Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

D'un désert inhabité :

14

Tout père frappe à côté13.
Qu'arriva-t-il? Notre engeance
Prit pied sur cette indulgence.
Tout l'Olympe s'en plaignit ;
Et l'assembleur de nuages:
Jura le Styx16, et promit
De former d'autres orages:

Ils seroient sûrs17. On sourit ;

40

45

être aussi « le circuit, les entours » du désert, une forêt par exemple? Quant au terme « désert, » il ne désigne pas nécessairement un lieu ouvert, et rien n'empêche de n'y attacher dans ce vers, comme d'ailleurs y oblige presque l'épithète inhabité, que son sens étymologique, de « lieu abandonné, où il n'y a pas d'hommes. »

13. N'oublions pas, dit Chamfort, de remarquer un vers charmant :

Tout père frappe à côté.

Mais la Fontaine a tort de revenir sur cette idée, et de dire, huit vers après :

On lui dit qu'il étoit père;

ce dernier vers ne peut faire aucun effet après l'autre. » La reprise de l'idée n'a rien qui choque; elle est amenée très-logiquement par le vers 41, et fait une bonne et toute naturelle liaison. C'est comme si les Dieux disaient : « Souvenez-vous que votre main paternelle frappe à côté. »

14. S'appuya, se fonda sur.

15. Traduction littérale du composé vegeλnyepéta qu'Homère donne souvent pour épithète à Jupiter.

16. Le français jurer, de même que le latin jurare, se construit avec un complément soit direct, comme ici et aux vers 17-18 de la fable ш du livre XI, soit indirect et précédé de la préposition par, per. On sait que jurer par le fleuve ou marais infernal le Styx était le serment le plus terrible que pussent faire les Dieux :

Cocyti stagna alta vides, Stygiamque paludem,
Di cujus jurare timent et fallere numen.

(VIRGILE, Énéide, livre VI, vers 323-324.)

17. Ils ne se fourvoieraient pas: voyez le vers 56.

On lui dit qu'il étoit père,
Et qu'il laissât, pour le mieux,
A quelqu'un des autres dieux
D'autres tonnerres à faire.
Vulcan 18 entreprit l'affaire.
Ce dieu remplit ses fourneaux
De deux sortes de carreaux 19:
L'un jamais ne se fourvoie;
Et c'est celui que toujours
L'Olympe en corps nous envoie;
L'autre s'écarte en son cours :

Ce n'est qu'aux monts qu'il en coûte;
Bien souvent même il se perd;

Et ce dernier en sa route

Nous vient du seul Jupiter 20.

50

55

60

18. Les éditions originales et les anciennes de 1678, 82, 88, 1708 ont toutes la vieille finale an, que les textes modernes, contrairement à l'avis de Boissonade, dans sa lettre plus d'une fois citée, ont changée en ain, à peu d'exceptions près; Crapelet, Colincamp, M. Godefroy et, il va sans dire, MM. Marty-Laveaux et Pauly ont respecté le texte original. Le nom revient souvent dans les OEuvres et constamment avec l'ancienne désinence: même en prose (Préface de la I" partie des Contes, tome II M.-L., p. 5); à la rime, au vers 414 du conte iv de la III° partie. Nous n'avons trouvé qu'une fois Vulcain, au livre I de Psyché, p. 181 de l'édition originale (1669).

19. Le mot carreau, fréquent, au pluriel, chez les poëtes, pour désigner la foudre, signifiait, au propre, une flèche (d'arbalète) dont le fer avait quatre pans de là son nom de carreau, anciennement quaral, quarrel, quarriau, etc.

20. C'est ce que dit l'une des phrases de Sénèque citées en tête de la fable: Quare ergo id fulmen, etc.

FABLE XXI.

LE FAUCON ET LE CHAPON.

