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Eurent le sort qu'ils méritoient.

L'homme lettré se tut, il avoit trop à dire.
La guerre le vengea bien mieux qu'une satire.
Mars détruisit le lieu que nos gens habitoient :
L'un et l'autre quitta1 sa ville.
L'ignorant resta sans asile :

Il reçut partout des mépris;

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L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle 17 :
Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots: le savoir a son prix 18.

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16. L'Académie, dans un exemple de ses deux dernières éditions, autorise aussi bien le singulier que le pluriel, pour l'accord avec l'un et l'autre. Dans sa quatrième (1762), elle paraît n'admettre que le pluriel. Il est curieux que dans les trois précédentes elle n'ait aucun exemple l'obligeant à prendre parti au sujet de l'accord.

17. Comme, au rapport de Plutarque (Vie de Nicias, chapitre xxIx), les Athéniens, après leur déroute en Sicile, reçurent bon accueil des Siciliens, en leur récitant des vers d'Euripide. A l'exemple choisi par le fabuliste de « l'Avantage de la science », s'appliquent surtout bien directement les derniers mots : « ravage de la guerre,» de ce récit fait par Vitruve du naufrage d'Aristippe, où il nous le montre comblé de présents à la suite de ses leçons à Rhodes: Namque ea vera præsidia sunt vitæ quibus neque fortunæ tempestas iniqua, neque publicarum rerum mutatio, neque belli vastatio potest nocere. (De Architectura, livre VI, commencement de la préface.)

18. Cette très-sage affirmation n'empêche pas le poëte, nonseulement de blâmer, dans la fable xxv de ce livre (vers 37), l'aspiration exagérée à la science, mais même de s'écrier ailleurs, dans son Épitre à Monseigneur l'évêque de Soissons (Huet), vers 75-76:

....

Hélas! qui sait encor

Si la science à l'homme est un si grand trésor?

et, dans son Poëme du Quinquina, de faire suivre un morceau (vers 111-125) où il nous vante, en parlant des Sauvages, « le secours de l'ignorance, » de cette boutade qui implique très-médiocre estime de la science :

Pour nous, fils du savoir, ou, pour en parler mieux,
Esclaves de ce don que nous ont fait les Dieux....

FABLE XX.

JUPITER ET LES TONNERRES.

1

Sénèque, dans ses Questions naturelles (livre II, chapitre XL1), nous apprend qu'il y avait, d'après la science augurale, trois sortes de tonnerres lancés par Jupiter : Prima (manubia), ut aiunt (Etrusci), monet, et placata est, et ipsius consilio Jovis mittitur. Secundam mittit quidem Jupiter, sed ex consilii sententia: duodecim enim Deos advocat ; quæ prodest quidem, sed non impune. Tertiam manubiam idem Jupiter mittit; sed adhibitis in consilium Diis quos superiores.... vocant. Quæ vastat..., et inique mutat statum privatum et publicum, quem invenit.... Plus loin il ajoute (chapitre XLIII): Quare ergo id fulmen quod solus Jupiter mittit, placabile est; perniciosum id, de quo deliberavit, et quod aliis quoque Diis auctoribus misit? Quia Jovem, id est, regem, prodesse etiam solum oportet; nocere non nisi quum pluribus visum est. Discant ii quicunque magnam potentiam inter homines adepti sunt, sine consilio nec fulmen quidem mitti; advocent, considerent multorum sententias, placita temperent, et hoc sibi proponant, ubi aliquid percuti debet, ne Jovi quidem suum satis esse consilium. Dans le chapitre suivant, il cite les vers d'Ovide (Métamorphoses, livre III, vers 305-307) où le poëte décrit cette foudre moins redoutable, levius, avec laquelle Jupiter se présente devant Sémélé, et il fait du mythe, inventé, dit-il, par des hommes d'une haute sagesse, l'application suivante: Illos vero altissimos viros error iste non tenuit, ut existimarent Jovem modo levioribus fulminibus et lusoriis telis uti; sed voluerunt admonere eos quibus adversus peccata hominum fulminandum est, non eodem modo omnia esse percutienda: quædam frangi debere, quædam allidi et destringi, quædam admoveri, La Fontaine, qui devait, peu d'années après (1681), faire imprimer la traduction des Épitres de Sénèque par Pintrèl, en la revoyant lui-même1, pouvait bien en ce moment lire avec son ami les ouvrages du philosophe. Toujours est-il que c'est là qu'est pris le sujet de cette fable on n'en saurait douter quand on compare les vers 14-18 et ceux de la

