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Mais, là encore, le dénouement est le même que dans Phèdre; l'Éléphant épargne le Rat en lui disant :

Petit coquin, c'est grand bonheur pour vous

Que ne soyez digne de mon courroux :

De vous punir ce seroit infamie.

Le Chat qui punit l'insolence du Rat paraît être une invention de notre poëte. M. Taine (p. 136-137) reconnaît dans notre Rat « le bourgeois qui sait qu'il est bourgeois et s'en chagrine. Sa seule ressource est de mépriser les nobles ou de les imiter. Il se met au-dessus d'eux ou parmi eux, et se croit un personnage.... Il est clair que ce philosophe de grenier est un disciple anticipé de Jean-Jacques, et médite un traité sur les droits du Rat et l'égalité animale. » (Voyez plus bas, la note 15 sur le vers 27.) L'abbé Guillon, ou peut-être Jules Janin, avait déjà fait la même observation: « Cette fable, est-il dit dans l'édition de 1829, quel que soit son peu d'étendue, peut se mettre à côté de tous les discours du dernier siècle sur l'inégalité des conditions, qu'il serait stupide et ridicule de nier. » Saint-Marc Girardin, dans sa xIve leçon (tome II, p. 33), a rappelé cette fable à la suite de celle de l'Éléphant et le Singe de Jupiter (la xx1o du livre XII), afin de гарргоcher les deux conclusions qu'il en veut tirer et qui sont : « Que les Éléphants, quoique grands, ne doivent pas être orgueilleux, et que les Rats, quoique petits, ne doivent être ni envieux ni insolents. »

Se croire un personnage est fort commun en France : On y fait l'homme d'importance,

Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois*.

C'est proprement le mal françois3 :

logie pour son maître (tome VI, p. 158, des OEuvres de Clément Marot, édition de 1731):

Seroit-il beau qu'ung villain deshonneste
Vînt à porter envye contre ung Roy
Pour sa noblesse et belliqueux arroy ?
Ou une Mousche encontre ung Elephant,
Disant qu'il n'est comme elle triumphant,
A ung Lyon pensant estre conforme ?

4. Ces vers rappellent les derniers de la fable III du livre I.
5. Même rime que ci-dessus, fable vIII du livre VI, vers 16;

La sotte vanité nous est particulière.

Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière :

6

Leur orgueil me semble, en un mot,

Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre,

Qui sans doute en vaut bien un autre.

Un Rat des plus petits voyoit un Éléphant

Des plus gros, et railloit le marcher un peu lent
De la bête de haut parage3,

Qui marchoit à gros équipage'.

Sur l'animal à triple étage

Une sultane de renom,

10

Son chien, son chat et sa guenon,

Son perroquet, sa vieille11, et toute sa maison,
S'en alloit en pèlerinage".

5

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fable xviii du livre VII, vers 54; et dans maint autre passage du reste des œuvres.

6. « L'orgueil fait que nous nous estimons. La vanité fait que nous voulons être estimés.... L'orgueilleux se considère dans ses propres idées; plein et bouffi de lui-même, il est uniquement occupé de sa personne. Le vain se regarde dans les idées d'autrui; avide d'estime, il désire d'occuper la pensée de tout le monde. »> (L'abbé GIRARD, Synonymes françois, édition Beauzée, 1769, p. 291.) 7. Infinitif pris substantivement: voyez la fable 1 du livre VIII, vers 39, et la note 6 de la page 217.

I

8. De grande race ou de haut rang, un éléphant de cour. 9. Ces mots sont bien expliqués par ce qui suit. Voyez plus haut, p. 122, fin de la note 14; vers 5 de la fable vir du livre IV; et vers 32 de la Ligue des Rats, à la suite du livre XII. 10. Expression pittoresque pour marquer la haute taille de l'Éléphant, exhaussé encore d'un baldaquin et de son contenu. 11. Sa duègne ou sa nourrice.

12. Comparez les fables xiv du livre IX, vers 2; 111 du livre VIII, vers 18. - M. Taine (p. 263-264) est revenu sur cette fable, à propos des vers 11-19, pour montrer comment la Fontaine << ne décrit jamais pour décrire, » comment « tous ses traits sont calculés pour produire une impression unique, » et « sont autant d'argu

les gens

Le Rat s'étonnoit que

13

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Fussent touchés de voir13 cette pesante masse :
« Comme si d'occuper ou plus ou moins de place
Nous rendoit, disoit-il, plus ou moins importants1 !
Mais qu'admirez-vous tant en lui, vous autres hommes?
Seroit-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,

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ments dissimulés qui tendent tous à un même effet.» Ailleurs (p. 318), citant encore les mêmes vers, il note, comme nous, d'après lui, ci-dessus, p. 158, note 9, l'effet produit par «< la multitude des rimes rapprochées. >>

13. C'est-à-dire, éprouvassent, à cette vue, un sentiment d'admiration. Le verbe toucher s'appliquait autrefois, d'une façon plus générale qu'aujourd'hui, et dans le sens du latin movere, à tous les sentiments, quels qu'ils soient, qui modifient notre âme.