Livre des lumières, p. 112-113, Histoire du Faucon et de la Poule.Bidpaï, tome II, p. 59-64, le Faucon et le Coq (voyez aussi Benfey, tome I, p. 228). Ysopet I, fab. 56, de l'Ostoir (Autour) et du Chapon (en entier chez Robert, tome II, p. 165). — A la suite des soixante fables d'Ugobardus de Sulmone (Anonyme de Nevelet), Dressler, dans son recueil déjà cité ci-dessus, à la page 28, note 1, donne (p. 204) un apologue d'un tour vif, énergique, qu'il attribue à un autre auteur, et qui est intitulé de Capone et Accipitre, qui a une grande analogie avec celui de l'Ysopet I. Robert a aussi rapproché de cette fable celle du Renard et du Chapon qui se trouve dans le Dialogus creaturarum moralizatus de Nicolas de Pergame, de Gallo et Capone (n° 61, feuille f, fol. 4 vo et 5 ro et vo), et dans la traduction française, du Cocus (sic) et du Chappon (feuille f, fol. 2 v° et 3 ro): Un Coq et un Chapon habitaient la même bassecour. Un Renard dévore le Coq, mais a soin d'en conserver la crête, et, la montrant au Chapon, il la lui offre et dit : « Descends, et je t'en couronnerai, et tu régneras sur les poules comme lui-même régnait sur elles. » Le Chapon se laisse tenter; il descend et le Renard l'étrangle. Cet apologue, où le Chapon est victime de son ambition, pourrait être plutôt comparé, comme il l'a été par M. Moland, à la fable 11 du livre I, où le Corbeau est victime de sa vanité.

Chamfort remarque que « cette fable rentre un peu dans celle du Mouton, du Pourceau et de la Chèvre (voyez ci-dessus, fable x11); avec cette différence, ajoute-t-il, que le Chapon est plus maître d'échapper à son sort. Il faut supposer que le Chapon s'envole de la basse-cour pour n'y plus revenir, ce que pourtant la Fontaine ne dit pas. Au reste, elle est contée plus gaiement que l'autre.... Je voudrais seulement que l'apologue finît par un trait plus saillant. »

Une traîtresse voix bien souvent vous appelle;
Ne vous pressez donc nullement :

Ce n'étoit pas un sot, non, non, et croyez-m'en,
Que le chien de Jean de Nivelle1.

Un citoyen du Mans', chapon de son métier3,

1. Au sujet du proverbe :

C'est le chien de Jean de Nivelle,

Il s'enfuit quand on l'appelle,

5

on lit au tome V des Écrits inédits de Saint-Simon, publiés par M. Faugère, que « les deux fils, Jean et Louis, de la première femme (de Jean II de Montmorency), furent déshérités par leur père pour avoir suivi, malgré lui, le parti du duc de Bourgogne contre Louis XI. Il fit sommer l'aîné inutilement à son de trompe, le maudit, le traita de chien ; et c'est de cet aîné, Jean, seigneur de Nivelle, qu'est venu le proverbe du chien de Jean de Nivelle qui s'enfuit quand on l'appelle. » Telle est l'explication le plus communément adoptée. Quitard, après l'avoir donnée, un peu modifiée, dans son Dictionnaire des Proverbes (1842, p. 225-226), en cite une du Dictionnaire de Trévoux', qui la modifie encore plus, puis une autre qui fait venir le proverbe du jacquemart ou homme de fer placé au haut du clocher de la ville de Nivelle (Brabant méridional) et nommé par le peuple : « Jean de Nivelle. » Il finit ainsi son article: « La Fontaine paraît avoir cru qu'il s'agissait d'un véritable chien lorsqu'il a dit : « Une traîtresse voix, etc. >> Si, comme en effet il paraît bien, il l'a cru, il n'était et n'est pas seul à entendre ainsi la locution. Qui, dans le peuple surtout, n'y voit un vrai chien? La plaisanterie, du reste, est vieille et a cours, appliquée au chien, ailleurs que dans notre langue; pour ne citer qu'un exemple, les Italiens disent : Far come il can d'Arlotto, che chiamato se la batte, « faire comme le chien d'Arlotto, qui, appelé, décampe. >> 2. On sait que le Mans est célèbre par ses volailles. Comparez les Plaideurs, de Racine, acte III, scène III, vers 712 et 723-724. Pour citoyen, voyez p. 236, note 5.