1. Voyez, au tome I, la Notice biographique, p. CXXII.

pu

fin avec le passage de Sénèque. Si Voltaire l'eût su, il n'aurait dire, croyons-nous, dans son Dictionnaire philosophique, à l'article TONNERRE (tome XXXII des OEuvres, p. 385): « Je n'ai jamais bien compris la fable de Jupiter et des Tonnerres dans la Fontaine; >> ni ajouter, avec cette mauvaise humeur contre notre fabuliste que nous avons eu plusieurs fois l'occasion de relever : « Avait-on donné à la Fontaine le sujet de cette mauvaise fable qu'il mit en mauvais vers si éloignés de son genre? Voulait-on dire que les ministres de Louis XIV étaient inflexibles, et que le Roi pardonnait ? » Sur le sujet de l'apologue, la remarque de Chamfort, qui, lui, avoue comprendre, est plus fondée : « Cette fable pouvait, dit-il, avoir plus d'intérêt et plus de vraisemblance chez les anciens, qui attribuaient à différents dieux différents départements. Mais elle ne signifie pas grand'chose pour nous qui admettons une Providence, dispensatrice immédiate des biens et des maux. » Seulement il faut ajouter : « Idées et points de vue soit antiques, soit modernes, ne sont-ils pas tous également du domaine de la poésie? >> Pour les vers que Voltaire a appelés si lestement «< mauvais, »> on peut, ce nous semble, opposer hardiment à sa critique cet éloge de Geruzez, appréciateur si délicat en ces matières : « Cette fable, composée tout entière de vers de sept syllabes, est un modèle de facilité élégante et harmonieuse dans le rhythme le moins favorable à l'harmonie. » On peut voir, dans la notice de la fable vi du livre VII (ci-dessus, p. 134-135), l'observation de M. Taine, laquelle se borne, quant au mètre, à l'uniformité qui, à ses yeux, fait tort à la pensée poétique.

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2. Les parties, les régions. Même mot dans Psyché (tome III M.-L., p. 43 et 158). « Qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature. » (Pascal, Pensées, édition Havet, p. 5.)

3. Ce discours rappelle ces vers de Philémon et Baucis (29-31 et

Va-t'en, Mercure, aux Enfers;
Amène-moi la Furie

La plus cruelle des trois*.
Race que j'ai trop chérie3,
Tu périras cette fois. »
Jupiter ne tarda guère

A modérer son transport.

O vous, Rois, qu'il voulut faire
Arbitres de notre sort®,
Laissez, entre la colère
Et l'orage qui la suit,
L'intervalle d'une nuit".

Le Dieu dont l'aile est légère,
Et la langue a des douceurs,
Alla voir les noires Sœurs.

96-98), où Jupiter parle également à Mercure :

Ils habitoient un bourg plein de gens dont le cœur
Joignoit aux duretés un sentiment moqueur.
Jupiter résolut d'abolir cette engeance..........

De ce bourg, dit Jupin, je veux punir les fautes :
Suivez-nous. Toi, Mercure, appelle les vapeurs.

O gens durs! vous n'ouvrez vos logis ni vos cœurs! >>

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4. Les trois Furies ou Euménides (voyez au vers 31) étaient Alecton, Mégère et Tisiphone, filles de l'Achéron et de la Nuit. 5. Ce vers prépare celui que nous verrons plus loin (le 41o) :

Tout père frappe à côté.

6. Voyez la même application dans le passage de Sénèque cité en tête de l'apologue. Cette apostrophe aux Rois, « arbitres de notre sort,» indique bien que c'est Sénèque, comme nous l'avons dit, qui a servi de modèle.

7. Si l'empereur Claude eût suivi ce conseil, Suétone ne nous dirait pas de lui : Multos ex iis, quos capite damnaverat (Claudius), postero statim die, et in convivium, et ad aleæ lusum admoneri jussit ; et, quasi morarentur, ut somniculosos per nuntium increpuit. (Vie de Claude, chapitre xxxIx.)

8. Ces douceurs » sont bien le blandiens et carmine mulces qu'Horace (livre III, ode xi, vers 15 et 24) applique à Mercure,

A Tisiphone et Mégère
Il préféra, ce dit-on,
L'impitoyable Alecton.

Ce choix la rendit si fière",

Qu'elle jura par Pluton

Que toute l'engeance 10 humaine
Seroit bientôt du domaine

Des déités de là-bas11.
Jupiter n'approuva pas
Le serment de l'Euménide.
Il la renvoie; et pourtant
Il lance un foudre à l'instant
Sur certain peuple perfide.
Le Tonnerre, ayant pour guide
Le père même de ceux
Qu'il menaçoit de ses feux,
Se contenta de leur crainte;

Il n'embrasa que l'enceinte 12

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dont, au début de l'ode x du livre I, il vante ainsi l'éloquence : Mercuri, facunde nepos Atlantis,

Qui feros cultus hominum recentum

Voce formasti catus.

9. Le mot fière paraît bien avoir ici cette nuance d'acception : « farouche, audacieux et violent, qui le rapproche du latin ferus et dont Littré donne des exemples dans son Dictionnaire, 2o.

10. Le mot revient plus bas, dans le vers 42; on en peut voir d'autres emplois ravalants aux livres I, fable xix, vers 23; VIII, fable xxiv, vers 17, etc.

11. Là-bas au même sens dans le vers :

Diogène là-bas est aussi riche qu'eux;

voyez au tome I, p. 344, note 3. Autre exemple, avec idée de mouvement, au vers 48 de la fable xv du livre X.

12. Enceinte d'un désert » étonne un peu; mais on peut voir chez Littré, 2o, divers exemples où l'expression « l'enceinte de » signifie, comme ici, « l'étendue de, ce qui est compris dans › (comparez tome III M.-L., p. 318). Au reste, le sens ne peut-il pas

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