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Faisons donc quelques récits

Qu'elle déchiffre sans glose :

Amenons des bergers; et puis nous rimerons

Ce que disent entre eux les Loups et les Moutons.

Tircis disoit un jour à la jeune Amarante':

« Ah! si vous connoissiez, comme moi, certain mal
Qui nous plaît et qui nous enchante 10 !-

Il n'est bien sous le ciel qui vous parût égal".
Souffrez qu'on vous le communique;

30

qu'elle ne les comprenait pas bien; » puis il s'étonne qu'on « n'ait pas entendu le sens de la phrase ni aperçu l'ironie fine et délicate qu'elle renferme. » Nous croyons qu'il a raison, tout en étant un peu surpris, cette ironie admise, que Mlle Gabrielle de Sillery, à l'âge qu'elle avait, montre ou affecte une innocence, une pruderie, si l'on veut, qui certes n'était pas le défaut de la société de cette époque voyez l'éloge que Mme de Sévigné fait de plusieurs des contes du troisième recueil, dans une lettre à Mme de Grignan, tome II, p. 207, et les assez nombreuses allusions aux autres recueils indiquées à la Table analytique des Lettres (tome XII, p. 165). Les deux lettres de la Rochefoucauld que nous avons citées plus haut, dans la note 1, comme adressées à une de ses nièces, sœur de Gabrielle, nous offrent aussi des exemples, que nous avons dits étranges, de grande liberté de langage. Il est vrai qu'il y a quelques réserves à faire sur leur authenticité.

9. Amaranthe, ici et plus bas, dans nos anciennes éditions, sauf 1708; au titre, il y a bien, comme nous, avons imprimé, et selon l'orthographe de notre auteur en plusieurs autres endroits, Amarante, transcription exacte de l'adjectif àμápavtos, « qui ne se flétrit pas, » dont les Grecs n'ont pas, que nous sachions, tiré, comme nos poëtes, de nom propre féminin, mais le nom masculin de la fleur appelée de même en français.

10. Nous reproduisons la ponctuation des deux textes de 1678, dans lesquels ces deux vers forment ainsi une exclamation, exprimant un désir, au lieu d'être le premier membre d'une phrase, comme dans le commun des éditions récentes, qui, en général, remplacent le point d'exclamation par une virgule. André Chénier (élégie x1 du livre II, p. 225) rend la même antithèse par un verbe plus fort, non plus juste : « Ces maux qu'on adore. »

11. Solvet rapproche de cet endroit ce passage de l'Adonis de

35

Croyez-moi, n'ayez point de peur : Voudrois-je vous tromper, vous pour qui je me pique Des plus doux sentiments que puisse avoir un cœur? »

Amarante aussitôt réplique :

« Comment l'appelez-vous, ce mal? quel est son nom? L'amour.- Ce mot est beau; dites-moi quelques marA quoi13 je le pourrai connoître : que sent-on?

[ques12

Des peines près de qui le plaisir des monarques Est ennuyeux et fade : on s'oublie, on se plaît Toute seule en une forêt.

Se mire-t-on près un rivage",

Ce n'est pas soi qu'on voit; on ne voit qu'une image Qui sans cesse revient, et qui suit en tous lieux : Pour tout le reste on est sans yeux.

Il est un berger du 15 village

45

Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir: 50 On soupire à son souvenir;

notre auteur (vers 106-110), analogue par le contraste de la sée, et, dans le dernier vers, par l'expression :

Que peut faire Adonis?

Il aime, il sent couler un brasier dans ses veines;
Les plaisirs qu'il attend sont accrus par ses peines :
Il desire, il espère, il craint, il sent un mal

A qui les plus grands biens n'ont rien qui soit égal.

pen

12. « Quelque marque », au singulier, dans les deux textes de 1678, faute d'impression non corrigée dans l'Errata, et reproduite dans les textes de 1682, 88, 1708, 29.

13. Sur l'usage « fort élégant et fort commode » de ce pronom quoi, voyez Vaugelas, Remarques, tome I, p. 85, édition de 1697.

14. Nous gardons la leçon des deux textes de 1678, qui est aussi celle de 1682, 88, 1729. Est-ce une faute d'impression et faut-il lire « près d'un rivage », comme dans le rv conte de la IV partie, vers 36? Dès sa seconde édition (1718), l'Académie dit que le de quelquefois s'omet, mais seulement, ajoute-t-elle, il est vrai, dans des phrases du discours familier.

15. Les deux textes de 1678 ont de village; mais l'Errata corrige de en du.

On ne sait pas pourquoi, cependant on soupire;
On a peur de le voir, encor qu'on le desire. »
Amarante dit à l'instant :

« Oh! oh1! c'est là ce mal que vous me prêchez tant? 55
Il ne m'est pas nouveau : je pense le connoître.
Tircis à son but croyoit être,

Quand la belle ajouta : « Voilà tout justement
Ce que je sens pour Clidamant". »

L'autre pensa mourir de dépit et de honte.

Il est force gens comme lui,

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Qui prétendent n'agir que pour leur propre compte 19, Et qui font le marché d'autrui 20.

60

16. Ces mots, tout le passage, font penser au vers de Virgile (41o de l'églogue vin):

Ut vidi, ut perii, ut me malus abstulit error !

et au bel endroit de la Phèdre de Racine (acte I, scène ш, vers 272276):

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue, etc.