3. Geruzez, qui, trop délicat ici peut-être, ne trouve pas la plaisanterie « d'un excellent goût, » fait remarquer que « la Fontaine

a Page 128, Duchés et comtés-pairies éteints, titre MONTMORENCY.

Ce dictionnaire la tire de l'Étymologie.... des proverbes françois de Fleury de Bellingen (livre 1, chapitre vii, p. 30, la Haye, 1656), dont l'explication se termine par ces mots qui rendent bien raison du sens du proverbe : « Tant plus on l'appeloit, tant plus il se hâtoit de courir et de fuir. »

• Battersela équivaut, dit le Dictionnaire della Crusca, à partirsi in fretta, • s'en aller à la hâte. »

Étoit sommé de comparaître

Par-devant les lares du maître,

Au pied d'un tribunal que nous nommons foyer.
Tous les gens lui crioient, pour déguiser la chose,
« Petit, petit, petit! » mais, loin de s'y fier,
Le Normand et demi laissoit les gens crier.

IO

avait déjà fait dire à la Chauve-souris (livre II, fable v, vers 9-10): Pardonnez-moi,...

Ce n'est pas ma profession. >>

Emplois analogues du mot métier aux livres IX, fable x, vers 32; XI, fable 1, vers 17; XII, fable 1x, vers 34.

4. Il y a ainsi « comparaistre » et non, selon l'orthographe du temps, « comparoistre », dans les deux éditions de 1678, et il y a de même un a, avec ou sans s, dans plusieurs autres anciens textes, pour rimer avec « maistre » ou « maître ». Celui de 1729 a « comparoître >>. « Une sommation de comparaitre faite à un chapon qu'on appelle pour le mettre à la broche, un foyer qui devient un tribunal érigé par-devant les lares, ce style nous semble bien relevé, dit l'abbé Guillon, pour un aussi petit objet. » C'est précisément ce sérieux qui est ici plaisant : il rappelle à Nodier Dandin, dans les Plaideurs de Racine, jugeant le chien Citron (acte III, scène 1). La Fontaine excelle en ce genre. L'abbé Guillon a oublié d'ailleurs que ce chapon est « un citoyen du Mans. »>

5. Les dieux domestiques. Ce mot du style noble, déjà vu cidessus, fable Ix, vers 2, est, comme nous venons de le dire, bien à sa place ici avant la sérieuse expression de « tribunal. »>

6. « Les Normands sont rusés, dit Geruzez: que sera-ce qu'un Normand et demi? » Les Manceaux partagent, chez nos vieux poëtes et dans l'opinion populaire, la réputation de finesse et de ruse qu'on a faite aux Normands". Comparez un passage, significatif dans le même sens, des Mémoires de Saint-Simon, tome III (1881), p. 129 et note 2, et une double citation de Guy Patin ajoutée à

a

«

Fleury de Bellingen, dans son Étymologie des proverbes (p. 134), que nous venons de citer, veut qu'on interprète tout autrement ces mots : « qu'un Manseau vaut un Normand et demi. » Cela se doit entendre, dit-il, en valeur, et non pas en méchanceté, » et il donne deux curieuses explications, entre lesquelles il paraît nous laisser le choix. L'une est que les termes Manseau et Normand désignaient certaines pièces de monnaie; l'autre, « qu'un Manseau valoit un Normand et demi en générosité, » c'est-à-dire en vaillance, d'après ce qui précède. Quitard, p. 520, répète cette double explication.

« ZurückWeiter »