14. Parlant, dans la chaire, de l'illusion que se fait sur son importance, mesurée au plus ou moins de place qu'il parvient à occuper par ses biens, l'homme « qui n'est pas capable de soutenir par ses qualités personnelles les honneurs dont il se repaît, »> Bossuet a dit (Sermon pour le mardi de la 2o semaine de carême, prêché devant le Roi, sur l'Honneur, premier point, 5° alinéa): « L'homme, pauvre et indigent au dedans, tâche de s'enrichir et de s'agrandir comme il peut, et, comme il ne lui est pas possible de rien ajouter à sa taille et à sa grandeur naturelle, il s'applique ce qu'il peut par le dehors. Il pense qu'il s'incorpore.... tout ce qu'il amasse, tout ce qu'il acquiert, tout ce qu'il gagne. Il s'imagine croître lui-même avec son train qu'il augmente, avec ses appartements qu'il rehausse, avec son domaine qu'il étend. Aussi, à voir comme il marche, vous diriez que la terre ne le contient plus; et sa fortune enfermant en soi tant de fortunes particulières, il ne peut plus se compter pour un seul homme. »> - Nous lisons dans la XIII* leçon, sténographiée (voyez ci-dessus, p. 234), de Saint-Marc Girardin, cette réflexion qui s'accorde on ne peut mieux avec celles que nous citons de M. Taine (plus haut, p. 286, et ci-après dans la note 15): « S'il plaisait à je ne sais quel sorcier, un jour de promenade publique..., d'ouvrir nos oreilles, de manière que nous puissions entendre les conversations réciproques, les dialogues échangés entre les piétons et les voitures, je vous le demande avec effroi où donc serait la charité? En voiture ou à pied? La charité, je le crains bien, ne serait nulle part. »

D'un grain moins que les Éléphants 15.
15.,
Il en auroit dit davantage;

16

Mais le Chat, sortant de sa cage 10,
Lui fit voir, en moins d'un instant,
Qu'un Rat n'est pas un Éléphant".

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15. « Voilà bien, dit M. Taine (p. 137), en citant ces quatre vers, le ton aigre d'un plébéien révolté, et la suffisance pédante d'un penseur qui s'est dégagé des préjugés vulgaires : « Cela veut « raisonner de tout, disait le duc de Castries, et cela na pas « mille écus de rente. >>

16. « Cage » est le mot juste: il s'agit d'un chat en voyage. C'est dans un panier qu'il en loge un autre, à la maison (livre XII, fable 11, vers 3):

Un Chat contemporain d'un fort jeune Moineau

Fut logé près de lui dès l'âge du berceau.

La cage et le panier avaient mêmes pénates.

17. « Le discours du Rat, dit Nodier, est en vers graves, longs et pompeux, parce qu'il se complaît dans son orgueil. La rapidité de ceux qui suivent nous rend tout à fait présente l'expédition du Chat. >> <«< La moralité ainsi comprise dans le récit est plus piquante, remarque Geruzez, que si elle était détachée en sentence. >>

J. DE LA FONTAINE, II

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FABLE XVI.

L'HOROSCOPE.

Ésope, fab. 264, Παῖς καὶ Πατήρ (Coray, p. 174), Υἱὸς καὶ Λέων veypauuevos (Coray, p. 393). Haudent, 1" partie, fab. 32, d'un Père et de son Enfant. G. Cognatus, p. 55, de Quodam Astrologo;

p. 65, de Caprea, Puella, Viatore, Lepore et Puero.

Mythologia sopica Neveleti, p. 301.

Hérodote raconte (livre I, chapitres XXXIV-XLV) que Crésus, au moment où il commence à être en butte à la jalousie des Dieux, est averti par un songe qu'une pointe de fer menace la vie de son fils Atys; effrayé de cette vision, le roi n'a plus d'autre souci que d'éloigner toutes les occasions de danger; cédant pourtant aux instances du jeune homme, il lui permet de prendre part à une chasse au sanglier; la fatalité veut qu'Atys y soit tué de la main même d'un hôte dévoué, chargé par le père de veiller sur le fils. La fable grecque que la Fontaine a suivie (la première des deux citées en tête) semble avoir voulu renchérir sur la légende d'Hérodote, appuyer d'un exemple plus frappant encore cette maxime, qu'a le mieux exprimée Babrius1 : Qu'il n'y a pas à ruser avec les arrêts du Sort. — L'aventure d'Eschyle, que la Fontaine a intercalée dans cet apologue, est racontée ou rappelée par Valère Maxime (livre IX, chapitre XII), par Élien (Histoire des animaux, livre VII, chapitre xvi), par Pline (Histoire naturelle, livre X, chapitre 1). — Les deux fables de Gilbert Cousin (Cognatus) que nous avons citées n'ont qu'un rapport éloigné avec celle de la Fontaine. Dans la première il s'agit d'un Astrologue qui met fin lui-même à ses jours pour ne pas faire mentir sa prédiction; mais la morale est, au fond, la même : Si fatum vitari non potest, quid prodest præscisse ? et

1. On a conservé deux fragments de la fable où Babrius avait traité ce sujet (les fragments vi et VII de l'édition Boissonade); voici le second, c'est l'affabulation :

Α σοι πέπρωται, ταῦτα πλῆθι γενναίως,
Καὶ μὴ σοφίζου· τὸ χρεὼν γὰρ οὐ φεύξῃ.

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