17. Voyez les vers 27 de la fable Iv du livre IX; 25 de la fable v du livre X; et, au tome I, p. 202, la note sur le vers 45 de la fable i du livre III, où est un hiatus analogue, non atténué, comme ici et aux deux autres endroits cités, par une h finale.

I

18. Il y a de Boileau une épigramme (la 1o, à Clymène) dont la chute ressemble fort au trait final de ce dialogue. « C'est un ouvrage, nous dit-il dans sa lettre à Brossette du 15 juillet 1702, de ma première jeunesse. »>

19. Telle est l'orthographe de 1678, 88, 1708, 29: voyez cidessus, p. 113, note 12.

20. C'est-à-dire qui travaillent pour autrui, dans l'intérêt d'autrui. Littré, à l'article MARCHÉ, 5°, cite le vers sans autre exemple analogue.

FABLE XIV.

LES OBSÈQUES DE LA LIONNE.

Abstemius, fab. 148, de Leone irato contra Cervum lætum morte Leænæ.

Mythologia sopica Neveleti, p. 598.

La Fontaine a trouvé chez Abstemius le cadre et les principales circonstances de la fable. — Lucien, dans son traité intitulé: Il ne faut pas croire légèrement à la calomnie (chapitres xvII et xvIII), a raconté un trait semblable, avec des acteurs humains: Alexandre ayant placé Héphestion au rang des Dieux après sa mort, ce fut à qui raconterait les songes envoyés par le nouveau dieu, les guérisons opérées par lui, ses apparitions, ses oracles. « Agathocle de Samos, un des taxiarques d'Alexandre, fort estimé du roi, fut sur le point de se voir enfermé avec un lion, parce qu'on l'accusait d'avoir pleuré en passant près du tombeau d'Héphestion, donc semblé méconnaître sa divinité. Heureusement Perdiccas, dit-on, vint à son secours, et jura par tous les Dieux, y compris Héphestion, que celui-ci lui était apparu, sous sa forme divine, dans une partie de chasse, et lui avait ordonné de dire à Alexandre qu'il se gardât bien de faire aucun mal à Agathocle; qu'il ne fallait attribuer ses larmes ni à son incrédulité, ni au regret de la mort d'Héphestion, mais au souvenir de leur amitié passée. » Voyez aussi Plutarque, Vie d'Alexandre, chapitre LXXII.

M. Taine (p. 85) remarque comme le Lion (c'est-à-dire le Roi) garde sa dignité même dans la colère : « Du haut de sa puissance, il voit tous les êtres comme des vermisseaux. Il ne daignera pas les châtier de sa main. « Il n'appliquera pas ses sacrés ongles sur << leurs membres profanes » (vers 35-36). Ce serait trop d'honneur pour eux que de périr d'une si noble mort.... Il n'oublie pas de donner à sa femme le titre d'usage; il est furieux en termes officiels et choisis; il ne se commettra jamais avec un insolent. » Plus loin (p. 91-95), M. Taine retrouve dans cette fable le portrait fidèle des courtisans, la pompe officielle et le mensonge des deuils de cour. << Proclamations, ordre et marche du cortége, maintien de cir

constance la Fontaine a marqué chaque détail en fidèle historiographe, et il n'y a que Saint-Simon, témoin oculaire, qui puisse le bien commenter. » M. Taine cite, à ce propos, le tableau de la mort du Dauphin peint par cet impitoyable observateur (tome VIII des Mémoires, p. 246 et suivantes), et rapproche l'apothéose de la Lionne, de la Reine, de ce qui se disait dans les oraisons funèbres.

La femme1 du Lion mourut;
Aussitôt chacun accourut

Pour s'acquitter envers le Prince
De certains compliments de consolation,
Qui sont surcroît d'affliction.

Il fit avertir sa province'

Que les obsèques se feroient

Un tel jour, en tel lieu; ses prévôts y seroient3
Pour régler la cérémonie,

Et pour placer la compagnie.
Jugez si chacun s'y trouva.
Le Prince aux cris s'abandonna,

Et tout son antre en résonna*:

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1. Toujours même habitude d'humaniser, ici bien opportune; l'emploi du mot propre « femelle » était impossible en un sujet pareil et traité de la sorte. Comparez le vers 27.

2. Les concessions à la rime sont rares chez notre auteur; mais ici province est-il bien juste et bien net? Les vers 31, 52 et d'ailleurs tout l'ensemble font bien du Lion un roi. L'idée à rendre serait plutôt, ce semble : « Il fit publier dans son royaume. »>

3. Les délégués du Lion de la fable x1x du livre V (vers 2) sont désignés par le même nom: voyez, au tome I, la note 3 de la page 424. Le P. Lejay, dans sa fable latine, traduit par feciales.— A remarquer ce tour facile par lequel la suite de la phrase continue, au moyen du conditionnel, sans reprise de que, le discours

indirect.

4. « Ces trois rimes masculines, remarque Nodier, ne sont peutêtre pas ici sans dessein; elles donnent une idée de la longueur et de l'éclat des gémissements du Lion, et le dernier vers exprime le bruit de l'écho qui les répète, par le son comme par la pen

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