écureuil, et l'imitation de Baldo (édition du Méril, p. 249-250) d'un Chat (Cattus; mais Benfey lit avec raison Gallus); le juge, chez Baldo, est un Léopard (Pardus).

de Jean de Capoue (sans date, feuille h, fol. 6 vo, et feuille i, fol. 1 r); la Filosofia morale de Doni (Venise, réimpression de 1606, traité m, p. 72-73)3; le Specimen sapientiæ Indorum veterum du P. Poussines (traduction libre et abrégée du texte grec, mentionné dans la note précédente, de Siméon Seth, p. 598, colonne 2 : voyez ci-dessus, p. 146 ); le Livre des lumières ou la Conduite des rois (1644, p. 251-253)*. Nous croyons à peu près certain que notre auteur a tiré tout son petit chef-d'œuvre des seules données du récit écourté de ce dernier recueil. Robert rapproche en outre le Dialogus creaturarum de Nicolas de Pergame (1482, no 46, feuille e, fol. 2 vo et 3 ro), où la contestation est entre deux poissons dévorés, au dénouement, par un troisième qu'ils ont pris pour juge.

Comme à rapprocher plus ou moins, on peut indiquer encore la fable chinoise traduite par Stanislas Julien à la suite des Avadanas (tome II, p. 152-153), le Chat (au chapelet) et les Souris; et peut-être une fable d'Odo de Cerington (le Renard se confessant au Coq et le dévorant), que cite Édélestand du Méril, qui rappelle en outre (p. 249, note 1) une branche du Renart (édition Méon, tome III, p. 291-322).

« Les détails de cette fable, dit l'abbé Guillon, en font un chefd'œuvre de narration; mais la morale n'en est pas consolante: être dépouillé par la Belette ou mangé par le Chat, voilà donc le cercle dans lequel la faiblesse et la bonhomie se trouvent enfermées! Si c'est là une vérité, certes elle n'est pas honorable pour l'espèce humaine. » Honorable ou non, c'est un fait; la Fontaine nous en avertit; à nous de prendre nos précautions pour ne rencontrer sur notre chemin ni le Chat ni la Belette. La moralité de la fable n'est pas toujours de la morale; c'est bien souvent la leçon de l'expérience, telle que la fable nous la met sous les yeux. Il y a d'ailleurs une leçon pour les Belettes aussi. Celles qui n'étranglent pas d'abord les Lapins et discutent avec eux sont peut-être capables

3. Cette version, moins réduite, n'est pas sans intérêt; l'intrus est un Rat, acteur que Doni a emprunté, non au texte, mais à la gravure du volume de Jean de Capoue.

4. Les Fables de Pilpay, où le titre de celle qui correspond à la nôtre est d'un Chat et d'une Perdrix (p. 307-310), ne parurent, nous l'avons dit (p. 81, note a), qu'en 1698, vingt ans après la fable de la Fontaine.

de l'entendre elles veulent appliquer les théories qu'elles se sont faites; mais qu'elles ne se hâtent pas de se mettre en possession, au risque d'avoir à en appeler elles-mêmes à un arbitre. — Chamfort remarque que a le dénouement de cette fable ressemble un peu à celui de l'Huitre et les Plaideurs (livre IX, fable 1x), sauf qu'il est plus tragique pour les parties disputantes. »

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Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.

Elle porta chez lui ses pénates, un jour

Qu'il étoit allé faire à l'Aurore sa cour

Parmi le thym et la rosée".

Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avoit mis le nez à la fenêtre.

« Ô Dieux hospitaliers ! que vois-je ici paroître?
Dit l'animal chassé du paternel logis.

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5. Pour ces expressions par lesquelles la Fontaine relève et ennoblit ce dont il parle, et dont nous avons, un peu plus bas, aux vers 5 et 6, d'autres exemples, le second fort gracieux, comparez, entre autres endroits, livre II, fable x, vers 1 et note 1; livre VI, fable v, vers 4, fable xv111, vers 1; livre XII, fable iv, vers 18.

6. La Fontaine a refait ce tableau, en le variant, sans en altérer, ce qui semblait bien difficile, le charme et la poésie :

Je vois fuir aussitôt toute la nation

Des lapins qui, sur la bruyère,

L'œil éveillé, l'oreille au guet,

S'égayoient, et de thym parfumoient leur banquet.

(Livre X, fable xiv, vers 18-21.)

Voyez, sur la vérité de ces peintures, tome I, en haut de la page 354, une citation de Sainte-Beuve.

7. Moins familièrement, Jean Lapin, dans l'Aigle et l'Escarbot (livre II, fable vIII). Janot est l'orthographe de l'édition originale. 8. Dieux protecteurs du logis, Dieux qui m'avez donné cette demeure, assuré ce séjour à moi et aux miens.

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