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Sur l'angle et les côtés ma main la détermine 1.
L'ignorant le croit plat : j'épaissis sa rondeur;
Je le rends immobile, et la terre chemine.
Bref, je démens mes yeux en toute sa machine 13:
Ce sens ne me nuit point par son illusion.

Mon âme, en toute occasion,

Développe le vrai caché sous l'apparence ;

Je ne suis point d'intelligence

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Avecque mes regards, peut-être un peu trop prompts,
Ni mon oreille", lente à m'apporter les sons.
Quand l'eau courbe un bâton 15, ma raison le redresse: 30
La raison décide en maîtresse.

Mes yeux, moyennant ce secours,

Ne me trompent jamais, en me mentant toujours.
Si je crois leur rapport, erreur assez commune,
Une tête de femme est au corps de la lune.

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Sophocle, au vers 104 d'Antigone, le nomme : « l'œil du jour doré ; » et Euripide, au vers 194 d'Iphigénie en Tauride : « l'œil sacré du jour.» Plus haut, dans la même tragédie, vers 110, la lune est « l'œil de la nuit obscure; » et Manilius (Astronomiques, livre I, vers 133) désigne les étoiles par les mots : mundi oculos.

12. Détermine la distance, et par elle la grandeur, « sur l'angle, » c'est-à-dire sur l'ouverture de l'angle, mesurée au moyen d'un triangle dont la base est une ligne aboutissant à deux points opposés de l'orbite de la terre, laquelle base étant donnée, ainsi que l'ouverture de chacun des deux angles qu'elle forme avec les deux côtés, le calcul fournit la longueur de ces côtés, et, par conséquent, la distance où est le soleil, au sommet du triangle. Il n'y a point, ce nous semble, d'omission, comme le dit Geruzez, mais, avec clarté suffisante, une brièveté de bon goût dans la rapide indication de cette opération si connue de trigonométrie.

13. En toute sa constitution et nature. Nous retrouverons machine, avec la même rime, aux vers 30 et 33, 153 et 155 du Discours à Mme de la Sablière (fin du livre IX), et l'avons déjà vu au livre VII, fable 1x, vers 9 et 11.

14. Ni avec mon oreille.

15. Un bâton qui est en partie plongé dans l'eau, et qui semble courbé par suite de la réfraction de la lumière.

Y peut-elle être? Non. D'où vient donc cet objet?
Quelques lieux inégaux font de loin cet effet.
La lune nulle part n'a sa surface unie :
Montueuse 16 en des lieux, en d'autres aplanie,
L'ombre avec la lumière y peut tracer souvent
Un homme, un bœuf, un éléphant.
Naguère l'Angleterre y vit chose pareille.
La lunette placée, un animal nouveau
Parut dans cet astre si beau;

Et chacun de crier merveille.

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Il étoit arrivé là-haut un changement
Qui présageoit sans doute un grand événement.
Savoit-on si la guerre entre tant de puissances
N'en étoit point l'effet? Le Monarque 17 accourut :
Il favorise en roi ces hautes connoissances.
Le monstre dans la lune à son tour lui parut.
C'étoit une souris cachée entre les verres 18
Dans la lunette étoit la source de ces guerres.

:

40

45

50

On en rit. Peuple heureux! quand pourront les François Se donner, comme vous, entiers 19 à ces emplois 20? 55

16. Littré, à l'Historique de ce mot, en cite plusieurs exemples du seizième siècle, un de d'Aubigné, un autre de Montaigne.

17. Le Monarque, à l'époque de l'établissement de la Société royale et encore au temps où paraissait cette poésie de la Fontaine, était, comme on l'a dit dans la notice, p. 197, Charles II (voyez vers 64), qui, né en 1630, régna en Angleterre de 1660 à 1685. 18. Voyez la notice, p. 196.

19. De même, au livre suivant, vers 63 de la fable rv:

L'assemblée....

Se donne entière à l'Orateur.

Plus bas, au vers 72 de cette fable-ci, tout entiers. On lisait aussi dans les premières éditions de Cinna (1643-1656, acte I, scène 111, vers 267), entiers sans tout, qui d'ordinaire le précède dans cette façon de parler : Et sont-ils morts entiers avecque leurs desseins? Corneille a, en 1660, corrigé ce vers et ajouté tous devant entiers.

20. Une rime de même son (sois-françois) se trouve aux vers 13

Mars nous fait recueillir d'amples moissons de gloire :
C'est à nos ennemis de craindre les combats,

A nous de les chercher, certains que la Victoire,
Amante de Louis, suivra partout ses pas.

Ses lauriers nous rendront célèbres dans l'histoire. 60

Même les Filles de Mémoire

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Ne nous ont point quittés; nous goûtons des plaisirs :
La paix fait nos souhaits et non point nos soupirs.
Charles" en sait jouir : il sauroit dans la guerre
Signaler sa valeur, et mener l'Angleterre
A ces jeux qu'en repos elle voit aujourd'hui.
Cependant, s'il pouvoit apaiser la querelle,
Que d'encens! est-il rien de plus digne de lui?
La carrière d'Auguste a-t-elle été moins belle
Que les fameux exploits du premier des Césars?
Ô peuple trop heureux ! quand la paix viendra-t-elle
Nous rendre, comme vous, tout entiers aux beaux-arts"?

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et 16 de la fable VIII du livre VI; une autre (bourgeois-François) aux vers 3 et 4 de la fable xv du livre VIII, et nous en rencontrerons un bon nombre dans le reste des poésies.

21. Charles II avait été contraint par le Parlement en 1674 de rompre son alliance publique avec Louis XIV et de conclure une paix séparée avec la Hollande.

22. Dans les éditions originales il y a bien l'adverbe tout, et non tous, au pluriel, selon la vieille orthographe, suivie par Corneille dans la correction du vers de Cinna mentionnée plus haut à la note 19.

23. La guerre, une guerre générale contre la Hollande, l'Empire et l'Espagne, durait depuis 1672; de lentes négociations avaient été entamées à Nimègue, par la médiation du roi d'Angleterre, dès le mois d'octobre 1675, et la composition de cet épilogue pourrait à la rigueur être reportée jusque vers ce temps-là. On se rappelle que le livre VII et le livre VIII ont été publiés en 1678; ils le furent peut-être avant le 10 août, jour où la paix fut enfin signée entre la France et la Hollande. Voyez ci-après, au début de la fable iv et à la fin de la fable xvr du livre VIII.

LIVRE HUITIÈME.

FABLE I.

LA MORT ET LE MOURANT.

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Haudent,

Lodovico

Abstemius, fab. 99, de Sene Mortem differre volente. 2o partie, fab. 156, d'un Vieil Homme et de la Mort. Guicciardini, Hore di ricreatione (Venise, 1580), p. 195. Boursault a tant bien que mal fait entrer ce sujet dans le cadre d'un récit d'Ésope à la cour1, intitulé l'Enfer (acte IV, scène vi). Mythologia sopica Neveleti, p. 575.

2

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Voici le

Les frères Grimm, dans les Remarques de leur conte 177, les Messagers de la Mort, dont le fond est le même, disent que cette histoire « était connue dès le treizième siècle, car Hugo de Trimberg la raconte dans le Coureur, vers 23 666-23722. » récit d'Abstemius où la Fontaine a directement pris son sujet : Senex quidam Mortem, quæ eum e vita raptura advenerat, rogabat ut paululum differret, dum testamentum conderet et cætera ad tantum iter necessaria præpararet; cui Mors : « Cur non, inquit, hactenus præparasti, toties a me admonitus? » Et quum ille eam numquam a se visam amplius diceret : « Quum, inquit, non æquales tuos modo, quorum nulli fere jam restant, verum etiam juvenes, pueros, infantes quotidie rapiebam, non te admonebam mortalitatis tuæ? Quum oculos hebescere, auditum minui, cæterosque sensus in dies deficere, corpus ingravescere sentiebas, nonne tibi me propinquam esse dicebam? Et te admonitum

1. Comédie jouée le 16 décembre 1701, trois mois après la mort de l'auteur. Nous avons omis de dire, ci-dessus, p. 38, que ses Fables d'Ésope, ou Ésope à la ville, avaient été représentées de son vivant, le 18 janvier 1690.

2. Voyez ci-dessus, p. 88, note 2.

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